Chapitre 20 ; Espoir

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L'été régnait en maître. Pleine canicule, le soleil semblait briller de plus en plus chaque jour passant. Un temps infiniment lourd pesait dans l'aire et fatiguait toute personne tentant de faire le moindre effort à l'extérieur. Si cependant quelqu'un se risquait sous l'ardente chaleur et posait le regard sur l'horizon, il pourrait le voir se dérober sous ses yeux, ondulant tel un serpent tenant, lui aussi à fuir la chaleur qui d'ordinaire aurait du lui plaire.
Dans la cours d'un petit commerce, les cigales chantaient leur belles mélodies propres à cette saison. Un oiseau s'entraînait aux vocalises dans l'arbre qui surplombait la maisonnette et dont les branches n'avaient même plus l'occasion de danser dans le vent absent en ce jour. Sous le porche, sous l'aire frais d'un vieux ventilateur, une tête blonde observait le bout de ciel bleu dépassant sous ses grands yeux d'ambres. En silence, il écoutait au côté de son gros chat gris, la vie grouillant autour d'eux, insectes bourdonnants, papillons virevoltants, passants au loin riants. Puis dans la tranquillité du moment, une douce voix familière s'éleva. Un fin visage enjôleur encadré de longues mèches brunes se secouant sous les mouvements de tête. Uniforme lycéen, Hiyori était cette année, enfin, en terminale. Entamant ainsi sa dernière année d'étude secondaire, elle était fière, mais appréhendait tout de même les examens. Tournant les yeux vers la nouvelle venue, Yukine lui sourit. Le jeune garçon l'enviait parfois, rêvant d'un jour ou peut-être, lui aussi pourrait à son tour passer de véritables évaluations auprès de véritables professeurs et de véritables élèves. Mais lorsqu'il se surprenait à rêver de ce jour qui n'arriverait bien évidement jamais, il revenait à la réalité, la dure et véridique réalité. Alors son regard se posait sur son poignet sur lequel pendaient négligemment deux bracelets entremêlés par le temps et leur deux pendentifs distincts s'entrechoquants par moment. Ces bijoux, ils étaient un dernier présent de celle qui n'était plus auprès d'eux depuis quelques temps déjà. Les ayant commandés et confectionnés pour eux, chacun d'entre eux, sa nouvelle famille, avec soin et attention, elle souhaitait ainsi tous les unir pour toujours. Chaque jour passant, le Shinki au cheveux d'or se rappeler de l'instant où, fouillant dans les affaires de son amie pour se donner du réconfort dans son deuil, il était tombé sur ces files entremêlés et ses formes scintillantes. Chacun portait le sien en ces jours de paix enfin retrouvé, Yukine lui, était le seul à en avoir deux.
« Tu arrives à supporter la chaleur ? L'interrogea soudain la brunette aux pupilles sommons.
- Bien mieux que Bouboule, ça c'est certain, l'informa Yukine le sourire au coin, qui, en guise d'encouragement posa sa paume sur la petite tête du concerné accablé par la température. »
Il ne restait d'elle que ces bracelets et des souvenirs. Ces souvenirs dont Bouboule faisait parti. Il était bien plus qu'un gros chat au tempe blanchissantes aux yeux du blondinet, il était leur chat, leur compagnon. Malheureusement, le pauvre félin se faisait vieux, les années étaient passées depuis son départ et il fatiguait à vue d'œil. Il n'en avait, pour le plus grand désespoir du jeune Shinki, plus pour bien longtemps. Ce dernier appréhendait énormément le jour où à son tour ce gros chat partirait rejoindre sa maîtresse. Ce jour fatidique où à son tour, il emporterait une partie d'elle, une partie d'elle en plus loin d'eux, loin de lui. Mais après tout, peut-être était-ce une bonne chose, vivre dans le regret du passé n'était pas sain et la disparition de Kabune en était l'exemple parfait. Yukine avait eu énormément de difficultés à tourner la page après son départ définitif. Pourtant, aujourd'hui, il souriait enfin lorsque ses pensées se portaient sur elle. Seuls les bon souvenirs demeuraient à présent et c'était bien l'essentiel à ses yeux.
Le téléphone d'Hiyori vibra. Le prenant en main, elle esquissa un sourire en découvrant les messages inscrits sur l'écran.
« Yato s'impatiente, retranscrit-elle au petit blond. Il commence à parler aux canards et d'après lui, ils ont une très mauvaise influence.
- Eh bien, je suppose qu'on devrait le rejoindre, soupira le jeune garçon en se redressant, franchement quelle idée de sortir manger une glace par cette chaleur ! Elle fondra avant même qu'on puisse la goûter.
- Il y tient vraiment.
- Il nous a quand même fait un caprice ! Si on cède à chaque fois, on ne s'en sortira jamais !
- Tu as raison, ria la brune amusée, mais j'ai le sentiment qu'il a de bonnes raisons de nous emmener là bas.
- Oh oui, elles ont intérêt à être bonnes ses raisons, parce qu'en plus ce n'est pas la porte à côté ! »
Se levant, il suivit son interlocutrice déjà devant le portail menant à la rue. Le trajet leur parurent interminable. La chaleur semblant les faire fondre à chacun de leur pas, ils souhaitaient tout d'eux retrouver la fraîcheur de la cours qu'ils avaient quitté, auprès du vieux ventilateurs et du gros chat endormi.
Une fois sur place, après un temps qui leur parut infiniment long, ils aperçurent enfin Yato, trépignant déjà d'impatience devant le glacier, n'attendant qu'une chose, passer enfin les portes. Action qu'il réalisa dès lors que ses camarades se dessinèrent dans son champ de vision. Quelques minutes à peine, et les voilà tous trois ressortis un cornet à la main. Le brun sautillant de joie dégustait déjà sa crème glacé, qu'Hiyori, bien évidemment, avait payé une fois de plus de sa poche.
« Je te rembourserais dès que j'aurais ma paye, la rassura Yukine lorsqu'elle rangea son porte-feuille.
- Non, ne t'en fais pas, ce ne sont que des glaces, lui assura-t-elle gaiment.
- Oui, comme tu dis, ce ne sont que des glaces. Alors pourquoi Jogging-man est si enthousiaste ? Interrogea par la suite le blond observant avec attention son cornet, essayant sans nul doute d'apercevoir l'origine de l'euphorie de son maître. »
Mais rien, simplement le sorbet fondant déjà sur la gaufrette qui le maintenait en place. C'est à ce moment là que le jeune Shinki s'empressa de terminer ce petit plaisir, avant qu'il ne soit trop tard et qu'il ne termine sur le bitume brûlant.
Par la suite, sous un soleil de plomb qui ne semblait pas atteindre le dieu du désastre, ils se dirigèrent vers un parc dont les familles nombreuses, étaient bien souvent de sorties. C'est auprès des jeux pour enfant que le brun aux pupilles azurs décida de se stopper. Prit sans aucun doute d'une envie soudaine de retomber une fois de plus en enfance, il accourut aux balançoires déjà bondées de petits êtres se balançants en criant. Après s'être chamaillé avec un bambin d'environ 5 ans pour pouvoir enfin utiliser l'un des sièges, il finit par atteindre le bac à sable, abandonnant toutes idées de faire de la balançoire.
« Est-ce qu'on est bien sûr que ce mec à plus de 1000 ans ? Interrogea Yukine en plein doute devant les actions infantiles du dieu.
- Oui, malheureusement je crois que les humains ont dû soucis à se faire avec des dieux comme celui-ci, soupira Hiyori quelque peu désespérée de son comportement.
- Je ne te le fais pas dire... Le voilà qui hurle maintenant ! Comment est-ce qu'il est arrivé là haut ? Ce n'est pas un perchoir, aussi ! »
Yato hurlant pour sa vie au sommet de la cabane abritant le toboggan, se trouvait dans une position délicate, et ne sachant comment descendre, il n'avait trouvé d'autre moyens que d'appeler à l'aide la brune au pupilles sommons. Cette dernière, digne d'une mère, se précipita auprès de l'enfant qu'était devenu le jeune homme pour lui indiquer des paroles se voulants réconfortantes.
« Pose ton pied ici, Yato, lui disait-elle en tendant les bras dans sa direction. Non, pas là !
- Mais je ne peux le mettre qu'ici ! Pleurnichait le brun. Hiyori aide moi, je vais mourir !
- Tu as déjà survécu à bien pire, l'encouragea-t-elle avec une patience sans nul doute déjà à bout. »
Yukine, resté seul à observer les deux énergumènes se démener aux milieux des enfants apeurés par les cris de détresse de Yato, ne savait que trop penser de cette scène. Insolite, serte, elle l'était, mais les actions étranges du brun, il en avait l'habitude désormais et cela l'agaçait plus que ça ne le surprenait. Il avait peur parfois que le dieu qu'il servait, ne sache réellement pas où était ses limites et qu'un jour, il ne dépasse les bornes.
À l'abris des rayons dévastateurs du soleil, sous les arbres, le blondinet était donc silencieux et observait. Soudain, alors qu'il commençait à envisager d'aider le lycéenne à ramener le grand enfant sur terre, quelque chose heurta son tibia de plein fouet. Baissant le regard vers le sol, le jeune garçon découvrit un ballon en plastique rouge scintillant. S'accroupissant pour ramasser le jouet, il se surpris à contempler son reflet déformé par la rondeur de la balle à présent entre ses mains. Un aire de patience perdue, voilà ce qui se dessinait sur son visage. Pourquoi donc ? Sûrement à cause du gamin qui lui servait de dieu, qui l'avait forcé à venir manger une glace et traîné dans un parc en pleine canicule. Une petite voix le surpris soudain.
« Monsieur, Monsieur ! Appela une fillette. Vous pouvez me rendre mon ballon s'il te plaît. »
C'est en posant les yeux sur la petite qui l'avait interpelé que son cœur sembla s'arrêter. De longs cheveux châtains aux mèches en batailles légèrement ondulées, un regard scintillant d'une couleur semblable aux émeraudes, un sourire fin, radieux, un sourire si familier, son sourire. Alors qu'il contemplait le bambin s'approchant les bras tendus vers la sphère rouge, abasourdi, il lui sembla la voir se tenant devant lui. Son visage, étant toute fois bien plus jeune, il ne différait guère trop du sien. Même son grain de beauté, ce petit point brun si caractéristique, était présent sous son œil gauche. Plongé dans de multiples questions qui envahissaient à présent son esprit, il ne réagit que lorsque la brunette posa ses petites mains sur la balle.
« Ça va pas Monsieur ? Demanda-t-elle visiblement inquiète de la tête que tirait le jeune garçon aux mèches d'or.
- Si, si, tout va bien, la rassura-t-il en lui rendant son bien. C'est ton ballon ?
- Pourquoi est-ce vous pleurez alors ? Interrogea-t-elle à nouveau en attrapant le jouet.
- Pour rien...
- Ils sont jolies tes bracelets, continua-t-elle sans aucune transition alors que ses grands yeux se posaient sur les bijoux.
- Merci, c'est une... une amie qui me les a fait.
- Pourquoi vous êtes triste, Monsieur ?
- Parce qu'elle est partie.
- Et elle revient quand ?
- Jamais.
- Pourquoi ?
- Parce qu'elle est partie pour un endroit dont on ne revient pas.
- Faut pas être triste pour les gens qui sont plus là, Monsieur. Eux ils sont même plus ici pour être triste avec toi.
- Je sais. Je te le promet, je ne serais plus triste. »
Alors qu'il prononçait ces mots, un léger sourire fendit ses lèvres. C'est à cet instant que la petite fit un geste, qui, une fois de plus fit rater un battement à son cœur déjà bien perturbé. Tendant le petit doigt, elle attrapa celui du blond avant d'entremêler une par une chacune de leurs phalanges. Les souvenirs de cette nuit qui avait précédé sa disparition lui revinrent en mémoire. Ce moment où elle lui avait promis que rien ni personne ne l'éloignerait d'eux, de lui. Jusqu'à ce jour, il avait toujours pensé qu'elle n'avait à nouveau pas réussi à tenir cette promesse, si simple, si importante, mais, à cet instant, alors que cette fillette au cheveux châtains croisait ses doigts dans les siens, à cet instant, oui, l'idée que finalement elle ne les avait jamais quitté naquît en lui.
Une voix appela. La brunette s'en alla. Yukine la regarda partir avec nostalgie. Se redressant, il resta les bras ballants alors que Yato et Hiyori s'avançaient enfin à ses côtés. S'arrêtant à sa hauteur, ses deux aînés contemplèrent avec lui le bambin courant dans les jupes de sa mère en riant.
« Je voulais que tu la vois, annonça le brun aux yeux d'azurs plus calme qu'il y a quelques minutes.
- Ça ne peut pas être elle, tenta de se persuader le blondinet sans décrocher son regard un seul instant de l'horizon.
- Comment ça serait possible ? Interrogea la jeune lycéenne aux longs cheveux brun.
- Les dieux ne sont pas les seuls à se réincarner. Bien que ce soit rare, certains Shinkis ont le privilège d'attendrir les cieux et de bénéficier d'une seconde chance dans le monde des Hommes, expliqua Yato un sourire serein se dessinant sur son visage. »
Une seconde chance, voilà à quoi elle avait eu droit. Durant tout ce temps où il la pensait loin de lui, elle n'était en réalité qu'à quelques kilomètres de son lieu de vie. Le Shinki aux pupilles d'ambres sentant alors sa poitrine se gonfler d'un bonheur soudain, laissa échapper un petit rire. Une nouvelle vie lui avait été accordé, et il espérait du plus profond de son cœur qu'elle serait longue et joyeuse. Puis, il se surpris à penser aux dernières paroles qu'elle lui avait accordé avant de s'en aller.

Je te retourne tes mots à présent ;

« Vie et sois heureuse, je t'aime. »

Un Second Shinki [Noragami]Where stories live. Discover now