Échec d'envoi

Lettre à ma mère

Salut maman,

Je ne sais plus si ce nom te décrit encore aujourd'hui. Je ne te reproche rien, on finit tous par faire des erreurs, c'est humain. Je suis fatiguée d'en vouloir à la Terre entière, j'ai essayé de t'en vouloir mais c'est au-delà de mes forces.

Tu as été une mère hors norme, une mère exceptionnelle, aimante et toujours là pour nous. Je me souviens que tu étais là même durant la tempête qui a détruit notre famille et a emporté avec elle cette vie si paisible que nous avions. Tu étais là pour nous alors que nos repères s'effondraient, que ton autre fille sombrait dans cette période destructrice et fondatrice qu'est l'adolescence. Même quand avec papa ça se passait mal, tu me soutenais, tu étais là malgré que la situation soit délicate.
Notre vie n'était pas parfaite, cependant tu nous offrais ton plus beau sourire et faisais ton maximum pour subvenir à nos besoins. Je me souviens de nos soirées devant la télé à rire, de ces soirées où l'amour que tu nous portais était explicite, ces soirées qui me manquent aujourd'hui. Je me souviens de cette complicité qui nous liées, de nos rires et de nos moments de bonheur toutes les deux. Un temps révolu et passé...

Tout a changé lorsque tu as rencontré ton mari actuel. Tu te détachais petit à petit de nous préférant consacrer ton attention à ce nouveau compagnon. Tu lui accordais chaque minute de ton temps, restant scotchée à ton téléphone guettant le moindre de ses appels. Il nous a pris notre mère, mais il t'a rendue heureuse, c'est ce qui compte à mes yeux. Lorsqu'il est là, tu m'oublies, tu restes avec lui, ne voulant pas le laisser seul deux minutes. Tu as fait passer tes deux filles au second plan pour pouvoir refaire ta vie, étions-nous un réel obstacle à ce bonheur, à cette nouvelle vie ?

Il y a des moments où ton rôle de mère te revient en mémoire, où le devoir t'appelle. Ces moments sont ceux où tu essaies de revêtir le rôle de mère pour  te prouver que tu n'as rien à te reprocher et que tu es une bonne mère. Sais-tu que je déteste ces moments ? Pourquoi ? Peut-être parce que durant ces courts instants tu me fais la morale et me dis que cette note ne te va pas, que je devrais faire mieux. Tu montres à quel point je te déçois, à quel point je ne vaux rien. Ces moments qui devraient être de bons moments où je retrouve ma mère, tu les transformes inconsciemment en moments de tortures, en moments dont je préférerais ne pas se souvenir. La pire chose que tu puisses me faire c'est me montrer que je t'ai déçue. Mais ça, tu ne le sais pas, évidemment. Alors j'accepte que tu me fasses la leçon, que tu me fâches, mais tu peux le dire aussi quand tu es fière de moi, que j'ai de bons résultats et arrêter de ne relever que mes faux pas.

Tu te plains que je ne t'aies pas parlé de ce mal qui me ronge, pourtant tu les as entendus mes pleurs. Tu as vu que je m'isolais de plus en plus dans ma chambre. Mais tu as préféré fermer les yeux comme le font la plupart des gens, tu as préféré te voiler la face pour ne pas voir que je voulais mourir. Que l'idée de vivre m'était insupportable et que tu y étais un peu pour quelque chose. Je ne t'ai rien dit mais j'ai essayé de te montrer que j'allais mal, pourtant tu restais distante. Je ne t'en veux pas, je vois que tu t'inquiètes. Tu m'envoies un message par jour me demandant si ça va, si tu savais... J'aimerais que tu m'appelles de temps en temps, que tu ne te forces pas à m'envoyer un message pour ne pas qu'on te le reproche plus tard. Papa était là quand tu n'as pas pu l'être, mais ne l'as-tu pas été auparavant ? Les rôles s'inversent.

Je veux juste que tu saches que je ne t'en veux pas, aurais-je fait mieux ? Probablement pas. Notre lien me manque mais je ne me sens plus prête à espérer qu'il revienne un jour. On a coupé le cordon trop rapidement à mon goût mais ce qui est fait est fait.

Ce soir ma plume a décidé de te dédier cette lettre. À présent, je ne sais vraiment comment je me sens. Durant ce court instant de confidences j'ai pu te dire ce que je ressentais, alors à toi de voir comment le prendre.

Je ne t'en veux pas maman, je t'aime.