La perdre malgré tout

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Ce silence pesant, je déteste ça. Léna me regarde mais ne me voit pas, elle semble tous les temps ailleurs, déçue, elle refuse de me parler. J'avoue que le moment était mal choisi pour annuler notre mariage mais il le fallait. Tout ceci avait bien trop duré, je ne peux pas être éternellement égoïste, surtout maintenant qu'elle m'aime, qu'elle me veut.

J'ai rêvé de ce moment très longtemps. Léna veut être ma femme sans tenir compte de ce stupide accord. Elle ne m'a pas jugée lorsque je lui ai dit, sauf que c'est simplement parce qu'elle ne réalise pas. Se confondant dans ma peine, elle en oublie l'essentiel, j'ai enlevé le père d'un gamin, le mari d'une femme, et j'ai laissé tout ce drame se poursuivre sans me dénoncer.


J'ai tellement espéré que Léna ne me tourne pas le dos, et elle est restée, sauf qu'elle n'est plus la même. Elle me regarde avec amour, certes, cependant, il y a autre chose, cette peine qu'elle ressasse en pensant que me consoler est la solution, mais ce n'est pas le cas, elle le sait.


Je la rejoins au salon avec les documents dont j'ai besoin pour la suite. Comme je m'y attendais, elle ne réagit pas, ne me regarde pas, elle est juste assise à contempler le vide. Je prends place, veillant à ce qu'elle ne prenne pas la fuite, juste en face d'elle, sur ce divan d'où elle a écouté mon récit.


- Léna, mon amour...

- Je pense qu'on devrait parler à Marta et arrêter toute cette comédie. Me coupe-t-elle sans lever les yeux. Dis-lui ce qui tu veux pour te couvrir, moi, je veux juste reprendre ma vie comme elle l'était... Je te demande juste de ne pas... Ne fais pas en sorte que maman n'ai pas son intervention. Finit-elle en me regardant enfin, son regard est suppliant, sans rien d'autre.

- Non ! Grondais-je ahurit, elle ne peut pas penser ce qu'elle me dit. Tu reprends tous tes mots ? Tu m'as promis de rester ! Tu ne peux pas juste me faire espérer et te barrer !


Nous nous regardons, je sens que le mal entendu nous étouffe, mais ses mots me font mal, je suffoque, rien qu'en l'imaginant penser ce qu'elle vient de dire. Putain, elle ne peut pas faire ça ! Elle m'a promis. Et savoir qu'elle me croit capable d'annuler tous les soins de sa mère est la goutte de trop. Léna plisse les yeux, perdue.


- C'est toi qui ne veux plus m'épouser. Dit-elle. C'est toi qui t'éloigne de moi. C'est toi qui me garde à distance... Psychologiquement parlant, tu es loin de moi... Et, avec ce que tu m'as dit la veille... Je pense qu'il vaudrait mieux arrêter avant de souffrir plus...


Mon cœur se brise, elle a raison, elle se protège et je ne peux pas lui en vouloir. Resserrant les papiers que j'ai voulu lui dévoiler, j'hésite une seconde à les lui montrer. Si elle refuse, que vais-je devenir ? Je la regarde, pitoyablement implorant, s'il y a une chose dont je suis certain, c'est que ma vie sans elle, alors qu'elle m'a permis de goûter à son amour, est impossible.


- On arrêtera tout ce que tu veux, Léna, j'ai... J'ai parlé à ma grand-mère... Ce soir-là...

- Je comprends que tu es pu trouver le courage de le lui dire, Eden, mais pas que tu ne m'aies rien dit...

- Parce que grand-mère a réagi comme je m'y attendais... Dis-je sans pouvoir trouver les mots de cette nuit-là. Elle a pleuré... Elle m'a regardé avec peine et déception... C'est pourquoi je... Léna, si tu m'aimes comme tu me l'as fait croire, tu dois rester avec moi. Suppliais-je égoïstement.


- Arrête, putain ! S'agace-t-elle.


Lorsque je la regarde étonné, je suis anéanti par les larmes qui coulent silencieusement sur ces joues. Léna pleure à cause de moi, encore. Comment puis-je clamer que je l'aime à en crever, alors qu'elle ne cesse de pleurer par ma faute. Ai-je le droit de la vouloir à tout prix ? Au risque de la briser ? De la rendre malheureuse... Non.


- Tu as raison... Soufflais-je. Je vais prendre mes affaires, et partir. Tu peux garder l'appartement, de toute façon, il est à ton nom. Dans les jours qui suivent, tu auras des boîtes de cadeau que j'avais commandé pour toi, fais-en ce que tu voudras... Et ... Tu n'as pas à t'en faire pour ta mère, tout a été payé à l'avance, même les traitements qui suivront l'opération...


- Eden... Chuchote-t-elle.


- Il va y avoir une somme, celle de notre accord, elle sera versée sur ton compte. Je suis désolé mais tu trouveras le mensonge qu'il faut pour l'expliquer. Je détruirais notre contrat, je ferais en sorte que les miens t'oublient, et tu n'auras besoin de rien dire à ma grand-mère, elle sait.

- S'il te plait... M'implore-t-elle alors que je n'arrive plus à la regarder.


- Tu reprendras ta vie comme tu le souhaite, trouves-toi un homme bien, sans passé déplorable derrière lui, sans famille sans cœur, un homme qui te rende heureuse, simplement, parce qu'il ne pourra pas t'aimer plus que moi... Jamais.

- Tu me quittes... Souffle-t-elle et j'ose un regard sur elle.


Comment peut-elle croire à tout ça ? Ne sait-elle pas que je l'aime plus que je ne le ferais jamais. Se rend-elle compte que je suis totalement vide sans elle, Léna est ma seule véritable richesse. La joie, l'amour, le bonheur, tout ça me vient d'un seul sourire à elle. Cependant, je ne peux pas la laisser souffrir et m'attendre. Je n'ai pas le droit de lui gâcher ses plus belles années...


Je sais qu'elle trouvera un homme bien. Elle est magnifique. Je la regarderais de loin, je veillerais sur elle, et s'il lui arrive malheur, ces hommes le regretteront amèrement, mais elle ne saura jamais que je suis là. C'est le mieux que je puisse faire, la libérer de moi. De l'assassin que je suis. Du lâche qui a abandonné un homme mourant...


Je n'ai pas eu la force de lui avouer ça, j'ai menti pour qu'elle ne me déteste pas, mais le chagrin que je vois dans ces yeux, je n'en veux pas.


- Je ne te quitte pas, Léna, je te rends ta liberté... Je romps notre accord... Nous sommes tellement différents, tous les deux, moi et mes apparences, toi et ta franchise sans filtre...

- Sale connard égoïste ! Claque-t-elle, je la reconnais bien là. Tu romps notre accord ? Il me semblait qu'il n'y en avait plus! Tu as dit des choses... Qui m'ont fait t'aimer ! Sa voix se brise mais Léna refuse de me laisser la voir pleurer, elle sert les dents.

- Tu veux dire que tu es prête à m'attendre ? Dis-je froidement, sachant que la réponse va m'anéantir. Tu es prête à mettre ta vie de côté pour un homme comme moi ? Je te laisse le choix, merde, je te protège !

- Tu me laisse le choix en partant ? En me mettant de côté alors que tu règles tes problèmes tout seul ? Tu te rends compte de la stupidité de tes propres mots ?! S'énerve-t-elle. Tu prends toutes les décisions après m'avoir imploré de rester à tes côtés, Eden, comment penses-tu que notre couple peut aller de l'avant si tu me garde à distance pour soi-disant me protéger !

- Léna, je veux juste...


- La ferme ! Me coupe-t-elle en se levant d'un bond. Sois un homme, merde, et règle tes problèmes de conscience comme tel ! Tient tes promesses ! Sois présent ! Arrête de jouer à l'homme touché, écrasé par les remords, dont l'amour à fait renaitre, parce qu'il n'en est rien, Eden. Tu n'es qu'un bâtard égoïste et tu le resteras toute ta vie !

- Je fais de mon mieux pour...


- Encore des excuses à deux balles ! Me coupe-t-elle de nouveau, elle est furieuse. Ce que tu dois faire c'est me prendre par la main, Eden, pour qu'ensemble, nous allons présenter nos condoléances à cette veuve épeurée. Tu dois user de ton si grand pouvoir pour faire avancer les autres et pas seulement toi ! Tu ne veux plus m'épouser ? Tant mieux ! Tu veux prendre tes affaires et partir ? Barre-toi ! Moi, je m'en lave les mains de tes histoires...


En tremblant, Léna prend sa veste et ses clés puis s'en va sans un regard. Je l'appelle, je la supplie de m'écouter, mais je me retrouve tout seul. Les feuilles en mains, je m'empresse d'aller les ranger dans mon bureau, ma décision est faite, je vais lui montrer que je suis un homme, et tant pis si elle l'apprend par un autre...


Accord, Sous Menace...Donde viven las historias. Descúbrelo ahora