Formation (2)

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L'éducatrice passa une mauvaise nuit. La sorcière hanta ses rêves. Elle apparaissait tantôt effrayante, tantôt bienveillante. En se réveillant, Néria se souvint de sa proposition et des paroles étranges qu'elle lui avait adressée lors de leur premier échange. « Ecoute ce qui est au fond de toi ». Pouvait-elle avoir les réponses à ses visions ? Néria était trop attirée et intriguée par les enseignements précieux que la magicienne pouvait lui apporter pour écouter la peur qui dormait en elle.

Les jours suivants, ses journées furent bien remplies. Elle accomplissait ses tâches pour la communauté en premier lieu et pratiquait des attaques sur des grosses proies pour continuer sa formation de chasseuse. Puis, elle rejoignait Maïra pour l'observer et s'initier. Enfin, elle s'entraînait des heures durant pour développer ses capacités corporelles. Quand la nuit tombait, elle passait voir la petite Xia, qui se portait de mieux en mieux.

Elle avait réussi à convaincre Bidzane et Cléia de passer la voir souvent.

Un soir, Néria vit le beau prince bercer l'enfant en lui murmurant des paroles douces. Jamais dans sa communauté, un triton n'avait eu autant de tendresse affichée pour un enfant. C'était tellement attendrissant qu'elle en eut les larmes aux yeux.

Un flash lui apparut immédiatement, l'arrêtant net. Elle se vit avec Bidzane, enlacés tendrement. Sa bouche réclamant le baiser qu'elle désirait tant. Puis, elle le vit la repousser, puis l'attirer de nouveau. Son petit jeu ne cessait pas.

Néria avait suffisamment passé de temps auprès de Maïra, la sorcière, pour savoir à présent que ses larmes lui indiquaient ce qui arriverait. La vision était claire et ce qu'elle lui indiquait lui paraissait tellement logique. Elle savait au fond de son cœur que Bidzane l'attirait, qu'elle ne demandait qu'à succomber mais qu'il ne ferait jamais son bonheur. Elle désirait davantage que ce qu'il voulait bien lui offrir.

Elle le rejoignit pourtant et affronta son regard si perçant. Ses yeux verts pétillaient d'un désir qu'elle savait interpréter. Il était tellement mignon avec ce bébé tout frêle, blotti au creux de ses bras musclés. Bidzane, si craquant, si désirable.

Cléia les rejoignit comme tous les soirs, brisant ce lien silencieux qui s'était établi entre eux. Elle chanta la berceuse préférée de la petite. Le visage attendrissant de Xia s'illuminait toujours en entendant cette mélodie. Elle fixa de ses petits yeux bleus ceux de Néria. Attendrie, celle-ci prit le bébé dans les bras et accompagna le chant, suivit bientôt par Bidzane qui l'avait appris, à force de l'entendre.

Le contact de la petite blonde, qui ressemblait si fort à sa sœur jumelle, ainsi que le concert de leur trois voix mélodieuses fit chavirer le cœur de Néria, qui se remit à pleurer silencieusement.

La jeune sirène savait grâce à Maïra qu'il fallait se saisir de chaque émotion, aussi minime soit-elle, pour laisser couler ces précieuses larmes, tellement instructives, quitte à passer pour une pleurnicheuse !

Elle vit cette fois Elpis dans sa communauté. Elpis dans les bras d'une sirène effondrée... et Néria reconnut Enis, la tutrice de Cléia. Elle était donc sortie de prison ! Néria sut au fond d'elle la raison de sa détresse : Une sirène venait de mourir... une sirène qu'Enis aimait...Qui était-ce ? Néria l'apprit brutalement en un flash d'une demi-seconde... Climène !

Néria voyait à présent le corps froid de son ancienne chef de section, reposant dans un box sombre. C'était la première fois que Néria avait une vision si nette de sa communauté. Elle frissonna et pensa à celle qui avait accepté de braver les règles pour les couvrir.

Sa formatrice en chef grâce à qui elle s'était échappée... Sa tutrice qui l'avait bercé, nourrie, qui lui avait donné son prénom, qui avait eu à cœur le bien-être de tous les enfants et des sirènes de sa section. Elle se remémora sa forte poitrine si rassurante qui l'avait consolé toute petite, sa bienveillance envers sa section entière.

Sa tristesse fut profonde. Elle conserva la sombre nouvelle pour elle et ne dit rien à Cléia. La jeune néréide n'était pas sûre de ce pouvoir étrange, si effrayant parfois ! Elle sentait au fond d'elle qu'il fallait en conserver le secret pour le développer à l'abri des non-initiés.

Le lendemain, dans l'alcôve de la vieille magicienne, elle lui raconta sa vision. Celle-ci l'écouta, la consola et la félicita pour ses progrès dans la maîtrise de son don. Le don des larmes les réunissait toutes les deux. Il incarnait une force. Une force à apprivoiser, à dompter avec son cœur pour l'amplifier.

La vieille sirène n'effrayait plus la jeune sirène qui ne prêtait plus attention à son visage abimé, à ses nombreuses cicatrices, à sa démarche si particulière et sa voix surnaturelle parfois. Elles commençaient à tisser un lien très fort. Néria appréciait désormais la rejoindre et s'enrichir de toutes ses leçons, même si beaucoup de ses paroles restaient énigmatiques. Elle apprit à concocter des potions pour guérir les petits maux, à bander les plaies, à formuler des chants magiques pour renforcer le pouvoir de ces mêmes breuvages.

Grâce à elle, Néria se sentait aussi plus intégrée à cette communauté. Les autres membres la respectaient désormais et faisaient parfois appel à elle. Cléia ne voyait pas d'un très bon œil ce rapprochement, car Maïra l'effrayait, mais appréciait le fait que Néria la laisse tranquillement fricoter avec Bidzane, sans reproche, ni condamnation.

Néria II, la découverteWhere stories live. Discover now