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Partie.

Il ne faut jamais faire attention à ce qui est écrit sur les murs, ça attire des ennuis disait ma mère. Ce qu'elle ne m'avait pas dit c'est que lorsque ces écrits parlent de nous, c'est qu'on a déjà des ennuis.

Je m'appelle Zineb mais tout le monde m'appelle Taghia. Un surnom, c'est aussi important que son origine lorsqu l'on se présente, ça donne une histoire personnelle et une histoire de peuple. Il faut les raconter. Les histoires de famille, en revanche, il ne faut pas en parler.

Taghia, rien à voir avec la montagne Marocaine que tout le monde veut escalader, je suis Algérienne, comme ma famille, depuis toujours. C'est à dire depuis 135 ans. Avant, nous n'étions pas Marocains non plus, c'est dans le sens inverse que ça se passe. Chez nous, pas de sorcellerie, pas de diplomatie ni de marchandage, nous sommes fiers de notre pays et on ne se vend pas aux touristes. Avant, nous étions Tunisiens, nous avons immigré pour l'équipe de foot, une sorte de transfert de supporters, c'est ce qu'on dit toujours dans ma famille. Taghia, c'est la tyrane, réputation que je me suis faite dès mon plus jeune âge, enfin l'inverse. Je suis une trop gentille, une princesse qui ne ferait pas de mal à qui que ce soit. On m'appelle Taghia pour se moquer de cette faiblesse. Ou alors c'est pour me protéger et éloigner les personnes dangereuses.

En numérologie, je suis une n°1. Victorieuse, conquérante, sentant l'envie de plaire aux autres et une tendance à être extravagant. Tous les Algériens sont des n°1, sinon ils ne sont pas Algériens pour de vrai. Dans mon immeuble, c'est certain, je suis la première, tous connaissent ma porte.

La religion aussi c'est important, à la fois pour Dieu mais aussi pour les autres. Pour soi-même en revanche, je n'en suis pas encore certaine. Je n'ai pas l'impression que la religion m'ait aidée jusqu'ici. Cela viendra me dit-on. Les épreuves, el hamdoulilah, ne m'ont pas encore achevée. Je suis solide, en tous les cas mon dernier souffle est très long.

"Taghia, a ton age les putes c'est gratuis" voilà ce qui est écrit sur le mur devant l'ascenseur. Qui l'a écrit ? Probablement un client, ou un enfant, ou les deux. Parce que le malheur en amour commence jeune, ils ont à peine 18ans, ils passent des jupons de leur mère aux miens d'une certaine façon. Je pense à des enfants pour la faute d'orthographe. Quoi que lorsque l'orthographe n'y est pas à 18 ans, l'orthographe ne vient jamais. L'orthographe, c'est important, c'est le respect de soi et des autres, j'ai toujours travaillé dur pour être irréprochable à ce niveau. Je ne vais pas effacer cette marque, c'est moi que je vais effacer : je pars, tablette en main et un gros sac sous le bras.

Une princesse kidnappée par un ThugWhere stories live. Discover now