Chapitre 10 - L'ennui

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Plusieurs jours ont passés. Ou peut-être plusieurs semaines. Je n'en sais rien. En effet, la pièce dans laquelle je suis n'a aucune fenêtre et je me rends maintenant compte combien l'absence de lumière du jour est perturbant. N'ayant pas de repère, je ne peux pas vraiment installer de rythme et cela m'angoisse car j'aime avoir une routine bien réglée. J'ai toujours trouvé cela rassurant, sécurisant. J'en suis aujourd'hui privée, comme de bien d'autres choses. Je ne peux même pas faire l'inventaire complet tellement la liste est longue mais je vais quand même retenir deux éléments majeurs : mon entourage et mes passion, ainsi qu'un capital : ma liberté.

Et oui, moi qui ait toujours été une sorte de solitaire qui passait ses week ends dans sa petite chambre à écrire ou à geeker sur Zelda pendant que d'autres sortaient en boîte, moi à qui le simple fait de parler coûtait quand j'étais trop fatiguée, et bien aujourd'hui je donnerais tout pour revoir ma famille et mes amis. En fait non, c'est bien pire : je donnerais tout pour voir un être-humain et lui parler ! Le son d'une voix me manque alors parfois, quand les Abyssaux ne sont pas là, je me mets à me parler à moi même. De tout, de rien. De mon désespoir croissant et de mon besoin de sortir de cette boîte. Parfois, il m'arrive même de chantonner. Ma voie est effroyablement fausse mais la musique me manque. Alors je murmure un air de Lynda Lemay ou me défoule sur une chanson de Stupeflip. Ça fait du bien. Un peu.

Lire me manque aussi pour m'évader. Et écrire, pour m'exprimer. Et jouer, pour rire et m'amuser. Et manger de bons plats plutôt que la pâtée infâme qui me donne maintenant la nausée. Et aller aux toilettes normalement au lieu de me soulager dans un coin, le visage rougi par la honte. Et me laver pour me débarrasser de la puanteur qui s'accroche à moi. Et courir même si je n'ai jamais aimé ça ! Bref, tout me manque. Du moindre détail de la vie de tous les jours jusqu'au fondement de mon existence : le plaisir de vivre. Dans cet aquarium, la vie me paraît plus fade chaque fois que j'ouvre les yeux.

Paradoxalement, les seuls moments que j'attends avec un minimum d'impatience sont ceux où les Abyssaux s'intéressent à moi. Ils peuvent passer un temps assez fou à me regarder manger après avoir rempli ma gamelle et il leur arrive assez souvent de me sortir de ma cage pour m'observer de plus près ou toucher mes boucles rousses qui deviennent plus grasses de jour en jour. Je me félicite d'avoir gardé mes cheveux assez courts mais je regrette tout de même l'état dans lequel ils sont.

Il est maintenant très clair que je suis un animal de compagnie mais visiblement mes maîtres n'ont jamais appris à s'occuper d'un être humain. A vrai dire, je ne sais même pas si les Abyssaux ont conscience que nous sommes une espèce intelligente et que nos besoins se rapprochent probablement plus des leurs que de ceux de mon lapin ! Ils doivent pourtant bien connaître notre mode de vie s'ils m'ont capturée ! En fait, il est très frustrant de ne pas pouvoir communiquer avec ces créatures. Si je le pouvais, je saurais pourquoi je suis ici et je pourrais peut-être même améliorer mon confort.

Je préférerais bien sûr pouvoir rentrer chez moi mais le temps s'allonge et je commence à penser que je ne sortirai jamais d'ici. En tous cas, une chose est sûre, je vais devoir trouver de quoi m'occuper parce que si je reste encore quelques temps à m'ennuyer comme ça, je vais devenir folle !

La Cage [FINI]Where stories live. Discover now