Lettre à ce frère que je n'aurais jamais

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Cher frère,
Je ne t'ai jamais connu et pourtant je me sens si proche de toi comme si nous avions grandi ensemble. J'ai toujours espéré ta venue, jusqu'à ce que celle-ci s'avère ne jamais se produire. Au fond de moi je me dis que cela peut toujours arriver, mais je sais que c'est faux. J'aimerais te parler comme si tu existais réellement et passer outre le fait que tu n'existeras jamais autrement que dans mon esprit.
Lorsque mes parents me demandaient ce que je voulais comme cadeau, je pensais toujours à toi. Tu étais ce cadeau inaccessible, celui dont on rêve toujours d'avoir et qu'on ne cessera de souhaiter. Je n'irai pas jusqu'à dire que tu n'es jamais venu, tu t'es présenté sous des formes diverses. J'ai grandi avec mes cousins qui ont tenu ton rôle sans pour autant te remplacer, tels
des doublures.
C'est avec toi que j'aurai voulu tomber, avec toi que j'aurai voulu pleurer, avec toi que j'aurai voulu rire, avec toi que j'aurai voulu vivre. Mais surtout, c'est avec toi que j'aurai souhaité jouer. Jouer au football, aux voitures, à tous ces jeux qui t'auraient fait plaisir. Malheureusement tu n'étais pas là, peut-être est-ce pour ça que j'ai grandi comme un garçon manqué.
Quand je repense à ma vie, je me dis toujours qu'il manque quelque chose. Ce quelque chose c'est toi. J'aurai aimé avoir quelqu'un à protéger, à m'occuper, à consoler. Avoir une grande soeur, c'est différent. Bien que je l'aime, tu as toujours manqué dans ma vie. Connais-tu cette sensation de ne pas avoir de but dans la vie, d'avoir la sensation qu'il manque toujours quelque chose, que quoi que tu fasses, cette impression demeurera ? L'espoir fait vivre, non ?
Je me dis que tu aurais bouleversé ma vie, que les choses auraient été différentes, qu'aujourd'hui je me sentirais plus proche de ma famille. C'est peut-être ça qui manquait à celle-ci, un cinquième membre. Papa aurait adoré avoir un fils, je l'ai toujours su. Lui aussi t'attendait. Tu aurais été ce miracle si attendu, celui qui aurait changé la donne. Si, si, si...
Tu existes au fond de mon cœur, tel un jumeau coincé à jamais dans sa jumelle. Je suis tes yeux, ton cœur, tes mains, tes jambes. Il existe une telle intimité entre nous que j'arrive parfois à croire que je suis toi et que tu es moi. Mon imagination est sans limites, sans frontières. J'ai appris à vivre avec toi sans réellement savoir que tu étais là, dans mon esprit, dans mon cœur, dans mon sang. Je t'imagine avoir les mêmes yeux que moi, des cheveux blonds, grand, toujours heureux. Tu es le frère que la vie a oublié de me donner, le frère que mon esprit a fini par façonner au fil des ans.
Je ne te connais pas et pourtant j'ai l'impression de te comprendre mieux que personne et que tu fais de même. Je sais que tu existes quelque part, qu'aucun lien de sang ne nous unit mais qu'une connexion nous lie. Viens, cours, ris, mais ne me laisse pas... On ne se croisera peut-être jamais, cependant je t'aimerais toujours petit frère.

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