#Nightfall ( en pause)

CHAPITRE 11~Home Sweet Home

- Mlle Redfield?

La voix provenait du fond du couloir. Les yeux légèrement plissés, je tentais de distinguer quelque chose à travers l'obscurité. Rien. J'avais pourtant la vague impression que quelque chose clochait. Et, comme pour me le confirmer, une sonnette d'alarme retentit dans ma tête à l'instant même où je fis un pas en avant, me figeant entièrement par la même occasion. Durant quelques secondes, je restai immobile, tâchant de me convaincre qu'il n'y avait rien à craindre. Mais faire abstraction des battements effrénés de mon cœur pour me concentrer m'était momentanément impossible.

Un mauvais pressentiment me dictait de fuir. Ma curiosité, elle, me poussait à pénétrer dans la maison. Chose étant sûre, si je n'avais pas laissé la curiosité me guider plutôt que la peur et l'intuition, je n'aurais pas été Kriss Redfield.

- Mme Woodstuck?

Je frissonnai, car ma propre voix sonnait comme si elle avait été enregistrée sur une vieille cassette audio défectueuse. Peut-être était-ce dû au fait d'être plongée dans le noir complet, mais une certaine ambiance de film d'horreur se dégageait de la scène. Celle qui ne présageait jamais rien de bon pour le personnage principal. Je songeai soudain à faire marche arrière, mais mon corps refusa de réagir à cette pensée. Quelque chose me bloquait, comme si quoi qu'il advienne, j'étais destinée à avancer. Machinalement, je portai mes doigts tremblants au mur le plus proche et l'explorai lentement. Lorsqu'ils pressèrent enfin le bouton d'interrupteur, la lumière se répandit le long du couloir. À première vue, il n'y avait rien d'anormal, si ce n'était que la substance froide et liquide qui venait de me tomber sur le front. Je le tâtai, puis observai mes doigts à présent rougis.

Du sang?

Je levai lentement la tête vers le plafond, et...

- MLLE REDFIELD!

La voix stridente de Mme Matthews me fit l'effet d'une douche froide. Ou plutôt glaciale. Je bondis sur ma chaise dans un hoquet de surprise, renversant au passage les quelques affaires qui étaient éparpillées sur mon bureau.

La réaction des autres ne se fit pas attendre. Des rires moqueurs s'élevèrent de part et d'autre de la salle, et bien sûr, parmi ceux-ci se distinguait clairement celui d'America.

Trop mal en point pour en tenir compte, je me penchai en avant et tentai de reprendre mes esprits. Quel miracle que mon cœur n'ait pas lâché après une telle frayeur! Si je ne savais pas à quoi m'en tenir, j'aurais juré que le but de la professeure de sciences avait été de me provoquer une crise cardiaque plutôt que de me tirer de mon sommeil.

Lorsqu'enfin je relevai la tête, je croisai son regard, qui en disait long sur ses pensées meurtrières à mon égard.

- Bien qu'en raison des événements récents, j'ai été dans l'obligation de retirer votre heure de colle du samedi, je vous prierai de ne pas finir votre nuit durant ce cours sous peine de voir cette sanction se renouveler, me réprimanda-t-elle, l'air sévère.

Elle marqua une pause et me scruta à travers les verres de ses lunettes rondes, comme si elle déchiffrait mes pensées, avant d'ajouter d'un ton soudainement adouci :

- Je sais que vous avez toutes les raisons d'être affectée par la...(Elle s'éclaircit la voix)... mort non-naturelle de Mme Woodstuck étant donné que...(Elle secoua vivement la tête.) Contentez-vous de bien vous tenir, Mlle Redfield.

Sa phrase s'égara dans le silence qui fit suite à mon soupir desésperé, manifestement provoqué par la simple évocation de Mme Woodstuck. Les images de l'enterrement étaient encore fraîches dans la mémoire de chacun d'entre nous. Après tout, nous n'étions que lundi. De tels événements ne s'oubliaient pas en l'espace de deux jours seulement. Je jetai un coup d'œil circulaire à la classe, regrettant de ne pouvoir sonder l'esprit de chacun des élèves assis à une des trois rangées de paillasses du laboratoire. Etaient-ils tous déjà prêts à reprendre leur train de vie? Car en ce qui me concernait, c'était loin d'être le cas.