La Cage [FINI]

Chapitre 20 - Du sang légèrement embarrassant

Plusieurs jours sont passés depuis ma longue conversation avec Gédéon et je regrette que nous n'ayons pas pu aborder le sujet de l’Aquilon. Je me retrouve maintenant à gribouiller sans but précis sur ma feuille que je finis pas chiffonner rageusement avant de la jeter à l'autre bout de mon aquarium. Puis, je me lève et commence à tourner en rond dans ce que je considère paradoxalement comme ma maison et une cellule de prison. Je suis terriblement frustrée de ne pas pouvoir sortir et d'être condamnée à rester ici. Je commence à comprendre que peu importe les privilèges que Revi pourrait m'accorder, je rechercherai toujours plus de liberté. Cette réalité est assez déprimante car cela signifie que je ne serai jamais réellement heureuse dans cette vaste cage. Le seul espoir auquel je peux encore me raccrocher est l’Aquilon, un souffle de vent que j'espère plus solide qu'il n'y paraît. S'il venait à disparaître, je craindrais de tomber à nouveau au fond du ravin et c'est exactement ce que je souhaite éviter.

Pour ajouter à mon énervement, je suis affreusement gênée par le sang qui a imprégné mon pantalon. Avant, être indisposée me fatiguait et m’embêtait légèrement mais maintenant je m'en sens humiliée. L'odeur putride me dégoute et j'ai des hauts le coeur violents rien qu'en essayant de nettoyer un peu mes vêtements avec l'eau qui est à ma disposition. Quand je suis arrivée, j'ai voulu l'utiliser pour me laver mais le sucre rendait ma peau poisseuse et j'ai très vite abandonné l'idée. Je me disais que le tissus serait toujours plus agréable propre et un peu collant qu’humide et puant mais je ne dois pas être douée pour la lessive car mon pantalon est trempé mais toujours taché. Pourtant, le temps me manque car je vois l’Abyssal que je pense être la mère de famille s'approcher de mon bocal. Je remets donc précipitamment mon bas et grimace en sentant le tissus dégoulinant toucher ma peau frigorifiée. Génial ! C'est encore pire qu'avant ! Être plus incommodée que moi devient maintenant un sacré défi !

Cependant, le pire reste à venir. En effet, l’Abyssal tend son tentacule pour m’extraire de mon vivarium et je redoute qu'elle ne se soit décidée à me sortir ! Non seulement je vais avoir extrêmement froid mais en plus je n'ai pas envie que Gédéon, Viviane, ou n'importe quel être-humain, me voit dans cet état ! Ceci dit mon angoisse s'apaise légèrement quand un autre de ses membres sort la boîte métallique de son placard pour m'y plonger. Pour une fois, je m'en réjouis : j'espère qu'elle va me faire prendre un bain à l'animalerie. En attendant d'en être sûre, je patiente sagement dans mon cube mal éclairé, tremblant misérablement de froid.

Finalement, c'est bien pour un bain que j'ai été tirée de chez moi. Je retrouve le même soigneur que les fois précédentes qui m’ausculte rapidement avant de m'emmener dans la salle où j'ai pu me laver la première fois. Il remplit une nouvelle fois la bassine d'eau et me pose sur la table pour que je me déshabille, ce que je fais immédiatement. Mon bas de jogging tombe bruyamment au sol et j'en soupire de soulagement.

Je me frotte vigoureusement et l'eau se colore rapidement d'une couleur terne. Le soigneur fait comme la dernière fois et change régulièrement l'eau. Quand le liquide reste limpide, je me laisse sécher par l’Abyssal qui entreprend ensuite de me nettoyer les oreilles et les dents, ce que j'apprécie beaucoup. J'ai même droit à de nouveaux vêtements qui ressemblent certes très fortement à un pyjama et sont trop grands pour moi mais on l'avantage certain d'être très épais donc bien plus chaud que le léger jogging.

Pendant tout le temps de ces soins particulièrement agréables, je réfléchis à la question que m'a posée Gédéon à propos de notre voyage entre la Terre et Exo2507, comme l'appelle Prolin Revi. C'est vrai que je me suis beaucoup interrogée sur la meilleure manière de fausser compagnie à ces sympathiques créatures au pelage bleu mais que je me suis pas assez questionnée sur ce qui m'arrivait vraiment.

L'autre jour, Gédéon a réveillé ma curiosité et je me rends maintenant compte qu'il me manque la réponse à beaucoup de questions. Elles me viennent en vrac et j'ai du mal à les trier. Il y en a trop. Comment sommes-nous arrivés là ? Pourquoi le peuple Primaire a-t-il créé d'autres races ? Pourquoi n'y a-t-il pas de faune et de flore sur Exo2507 à part les Abyssaux ? Pourquoi me suis-je réveillée avec autant de douleur et pourquoi ai-je autant dormi au départ ? Pourquoi les Abyssaux ont-ils besoin d'animaux de compagnie ? Pourquoi cette fichue planète est-elle aussi froide ? Qui est réellement le peuple Primaire ?

Je comprends aussi que si nous voulons vraiment quitter cette planète, il va d'abord falloir savoir comment nous en sommes arrivés là. Nous ne pourrons pas retourner sur Terre sans la technologie des extraterrestres. Cela est frustrant car il paraît presque impossible de se l'approprier mais j'espère que nous trouverons un moyen de le faire.

C'est notre seule solution.