Chapitre 18

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Samedi 17 juillet – Ean

Sans que nous nous y attendîmes, la femme d'Ajax, malgré sa pâleur maladive, nous accueillit chez elle en nous ouvrant le portail puis sa porte d'entrée, nous interdisant tout de même de toucher à quoi que ce fût avec ce regard strict dont seules les femmes avaient le secret. Nous entrâmes tous, et elle tira quatre chaises dans la somptueuse salle à manger qu'elle devait partager avec son homme, ce qui me noua l'estomac. Comment lui dire que son mari avait succombé à une trahison des mains de ses propres collègues ? Nous ne pourrions certainement pas lui dire la vérité. Il allait vraiment falloir que je trouvasse une excuse. Et une fois que certains eurent pu s'asseoir, elle nous incendia de questions sur la mort de son mari. Comment, pourquoi, quand... Elle voulait tout savoir. Et alors que je restais muet, complètement tétanisé face à ce petit bout de femme qui avait l'air tout sauf menaçant malgré ce qu'elle voulait laisser paraître, Gabriel prit la parole :

-Il a succombé à de vilaines blessures qui suivaient l'ordre de la mission, et nous en sommes tous désolés pour vous, madame. Nous vous avons rapporté quelques effets personnels que nous vous donnerons une fois notre passage terminé, et nous aimerions également vous mettre sous protection rapprochée jusqu'à la fin de notre mission, si vous le voulez bien. En attendant, nous vous demanderons de répondre à quelques questions sur Ajax, puisque nous avons quelques éléments en suspens à son sujet.

Je le gratifiai du regard alors qu'il était assis devant Terrell, et en voyant que j'avais tourné les yeux dans sa direction, il attrapa la main de mon autre employé et la serra fortement entre les siennes, me narguant totalement. Aiden, assis de l'autre côté, pouffa silencieusement en voyant la scène, et je dus bien soupirer pour leur faire comprendre que cela ne me plaisait absolument pas. Je me remis donc face à la jeune veuve qui devait bien avoir une dizaine d'années de moins que le défunt.

-Pourquoi ? me demanda-t-elle en me fixant droitement. Pourquoi voudriez-vous me parler ? Pourquoi voudriez-vous me mettre sous protection rapprochée ? Qu'est-ce qui s'est passé avec Ajax ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Non... Attendez, j'aimerais savoir quelque chose avant tout ça... Est-ce qu'il a souffert ?

Je m'étouffai discrètement à cette question, me voyant mal lui répondre la vérité, mais je ne voyais pas en quoi cela changerait quelque chose. Je hochai tristement la tête à son adresse et son couinement me répondit. Terrell prit alors la suite des opérations, lui affirmant qu'elle était en danger, ce qui était une raison bien suffisante pour la mettre comme en quarantaine. L'autre acquiesça puis les questions commencèrent simplement, puisqu'il fallait qu'on avançât. A vrai dire, midi approchait à grands pas, et nous n'avions pas tout notre temps pour aller rechercher Earl. Je ne savais pas, après tout, quand Dan avait prévu d'assassiner mon pauvre frère cadet dans la journée du lendemain. Ce pouvait bien être à minuit comme à vingt heures.

-Avez-vous déjà entendu parler d'un dénommé Dan ?

-Non, soupira-t-elle. Je devrais ?

-Est-ce qu'il vous parlait parfois de son travail ? Ou de choses qui vous paraissaient suspectes vis-à-vis de son travail, justement ? Saviez-vous au moins ce qu'il faisait comme travail ? Ah, mais je suis stupide, vous étiez une cliente, à la base, donc oui, vous saviez. Mais répondez aux autres questions, s'il vous plait. Travaillait-il parfois à la maison ?

-Il ne me parlait jamais de son travail, ou juste pour me dire qu'il partait en mission et les délais, les heures auxquelles il devait se lever ou rentrer. Il me disait à quel point toutes les femmes dont il devait s'occuper étaient laides à côté de moi, ricana-t-elle, mais je ne le croyais pas un seul instant.

-C'est difficile de faire pire, marmonna Cedric derrière moi.

-Mais parfois, il s'enfermait dans son bureau, et me demandait de ne le déranger sous aucun prétexte. Il mettait toujours les clés du bureau à ma disposition, mais c'était pour tester mon obéissance, il m'avait interdit de m'y rendre sous prétexte que tout ce qui se trouvait derrière était secret. Il m'avait menacée de me renvoyer de chez lui et de divorcer si je ne respectais pas les règles, alors je n'ai jamais tenté. Qui sait ce qu'il a bien pu y cacher ? Si ça se trouve, il n'y a qu'une foutue caméra pour me piéger, mais bon, peu importe. Autrement, je ne l'ai jamais vu travailler à la maison. Tout ce qu'il faisait en rentrant à la maison se résumait à manger et dormir, soupira-t-elle. Il n'était pas très actif, et lorsque je le lui reprochais, il me hurlait dessus comme quoi ce n'étaient pas mes affaires, et me rappelait son travail.

II. Aliénation [Boy x Boy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant