deux ❖ galipettes avec la mort

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LORSQUE LA voiture s'est retournée, j'ai eu peur de mourir. Mon réflexe a été de regarder mon amie, le front ensanglanté et la branche plantée au centre de sa poitrine. Ses yeux étaient déjà livides, assombris par la Mort. Je n'ai pas eu le temps de la pleurer, qu'un néant m'a emporté. Je ne saurais dire ce que j'ai vu ou ressenti, car je ne me souviens de rien, uniquement du dernier acte avant ce tragique destin : Lottie riant à gorge déployée, le rouge à lèvres étalé et la poudre qui débordait de ses narines. Elle avait ce corps, tatoué et scarifié qui me faisait sentir différent des autres patineurs coincés. Moi, je trainais avec ce genre de nanas déconseillées par les sponsors, pas eux.

Je me sentais vivant avec elle. En voiture, au parc, à table, au lit. J'avais une autre occupation que le patinage, et c'était des soirées privées et du sexe en abondance. Un cliché des jeunes stars bien réel, cependant il faut le cacher. Les mauvaises images sont pour les ratés, me disait mon producteur avant que je sois un handicapé encombrant.

Est-ce que je regrette d'avoir laissé Lottie conduire ? Oui. Sur le coup, je ressentais une énorme haine contre elle, je la blâmais, crachais sur son âme encore en errance. Ma famille me répétait que c'était de sa faute, qu'elle m'a plongé dans une vie crasseuse et pas conçue pour moi. Comme un idiot, j'acquiescais. Et il y quelques semaines, un déclic m'est apparu.

Pour une fois, j'ai eu des pensées matures et non-égoïstes. Je me suis rendu compte que j'étais responsable aussi, j'ai choisi de suivre Lottie et ça m'a plu. Les moments passés avec elle étaient peu recommandables, mais je m'amusais, j'oubliais. Je lui ai lancé les clés, complètement ivre. Lorsque ma belle brune m'a demandé si j'étais certain qu'un taxi n'était pas nécessaire, je lui ai ris au nez. Et ajouté :

«  — tu es en compagnie d'un p'tit chanceux, rien t'arrivera. »

Lottie m'a sourit une dernière fois, avant de monter dans la bagnole. Mes proches me répétaient que dans notre couple, elle était la meneuse et moi le suiveur. Pour les médias et mes parents, je n'étais qu'un innocent adolescent, que s'est laissé influencer par une junkie. En réalité, j'étais le leader. Un leader toxique. J'ai pas seulement détruit ma vie cette nuit-là. Celle de ma copine en plus.

Je cogne mon front plusieurs fois contre le mur, la mâchoire serrée et l'estomac retourné. Même ma chambre, mon cocon, n'empêche pas l'anxiété de s'immiscer dans mon esprit.

« j'sais qu'on doit pas se dire je t'aime, mais je t'aime, gros débile. »

La maladresse de ses mots me faisait rire, et encore maintenant. Dès que je repense à cette fille, imparfaite et généreuse, je souris. J'essaye d'évacuer les mauvais souvenirs, en vain, ils reviennent toujours à la charge. Plus puissants, plus blessants, je succombe. Mes sentiments se fracassent entre eux, voulant combattre jusqu'à ce que mon corps ne tienne plus le coup.

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