5.

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Quand la porte s'ouvre, je n'ai pas beaucoup dormi, et je suis réveillé depuis un moment.

Une nuit d'été, c'est presque aussi long qu'une journée quand on la passe à attendre. Alors quand je vois la jeune rousse apparaître dans l'entrebâillement, je panique un peu.

Elle a une mine affreuse, le teint pâle et des cernes, son mascara a coulé. Elle semble s'être rhabillée à l'arrache, et elle tient sa veste sur son bras. Son regard se pose sur moi.

Silence, elle semble juste pressée de partir. Pas le temps de poser des questions. Pas le temps pour l'empathie. Et quand elle m'enjambe en laissant la porte grand ouverte je me demande à nouveau si le monde est comme elle.

Si le monde est pressé et si l'empathie n'est qu'une douce illusion qu'on conte aux jeunes mais que les adultes ont oublié comme on oublie le père Noël.

Je me demande si j'en ai quelque chose à faire. Et puis non, je me lève, rentre et ferme tout doucement derrière moi, oubliant déjà les traits de cette fille.

J'entends du bruit dans la cuisine, j'y vais et dès le moment où je me mets dans l'encadrement de la porte je me retrouve en face de Damien qui à la tête baissée sur une tasse de café.

-Dam...

Il lève la tête brusquement, ses yeux bleus se retrouvent en plein dans les miens. Quelques longues secondes, puis je baisse le regard sur mes mains jointes.

-T'étais où ?

Il mâche ses mots, mais sa question sonne différemment de quand tout est normal. Je ne réponds pas, trop gêné.

-Thomas répond. T'étais partis ?

-Non.

Il soupire.

-Alors ?

-Je vous ai vu rentrer cette nuit, mais tu as fermé à clés derrière toi.

Il devait être en train de boire, parce que je l'entend recracher et s'étouffer à moitié.

-Putain ! Je t'ai enfermé dehors ? Pourquoi t'as pas toqué ?

-Tu avais bu, et vous faisiez pas mal de bruit. Tu m'aurais même pas entendu.

Je n'ose pas lever les yeux. Bien qu'il n'ai pas l'air en colère du tout, j'ai peur qu'il le devienne.

-Tu as attendu devant la porte ?

Je hoche la tête en signe d'affirmation et il soupire à nouveau en rajoutant un juron.

-Excuse moi.

Il s'est levé et viens vers moi. Son bras bouge en ma direction et je rentre légèrement ma tête en me figeant. Pur réflexe, je suis vraiment effrayé à l'idée de recevoir un coup.

Pourtant, il ne fait qu'effleurer ma main.

-Tu dois m'en vouloir à mort...

Je fronce les sourcils, il ne doit pas voir que je suis prêt à fondre en larme.

-Tu n'as pas fais exprès.

-Quand même ! Ca se fait pas. En plus, la meuf était pas si bonne que ça...

-C'est méchant.

Il hausse les épaules et je souris.

-J'suis sûr que tu te souviens pas de la tête qu'elle avait hier soir.

-C'est possible, grogne-t-il. J'ai la gueule de bois.

-Comme tous les week-ends.

Il rit.

Traces d'encreWhere stories live. Discover now