trois ❖ souvenirs ambulants

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chapitre dédicacé à gustav.
cette chanson de radiohead
m'a fait penser à toi.
et j'espère que là où tu es,
les craintes ont disparues.

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LA BOUCHE remplie de céréales, je ne quitte pas l'écran des yeux. Par peur de faire s'envoler tous ses souvenirs, cette vie dorée et essoufflée. J'envie cet Hector de treize piges à peine ; je me rappelle que ma cousine m'avait suggéré de laisser pousser mes cheveux. Et que les garçons de mon quartier me surnommaient la p'tite tafiole aux patins. Cela ne m'a jamais vexé, car nous savons tous très bien que les homophobes invétérés sont des gays refoulés. Les filles de mon âge essayaient de m'approcher, croyant réellement à ma sexualité, et qu'elles allaient enfin avoir un meilleur ami gay pour la vie qui choisirait leurs fringues et parlerait potins. Malheureusement pour ces petites crétines, je ne suis pas un cliché. Elles s'accrochaient comme des moules à un rocher, et même un tsunami ne pouvaient les faire fuir.

À cette époque , j'étais seul. Enfin, à cause des cours à la maison, je n'avais pas de lien avec les enfants de mon âge. Malgré ma nature sociable, je ne parlais qu'avec les gens que je trouvais intéressants. Dans mon ancienne rue, l'intelligence et la maturité manquaient. Puis un jour, une mère et sa fille sont arrivées. Trisomique, sa génitrice faisait tout pour la cacher. Ça me donnait mal au cœur, de voir la peine sur le visage de cette enfant, la honte d'être ce qu'elle était.

Je ne suis pas devenu ami avec Gracie pour avoir une bonne conscience et me dire je ne vais pas aller en enfer, ouf. J'aurais pu l'ignorer, sans remords, cependant j'ai vu le regard débordant de mal-être et l'amour qu'elle portait toujours à sa mère. Un après-midi, je l'ai emmené au parc, sa mère n'a pas refusé, elle m'avait donné trente livres pour rester trois heures complètes dehors.

« Hector ! Regarde le cerf-volant ! »

Je laisse l'émotion se disperser lorsque Gracie apparaît à l'écran, souriante et pleine de vitalité. Je l'avais filmé avec la vieille caméra de la famille, plus personne ne s'en servait avec l'apparition de nouvelles technologies. Pourtant, je suis resté attaché sentimentalement à cet objet, et enfermait tous les plus beaux moments de ma vie. J'ai dû arrêter depuis un an, les compétitions et entraînements ruinaient mes journées. Et ne parlons pas de mes nuits, entre deux joints et cinq verres de gin.

«Il est trop joli ! »

La petite fille souriait de plus belle, un véritable rayon de soleil. De la positivité et de l'innocence émanait de Gracie, chaque fois que je la voyais. Elle transformait mon samedi, ma fin de semaine paraissait plus belle et unique.
Quand je la ramenais à sa mère, le dégoût était si présent sur sa figure que je n'avais pas envie de laisser la p'tite avec elle. La vhs se termine et je passe à une autre poussiéreuse et abîmée par le temps.

VHS  • nouvelleWhere stories live. Discover now