Ma peine se resserre comme un étau autour de mon coeur. Mon coeur si fragile, si brisé. J'ai l'impression qu'on l'a tordu dans tous les sens avant de le jeter sur des clous. Transpercé de souffrance, dégoulinant de sentiments. Pourtant, j'ai donné !
J'ai tout donné. Je fais tous pour mes proches. J'ai tenté de m'améliorer, de ressembler plus à mon père. J'ai tenté d'être sympa avec ma soeur, d'être agréable avec l'autre. J'ai essayé de pardonner, de faire des efforts. Je vous jure, je vous promets que j'ai essayé... mais rien n'y fait. J'ai beau tout tenter, j'ai beau vouloir les excuser, lui de sa lâcheté, elle de sa méchanceté, de leur union pour me faire mal.
Il n'y en a qu'une seule, pour moi : ma mère. Mon univers, le Soleil de ma galaxie, la seule vraiment là pour moi. Il m'a demandé de changer... mais un père demanderait-il à sa fille de changer ? Ne l'accepterait-il pas comme elle est ? Ne la comprendrait-il pas, comprenant ses envies d'indépendance ?
Je veux être libre, c'est tout. J'ai l'impression qu'une pique pleine de poison s'enfonce dans mon esprit lorsque je pense au mal qu'il me fait. Quand je pense que j'ai tout fait pour qu'il m'accepte. Quand je pense que j'ai tout fait pour qu'il m'aime un peu plus... Mais au lieu de ça, il me préfère ma soeur. Rien d'étonnant. Tout le monde me préfère ma soeur.
Si belle, si formidable, si fantastique, si drôle, si rayonnante, si souriante, si parfaite. Si ressemblante à lui. Ils se comprennent, ça se voit. J'en viens à croire que c'est elle, sa fille...
Toi qui m'a abandonnée, toi qui nous a abandonnées, moi et maman. Toi qui t'es enfui mener ta jolie petite vie tranquille tandis que maman trimait pour pouvoir me donner à manger. J'ai vécu toute mon enfance sans père, vivant alternant entre mes grand-parents et ma mère. Je n'avais pas de père.
Aujourd'hui je me demande toujours si j'en ai vraiment un. Dis-moi, es-tu vraiment mon père ? Je n'y crois pas, je n'y crois plus. Je n'ai plus envie d'y croire.
Je sais que plus tard, tu m'auras rendue plus forte... ou alors tu m'auras brisée, faisant de moi comme un cadavre déambulant, traînant dans sa routine. Mais je ne veux pas de la routine que tu veux pour moi ! Je ne veux pas que tu diriges ma vie, je ne veux pas que tu choisisses à ma place !
Je veux voir les volcans du Nicaragua, voir la Grande barrière de corail, faire le tour du monde, voir le Groenland, me retrouver face à un lion sans cage, pouvoir enfin m'épanouir.
Te rends-tu seulement compte à quel point tu me fais souffrir ? A quel point toi et ma propre soeur me faites souffrir ? Tu reviens après ton absence de huit ans, voulant me faire gober ta doctrine favorite : l'ordre. Tu veux que tout soit en ordre, que tout soit parfaitement à sa place, moi y compris. Et je sais très bien que si je m'écarte du chemin que tu as tracé pour moi, tu n'hésiteras pas à m'y remettre.
En utilisant la force s'il le faut. Je le sais, ne me mens pas !
J'ai peur, j'ai mal, tu me fais si mal. Ma souffrance est si vive que je peux presque la toucher dans l'air, palpitant près de moi. Ah, voilà que j'en pleure maintenant. Il y a tellement de choses que je voudrais te dire... tant de choses que je voudrais faire... Te prouver que je suis presque une adulte. Je peux me dérouiller seule ! Je n'ai pas besoin de toi pour me protéger ! Je n'ai pas besoin de toi !
Je ne sais plus où j'en suis... Mais une chose est sûre. Tu n'es pas le premier homme de ma vie. Si je me marie, ce ne sera pas toi qui m'accompagneras à l'autel. Tu n'as pas été là pour moi... pour maman... tu as préféré fuir comme le lâche que tu es, ne restant que lorsque tout se passe bien. Sais-tu que l'an dernier, lorsque tu as menacé de partir, ma seule envie était de me jeter sur toi pour te frapper jusqu'au sang ?
Je ne sais plus où j'en suis. Je ne veux plus rester près de toi.
