cinq ❖ heures larmoyantes

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L'EAU S'ÉPARPILLE dans mes cheveux, coule le long de mon dos, réchauffe chaque partie de mon corps. Le menton levé, je laisse le jet m'attaquer. Tous les matins, j'ai cette manie : me donner des claques à coup de jets d'eau pour me réveiller de ce cauchemar. Personne n'oserait gifler un handicapé, de peur de froisser la société. Pourtant, j'aimerais qu'on me rue de gifles jusqu'à ce que mes joues soient rouge sang.

Sortir de ce corps. C'est tout ce que je demande.

J'entends la voix de ma mère couverte par la musique et le bruit de l'eau. Je ne sais pas ce qu'elle me dit, et je m'en moque. J'aimerais bien rester dans cette baignoire, conçue spécialement pour moi. Même si je me suis habitué à me doucher seul, l'idée de passer dix minutes à me déshabiller, dix autres à me placer correctement pour ne pas me fracasser le crâne contre le carrelage, m'énervent. Je déteste ce sentiment d'impuissance, qui s'en va, revient, s'incruste et disparaît en laissant ces putains de dommages collatéraux. Croire que le bonheur t'atteint enfin, mais que le malheur se cache derrière un buisson, épiant ta joie pour mieux la fracasser.

Depuis plusieurs mois, depuis l'accident, c'est ce que je ressens. Avoir été impuissant face au destin.

― Espèce de con, je soupire, en me rendant compte que je me fais passer pour un héro issu d'une tragédie grecque alors que je n'ai été à qu'un gars banal dès le début.

Je réussis à me hisser jusqu'au fauteuil, près de la baignoire. Je manque de perdre l'équilibre plusieurs fois, le meuble tangue. Quelques minutes passées à me « stabiliser », j'enfile mon caleçon et un t-shirt aux manches trop longues. Même si je suis épuisé de ces périples quotidiens, j'attrape ma jambe artificielle et l'attache à mon moignon. Il y a toujours cette sensation mitigée entre les remords et la douleur. Les médecins disent que la souffrance ne disparaîtra pas d'un coup sec, qu'il faut attendre plusieurs années.

Ayant un mal de chien à mettre ce foutu jean, je le jette à travers la pièce.

― Hector, Maman et Chandra t'attendent, lance mon frère derrière la porte.

― Carl..( Une amertume soudaine modifie le timbre de ma voix. ).. Tu pourrais venir un instant ?

Il ouvre la porte. Ses cheveux mi-blonds mi-violets réunis en un chignon, son 1m69 et son sweat large lui donnent un côté enfantin. Il me rappelle le Hector de quatorze piges. J'étais comme lui ; un garçon mignon tout plein voulant se donner un air froid, en vain. Sans que je lui explique la situation, Carl ramasse le jean et s'agenouille en face de moi. Il m'aide à l'enfiler, avec une expression neutre. Si il a de la compassion, il la cache bien et j'en suis ravi.

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