Chapitre 12 ; Le début de la fin

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« Yukine, relis ce que tu as écris pour l'exercice 3, la voix douce d'Hiyori remplissait le silence la pièce alors qu'elle et le blondinet étaient penchés sur leurs cahiers, tu es bien sûr que la réponse est deux ? »
Sur la table où ils étaient installés, des feuilles, des stylos, des livres. Seule une parcelle, minuscule, intacte, était épargnée par leur désordre. Devant ce trou dans leur bazar, Kabune se tenait là, concentrée. Entre ses doigts, des files de couleurs vives, rouge, orange, bleu,  rose, vert. Ils se mêlaient, s'entremêlaient, se serrant avec force les uns contre les autres. Au bout des noeuds qu'elle s'embêtait à emmêler correctement, commençait à se former de petits cordons.
Mais c'est alors que Bouboule, fortement intrigué par les files se balançant sous ses yeux, sauta sur le travail de la brunette, que sa concentration fut rompue.
Balayant les alentours de son regard émeraude, la jeune Shinki posa d'abord ses pupilles sur ses camarades en pleines réflexions, puis, sur l'extérieur. Par la fenêtre, à travers les carreaux translucides sur lesquelles la lumière filtrait ses étincelles, l'on pouvait apercevoir de fines boules de coton virevoltaient au grès de vent. Les premières neiges arrivaient enfin. Voulant alors observer la lente descente des flocons, dans un paysage dont le temps semblait s'être arrêté, Kabune se leva, laissant à l'abandon, son travail manuel. Des nuages gris, la neige tombaient au ralentit jusqu'au sol, où elle disparaissait pratiquement instantanément. Les branches des arbres nues, étaient seuls à réussir à contenir cette poudre blanche qui se déposaient sur leur écorce sombre. La brunette se surpris à perdre son regard dans le paysage extérieur. Son esprit semblait, lui, à l'arrêt, aucune pensées ne l'habitant à cet instant. Elle resta ainsi, le nez collé à la vitre, durant un temps certain, avant d'apercevoir au milieu de la cours, une silhouette familière. Le chien-loup, encore. Toujours aussi stoïque qu'à son habitude, l'animal fixait, lui aussi, les perles blanches danser dans les aires. Il remuait la queue, lentement, paisiblement, les oreilles dressées vers les cieux, semblant attendre quelque chose ? Quelqu'un ?
Mais alors que la Shinki aux pupilles de jade écrasait plus encore son visage contre les carreaux gelés de la fenêtre, le canidé décida de quitter les nuages des yeux. Comme alerté par le bruit silencieux de la jeune fille se collant sur la surface translucide la séparant de l'extérieur, il tourna vers elle un regard soudain et profond. Sursautant quelque peu, Kabune réussi, tout de même, à plonger ses yeux dans les pupilles noir du grand animal. Il lui semblait voir des êtres de lumières onduler au fin fond de ses rétines, des silhouettes scintillantes, pleines de vies. Tel un spectacle racontant une histoire, un film passant à la télévision, les formes dansaient, bougeaient, s'agitaient. Gaieté, joie et bonheur, voilà ce que reflétait les yeux de ce chien au pelage gris. Mais brutalement, une panique les gagna, la gaité, la joie, le bonheur, tout disparu en une fraction de seconde. Affichant des aires de terreur, des grimaces déchirées par la peur, des visages rongés par l'effroi, les êtres de lumières firent mine d'hurler à la mort, alors qu'ils semblaient fuir quelque chose.
Comme une maladie, leur mal-être se propagea à la jeune Shinki, qui toujours aplati contre la vitre, fit un bond en arrière en laissant échapper un cris de surprise. Comme hypnotisée, les images de ces silhouettes courant, se bousculant, restèrent graver dans son esprit, et s'amusèrent à repasser en boucle devant ses pupilles écarquillées. Les formes se distinguaient petit à petit, au fur et à mesure que la scène se déroulait. Des visages se mirent apparaître convenablement, un lieu se dessina également. Une supérette, des coups de feu, des pleurs. La scène devenait de plus en plus réel. Kabune semblait vivre l'instant sans même avoir quitté la demeure de la Déesse de la pauvreté et de son Shinki. Tout comme ce qui donnait l'impression de se produire autour d'elle, les émotions la traversant avaient, elles aussi, l'aire tout à fait réelles. Aux alentours, le chaos, voix et cris s'entremêlant aux explosions, odeur de poudre et de sang se mélangeant également. Un lieu si commun, un endroit si banal, transformé en véritable champ de bataille, en massacre total.
Mais au milieu de ce cohue, à travers les hurlements, une voix familière se distingua. Tout aussi paniquée que ses semblables, cependant restant étrangement plus rassurante , elle appelait, appelait un nom avec ferveur, oui, un nom, son nom. Quel était ce nom ?
Brutalement, une paume de main enveloppant son épaule, la jeune fille aux cheveux châtains fut sortit de sa transe. La douce voix l'appelant put enfin être reconnu ; Yukine. Mais sans pour autant réaliser que son camarade se tenait auprès d'elle, la peur toujours encrée dans ses veines, la Shinki réagi spontanément et laissa sa main s'écraser sur le doux visage du blondinet. Pourtant, alors qu'une simple claque aurait naturellement laissé une trace écarlate à la surface de la peau recouvrant ses pommettes, celle que venait de distribuer la brunette fit couler le sang. D'une terreur, elle en passa à une autre alors qu'elle réalisait ce qu'elle venait de faire. Sur la joue droite de son ami dégoulinait le liquide pourpre avant de s'écraser pâteusement au sol. Quant à ses doigts, la brune sentait déjà y sécher sous ses ongles, bien trop aiguisés pour un être humain, le même sang aux couleurs similaires aux coquelicots. Yukine, lui, frôlant du bout de ses doigts tremblotants sa blessure nouvellement infligée par la jeune fille aux pupilles de jade, la regardait avec étrangement bien plus d'inquiétude que d'effroi.
« Ka-Kabune... ? Réussit-il à prononcer dans sa surprise. »
Ne lui laissant pas le temps de dire quelconque mot de plus, bien qu'il en fut incapable, cette dernière se dressa sur ses pieds d'un bond. Elle ne pouvait rester auprès de lui plus longtemps. C'est donc rongée par une culpabilité naissante qu'elle quitta la pièce, tête basse. Elle dévala les marches menant au rez-de-chaussée quatre à quatre avant de se précipiter sur ses chaussures et son manteau, afin de se glisser dans le froid extérieur, sans prendre la peine d'esquiver les flocons. Kofuku et Daikoku, devant lesquelles elle était passé sans même daigner leur accorder un regard, restèrent crédule devant cette jeune fille semblant si soudainement pressée. Mais où allait-elle donc comme ça ? Nul part sans nul doute. S'éloignant des siens juste quelques instants, le temps de remettre en place toutes les pensées qui se bousculaient et s'entrechoquaient tant dans son esprit, qu'elles semblaient cogner contre son crâne, lui donnant au passage un mal de tête monstre.
C'est donc dans la nuit tombante et sous la neige battante, que Kabune tenta de s'éclipser, si elle l'avait pu, à milles lieux de ses semblables.

Un Second Shinki [Noragami]Where stories live. Discover now