MinJoon

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Paris au petit matin.

Les doigts tremblants à cause du froid, je tente de monter le col de ma veste en vieux cuir. Quand elle était neuve, la matière devait être assez dure pour pouvoir le faire, autant dire que je n'ai jamais pu : les vêtements que les gens donnent à l'orphelinat sont toujours déjà usés. Je lève les yeux devant moi. Cet espèce de carrosse noir... t'étais jamais monté dans un truc qui faisait aussi riche, hein ?

Moi le crissement des roues me fait frissonner, alors j'essaye de de me concentrer sur les claquements que produisent les pas du cheval qui nous tire. Enfin, qui te tire toi, moi je vous suis.

Mon coeur se serre et je lève les yeux vers le ciel sombre. À l'est on peut voir le tout début de l'aube : le ton de bleu s'éclaircit, mais la où nous sommes, seul les rares réverbères à gaz de la ville nous éclairent. Des fois je marche sur un pavé mal accroché et le bruit de mon pas est différend des autres...

Je suis le seul à vous suivre, toi et le cheval, et bon Dieu d'être là dans ce tout début de matin, seul, qu'est-ce que ça m'énerve. On traverse les rues de la ville, couvertes par le brouillard gris et tout les volets sont fermés. Tout le monde dort paisiblement. Personne ne sait qu'aujourd'hui, Park Jimin est mort. Parce que Park Jimin n'avait pas de famille, et que personne ne prête attention aux pauvres orphelins.

Tu sais pas toi, hein ? À quel point c'est dur me marcher derrière c'te putain de carriole, ce corbillard de fortune, et de rester droit alors que je suis seul, sans même quelqu'un pour regarder cet étrange cortège. T'sais pas parce que t'es mors. J't'en veux tu sais ? De me laisser tout seul comme ça. Pour moi y avait que toi.

Si ça peut te réconforter, je m'en veux à moi aussi, parce que c'est moi qui ai eu l'idée d'aller voler ces œufs. On avait déjà fait ce genre de choses tellement de fois, jamais j'aurais pensé que ça finirait comme ça... mais ça a finit comme ça, et t'as pris une balle dans la tête. Si quelqu'un t'avais connu il n'aurait même pas pu te reconnaître... mais bon dieu, pourquoi t'es resté planté là, histoire de bien lui laisser le temps de viser ?

Bordel, quel aîné je fais, à te rejeter la faute alors que j'ai même pas été capable de te protéger.

T'sais quoi minus ? J'sais même pas si t'aurais pu imaginer l'envie que j'ai de hurler pour réveiller tout ces Parisiens, pour plus être tout seul, pour que des gens descendent et qu'on ai l'impression que t'avais une famille. Je voudrais rentrer dans ces maisons pour en traîner leurs habitants dehors, et que y ai plein de monde à ton enterrement. On traverse Paris, il fait froid, tout est gris.

Paris, la ville des amoureux. Ça a été notre ville, hein Jimin ?

Mais y a plus de « notre », je ne pense pas pouvoir être amoureux pour deux. Et Paris et grise comme si c'était Berlin. Les seules couleurs qu'il y a ici, c'est mes fleurs. Je sais que les fleurs blanches seraient plus d'usage, mais t'as toujours aimé les couleurs, alors j'ai pris des fleurs qui auraient pu te plaire... j'ai jamais été doué pour choisir les fleures.

Je les fixes. Des fleurs en janvier. Non mais sérieusement t'aurais pas pu mourir à un autre moment ? J'aurais pu aller les ramasser dans les jardins de la tour Eiffel, au lieu de les acheter... Dans tes cheveux elles auraient été bien.

Soudainement je repense à ton sourire. Putain tu vas me manquer Jimin.

Mes yeux s'embuent.

T'as crus que j'allais pleurer pour toi minus ? Tu rêve. Y a qu'les filles comme toi qui pleurent. Non, plutôt que de pleurer je regarde le ciel. Il y a beaucoup de brouillard mais l'étoile du matin brille plus que les autres, alors j'arrive à la voir. Tu te souviens quand les sœurs disaient qu'après la mort on montait au ciel ?

Est-ce que t'es au ciel Jimin ?

J'espère, parce que le bon Dieu il te doit au mois ça : une jolie place confortable dans les nuages. Moi à sa place, j'aurais honte de ce que j'ai fait. Mourir à dix-sept ans, c'est pas une vie. Et en plus il n'y a personne pour ton enterrement. Je m'en voudrais à sa place. D'ailleurs dans cette histoire, encore plus qu'à toi ou à moi, c'est à lui que j'en veux. Parce que c'est facile de l'accuser lui ? Sûrement, mais j'ai besoin de déverser ma colère sur quelqu'un, et il comprendra.

Alors que nous passons face à une église, le cloché sonne six heures.

Et comme si le sort n'en avait pas assez, une première goutte de pluie s'écrase sur le sol, et bientôt d'autres, sur ma veste en cuir. Les larmes du ciel. Est-ce que c'est toi qui me regarde de là-haut et qui pleure ? T'as bien changé : à l'époque où je pouvais encore t'étreindre, tes larmes étaient chaudes.

Finalement on arrive dans ce cimetière où tu va reposer. Et pas en paix ça je te l'assure : je reviendrais souvent t'embêter.

L'homme qui conduisait la charrette s'arrête et décharge ton cercueil, je l'aide un peu mais ta boîte est tellement fine et toi tellement maigre, que tout seul, ça ne lui aurait pas posé de problème. Je ne t'ai pas parlé de cet homme parce qu'il n'en a rien à faire de nous, il compte pas. Il fait son travail et ça le fait bien rigoler qu'on soit des orphelins toi et moi, il se contente de me regarder de haut. pour lui on est que des étrangers que des histoires de guerre ont ramenés dans son pays

J'ai même pas eu le temps de me faire à l'idée que je ne te reverrais plus : la fausse où on t 'as déposé est déjà rebouchée, surmonté d'une croix en marbre que l'orphelinat à payé, un peu à contre coeur. Y a un joli « Park Jimin » gravé dessus. J'aurais aimé pouvoir t'offrir plus qu'un bouquet de fleurs minable, mais les affaires son rudes ces temps-ci.

La calèche est partie et on est plus que toi et moi, bercés par la pluie.

Des fois je me dis que c'est moi qui aurait du mourir à ta place, et puis je me ravise : sûrement que les choses sont mieux comme elles sont, si les sœurs ne nous ont pas racontés que des histoires, t'es sûrement pas plus mal lotis là où t'es maintenant, et je m'en serais voulut que t'ai à supporter la douleur que je ressent en ce moment.

« -Tien, ta voisine s'appelle Constance. J'espère que vous vous entendrez bien... Il pleut beaucoup, je ne vais peut-être pas rester longtemps, mais je te promet que je reviendrais, surtout cet été quand il fera chaud, on écoutera le silence comme t'aimait le faire. Même avec un peut de chance, y aura un grillon sur ton carré de verdure. Je te ferais de l'ombre et toi t'en ferra sûrement à Constance. Mais vous lui en tiendrez pas vigueur, hein Constance ? »

Je racle mon pied dans les jolis galets de l'allée. Je te laisse les fleurs.

« -Et puis t'en fait pas, je serais pas long : les adultes sont tellement con, ils vont bien réussir à nous faire une guerre, hein ? Et je viendrais te rejoindre pour de bon. On plantera une autre croix avec écrit « Kim NamJoon », à côté de la tienne, et on se retrouvera dans tes nuages, en espérant que tu m'aie pas oublié. »

J'espère bien que tu va pas m'oublier, parce qu'après tout les « Je t'aime » qu'on a échangés, ça me ferait mal au cul. Je t'ai aimé au-dessus de l'entendement Jimin, et je t'aime toujours. Je vais essayé de continuer à vivre, si parfois je t'oublie, j'espère que tu m'en voudra pas : ça sera pour tromper la douleur, un instant, mais tu sera toujours dans mon coeur.

... T'sais quoi Jimin ? Si tu peux me voir de la haut, j'crois bien que tu vas pouvoir rigoler, parce que j'arriverais pas à retenir mes larmes plus longtemps.

Je vais rentrer. Je crois que j'ai besoin de dormir. Peut-être que je vais croiser des gens, qu'ils me trouveront ridicules à pleurer comme une madeleine. Je vais rentré, m'allonger et m'endormir, aidé par le bruit de la pluie contre mon carreau.

Tu vas me manquer minus.

Mais je reviendrais Jimin. Je te le promet.


Inspiré de Fernand de Jaques Brel 

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