La drôle histoire d'une colocation | NaiadFreedom

Chaos | 9

Ecouter Place for us de Mikky Ekko

Rose bondit du canapé jusqu'aux cartons entassés dans l'entrée. Sous le regard médusé de Freddy elle entreprit de les traîner un par un jusque dans sa chambre, à l'autre bout du couloir. Le jeune homme l'observa faire, d'abord inactif. Mais, elle lui envoya un coup d'oeil courroucé qui l'incita à se joindre à ses efforts. En moins de deux minutes toutes ses affaires se trouvaient entreposées dans sa chambre. C'est d'ailleurs avec soulagement qu'ils fermèrent la porte de l'antre de l'étudiante, à l'instant précis où l'on vint frapper à la porte. Rose se recroquevilla intérieurement sur elle-même. Un fait qui n'échappa pas à l'oeil observateur du brun. Dean les devança et alla ouvrir au père de la jeune fille. Ce dernier pénétra tel un ouragan dans le modeste appartement. 

- Où est ma fille ?, s'énerva t'il immédiatement. 

- Je suis là.

Le ton ne montait pas mais demeurait sec et tranchant. Rose se résolut à sortir de l'ombre. Mais, avant de se jeter dans la gueule du loup, elle sentit les doigts de Freddy effleurer les siens. Un frisson parcourut son échine et elle osa à peine se retourner pour vérifier si ce geste était volontaire ou non. La figure paternelle qui lui faisait face l'intimidait bien assez pour qu'elle ne se cantonne à suivre ses émotions. 

- Prends tes affaires, tu rentres à la maison, annonça son père de but en blanc. 

Rose se stoppa soudain, les sourcils arqués. Trois paires d'yeux exorbités fixaient le cinquantenaire. 

- Pardon ? 

- Tu rentres avec moi, ta mère se fait un sang d'encre.

Tout s'éclaira dans l'esprit de la jeune fille qui croisa les bras et opina du chef. Ses colocataires s'éloignaient déjà vers leur chambre respective. 

- Je vois. Si tu es ici c'est seulement pour maman. J'aurais du m'en douter, le bonheur de maman avant tout.

Un éclair surgit dans le regard de son père à l'entente de ces propos.

- J'étais prêt à être conciliant et passer l'éponge sur ton choix inconscient de carrière mais de toute évidence tu n'as pas retenu la leçon ! 

- Je suis aussi bien ici qu'à la maison.

Le ton commençait à monter. Leurs paroles amères résonnaient jusque dans les chambres des garçons. Le père et la fille se défiaient à présent du regard. Aucun d'eux ne cèderait ce jour-là. Aussi, son père lâcha la dernière réplique afin d'écourter cette entrevue.

- Je ne sais pas ce qui est arrivée à ma fille mais tu n'es sûrement pas celle que j'ai aimé, tu as bien trop changé pour cela.

Sur ces paroles affutées comme des lames de rasoir, il claqua la porte et laissa sa fille en morceaux sur le pas de la porte. Avant que les garçons n'aient le temps d'intervenir, elle se réfugia dans sa chambre et en verrouilla la porte. Rose s'était transformée en tornade dévastatrice. Elle envoya voler toutes ses affaires. Ses pinceaux, ses toiles, ses esquisses furent réduis en miettes puis étalés contre le sol avec rage. Le fracas incita ses colocataires à tambouriner à la porte, lui criant d'ouvrir. Mais, elle continuait de se murer dans sa colère noire, ravageant les seules choses auxquelles elle tenait. Toutes ses oeuvres connurent une fin désastreuse; déchirées puis piétinées. 

- Rose ouvre cette porte immédiatement ! Tu agis sous le coup de la colère, tu regretteras tout ça demain matin !, hurlaient-ils.

La jeune fille tomba à genoux contre le parquet de sa chambre, le visage inondé par un torrent de larmes. Elle le regrettait déjà. Mais, ses vieux démons avaient agi pour elle.