dernière lettre

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plus tard

Cher jeune Léo,

Aujourd'hui, j'ai relu toutes nos lettres. Mille et un souvenirs sont remontés à la surface et c'était étrange de voir à quel point j'avais du mal à vivre avec moi-même et les autres. Avec le poids de mon histoire, aussi. J'aurais aimé que quelqu'un me dise que ça irait mieux plus tard. Que tout passe. Maman nous le disait, parfois. Mais ce n'est jamais la même chose quand c'est une mère ou un inconnu. Une mère, on a tendance à ne pas la croire.

C'est pour ça que je pense que Théo a rempli ce rôle. J'avais besoin de quelqu'un qui reste. Théo est resté, longtemps.

Aujourd'hui, ça ne me fait plus trop mal de le dire, mais Théo est parti depuis six mois. On était amoureux comme pas deux et c'est moi qui ai tout fichu en l'air. J'aurai dû me foutre en l'air à la place. Et si j'ai lu nos lettres, c'est car j'essayais de me dire que Théo n'était pas si génial. Mais c'est faux, il m'a sauvé la vie. Sans lui, je n'aurais jamais eu vingt-trois ans. Je n'aurais jamais connu l'amour. 

Mais je ne pouvais m'empêcher de me demander : pourquoi était-il entré dans ma vie si ce n'était pas pour y rester ?

Aujourd'hui, j'ai essayé mille fois de rédiger un SMS pour Théo, dans l'espoir d'excuser notre rupture abrupte. J'essayais de trouver les mots justes, mais comment faire avec une personne qui écrivait de superbes paroles pour ses chansons ? À côté de lui, j'étais comme illettré. Mais le pire dans tout ça, c'est que je l'aimais toujours. J'avais rompu lors d'une de mes crises de stress post-traumatique, à distance, alors qu'il m'appelait pour me demander une énième fois de le laisser partir en tournée avec son groupe. J'avais été blessant. Trop. Je savais qu'il m'en voulait toujours, et je m'en voulais aussi.

Au début, je passais mon temps à pleurer chez moi, tout seul. Je n'avais aucun ami qui n'était pas commun à Théo. Ils avaient choisi qui des deux ils préféraient, et ce n'était pas moi. Personne ne venait me voir. Ce que tout le monde trouvait intéressant chez moi, c'était lui. Il avait tout emmené dans ses bagages en partant en tournée.

Ma mère, parfois, venait m'apporter à manger. Il fallait dire que j'avais perdu presque dix kilos en six mois. C'était énorme quand on savait que j'étais, de base, un gringalet. Elle me forçait à manger et, en lisant nos lettres, je me suis rappelé que je décevais tout le monde à l'époque. Je crois que c'est toujours le cas.

Dans mon appartement, il reste encore certaines de ses affaires qu'il n'a pas emmenées avec lui à l'autre bout du monde. Un tee-shirt qui ne porte plus son odeur, une corde de guitare cassée sur la table du salon. Son absence est tellement présente que ça en devient insoutenable.

J'ai regardé mon téléphone. Sur l'application de nouvelles concernant les stars, j'ai vu qu'Aro était de retour en France pour quelques jours. J'ai sauté sur l'occasion pour prendre mon courage à deux mains et je l'ai appelé.

Sans même réfléchir un instant.

« Allô, ici Théo. Qui êtes-vous ? »

Je n'ai pas su quoi répondre.

« Allô ? Il y a quelqu'un ? Je vous préviens, je vais raccrocher si c'est encore un canular.

— C'est moi. » suis-je parvenu à dire avant qu'il ne pense à couper l'appel.

Je savais qu'il avait reconnu ma voix. Comment pouvait-on oublier la voix d'une personne avec qui on avait vécu presque six ans ?

« Léo ? »

Derrière lui, j'ai entendu les voix des membres du groupe lui demander si c'était vraiment moi. J'ai senti les larmes me monter aux yeux. J'avais la larme facile.

la pelouse de la gareWhere stories live. Discover now