Visite nocturne

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J'ouvre les yeux. Il fait sombre. Je suis allongée sur une couette. Il n'y a plus aucun bruit autour de moi. J'ai du m'endormir. A cause du médicament, ou de l'odeur de sang, ou de la vue horrible du ventre déchiqueté, ou peut importe. Il s'est de toute façon passé beaucoup de temps. 

Je me redresse et me lève. La douleur au ventre s'est atténuée. Je fais le premier pas suivit du second. Mes jambes sont un peu flageolantes mais j'arrive à tenir debout. Bonne nouvelle car je compte pas attendre sagement comme un petit mouton que quelqu'un vienne me porter.

J'avance prudemment entre les autres couettes. J'y vais sur la pointe des pieds, inutile de réveiller les autres. Je me dirige vers les fenêtres. Dans ce silence, j'ai l'impression que mes pas sont ceux d'éléphants. Mes semelles claquent contre le carrelage. J'aurais peut être dû retirer mes chaussures... tant pis!

- Hey Julie!

Je me retourne en sursaut. Je découvre Marie devant moi. Elle continue à voix basse.

- J'ai laissé mon maquillage dans le casier, en bas. Tu peux venir avec moi s'il te plait? Il faut absolument que je me maquille!

Je regarde la porte d'un œil critique. Comme si elle avait lu dans mes pensées, Marie m'explique qu'elle sait comment sortir sans faire de bruit. J'hésite à la suivre, sa proposition est tentante. 

- Tu verras, en moins de 5 minutes en sera de retour. Personne ne remarquera notre absence.

Mon regard ne cesse de vaciller entre Marie et la porte.

- Allez, Julie! me supplie-t-elle en levant le ton.

Quelqu'un se retourne dans sa couverture. Si Marie continue à parler comme ça, elle va finir par réveiller tout le monde! J'accepte son offre... pour qu'elle se taise.

- Super! dit-elle, réjouie, en prenant ma main.

Marie ouvre doucement la porte sans un bruit. Nous nous faufilons dans l'ouverture et refermons la porte.

Il fait noir. On y voit rien. Une étrange odeur stagne dans l'air. Le silence est flippant et oppressant. On n'entend que nos respirations.

Nous descendons l'escalier. Je prends appuis sur la rampe, mes jambes tremblent. Nous parcourons quelques couloirs dans le noir. Seules quelques fenêtres laissent passer la lumière tamisée de la lune. En silence nous avançons.

Il fait frisquet. Ce n'est pas ça le plus dérangeant. Mais bien le faite que je me trouve dans un scénario de film d'horreur. Tout y est, même les cadavres. Ils traînent partout en pleins milieu des couloirs. Parfois seul, parfois en tas. Nous ne disons rien qu'en on en aperçoit, il n'y a rien à dire. C'est horrible. J'ai l'impression de vivre un véritable cauchemar. Je sais pertinemment que je ne me réveillerai pas. Et cette sensation se renforce à chaque fois où je piétine un cadavre.

Nous arrivons aux casiers. Je laisse chercher Marie dans le noir.   

- Tu sais, commence-t-elle, ça fait pas mal de temps que je me dit que je devrais ouvrir une chaîne YouTube de beauté.

Ça ne me rassure pas qu'elle parle. Si jamais quelqu'un traîne dans les environs...

- Je ne sais pas comment, argh, fait-elle en ouvrant son casier, comment nommer ma chaîne. J'aimerais bien mettre le mot "phœnix" dedans.

Et moi j'aimerais que tu fermes ta gueule. Chacun ses souhaits.

- Et que ça sonne un peu anglais. J'trouve trop classe l'anglais.

J'ouvre ma bouche pour lui dire de se taire mais aucun son ne s'échappe de ma bouche. Je suis muette.

Marie finit par enfin refermer le casier. Elle se retourne vers moi, le maquillage en main.

Silence.

- T'as pas entendu un truc? me demande-t-elle.

Je me raidis, les muscles crispés et tends l'oreille.

Silence.

- Mais non, je rigolais! éclate-t-elle de rire. T'aurais du voir ta tête.

Ça ne me fait pas rire. Je me rends compte, maintenant, que c'était peut être pas la meilleure idée de venir ici.

- Cachez- vous!

Une voix masculine. Je n'ai pas le temps de me retourner que quelqu'un me plaque contre le mur du coin et m'écrase contre lui. Il met sa main contre ma bouche. Je veux me dégager mais au même moment, son odeur corporel me parvient. Je la connais. Je lève les yeux. Malgré le noir, je le reconnais. Maxime.

Une lampe éclaire soudain la salle. Marie n'a pas eu le temps de se cacher. Elle se protège les yeux de la lumière.

- Tiens, tiens, qui se cachait là? fait une voix grave, hors de mon champs de vision.

Marie est apeurée, elle lâche sa boite de maquillage qui tombe bruyamment sur le sol. Ses yeux me cherchent parmi l'obscurité. S'il te plait, ne me vois pas, ne m'appelle pas!

L'homme à qui appartient la voix s'avance vers elle. Il est grand et costaud. Un pistolet à la ceinture. 

Je voudrais hurler à Marie de bouger, de s'en fuir d'ici mais... je ne peux pas. L'instinct de survie bloque chacun de mes mouvements. 

Marie semble sortir de sa transe lorsque l'homme fait le premier contact physique en la poussant en arrière.

- Laissez-moi! pleurniche-t-elle.

L'homme n'écoute pas ses supplications. Il la prend par les épaules et l'oblige à plier les genoux et à s'asseoir. 

- Ju...Ju...

Non tais-toi!  Je t'en supplie Marie, laisse moi loin de tout ça.

- Arrête de te débattre, je t'assure, tu vas apprécier. dit l'homme.

Marie continue de s'agiter dans tous les sens. C'est la seule chose qu'elle peut faire. Elle ne sait pas puisque l'espoir fait vivre mais... le piège c'est refermé sur elle.

L'homme la retourne sans manière sur le ventre et plaque un de ses genoux sur son dos. Marie est immobilisée. Je ne peux plus rien pour elle.

- Au secours !

Elle se fait aplatir la tête contre le sol. D'une main, l'homme, le monstre, la contrôle. De l'autre, il défait sa ceinture.

Je tremble. Maxime qui jusque là m'avait protégé, me force à quitter la scène des yeux et à le regarder. Les yeux dans les yeux nous attendons le moment de quitter la salle discrètement.

J'entends les derniers efforts de Marie pour s'enfuir. Mais il est trop tard.

Elle crie.

Maxime m'empoigne par la hanche et nous quittons pas à pas la pièce. Toujours les yeux dans les yeux. Tandis qu'on s'éloigne, l'obscurité nous gagne. A la fin du couloir, il ne reste plus qu'un point lumineux d'où résonne des cris provenant des casiers.

- C'était elle où nous. me dit Maxime d'une voix douce.

Merci mais ça ne change en rien la situation.

Il me sert contre lui quelques secondes. Il me frotte le dos de ses deux mains. J'ai les larmes aux yeux mais je les ravale.

- Viens rentrons.

Nous nous remettons en route. Nous marchons rapidement dans les couloirs. Il est devant moi. Je sens son humeur changer au fur et à mesure qu'on se rapproche de l'abri. Je suis soulagée quand je vois la porte de la salle des profs. Je vais enfin quitter ce cauchemar et cette odeur de mort qui rode dans l'école.

Mais au lieu d'ouvrir la porte, Maxime se retourne vers moi, l'air grave.

- Je vais devoir mettre certaines choses au point avec toi.

Ses yeux ne pétillent plus, ils expriment de la colère.

Le jour où tout basculaDonde viven las historias. Descúbrelo ahora