Les Chroniques d'Idan (tome 2) : La Première Reine

Chapitre IV

Je vais exploser. Ou imploser. Mais dans les deux cas, dans quelques minutes, il ne restera de moi que des bouts de chairs immondes, flottant dans le faux vent de l'Enfer.

Devant mes yeux ennuyés et mon corps en ébullition, deux conseillers me présentent leur nouvelle idée pour améliorer les Enfers. De nouvelles idées de tortures, de punitions, de triage d'âmes afin de se débarrasser de certaines. Je ne peux pas dire que je m'ennuie, en réalité. Je suis plutôt profondément désintéressée par leurs projets. 

Ce n'est pas nécessairement contre eux, mais j'ai simplement l'impression que tout ce qu'ils cherchent à faire, c'est effacer des âmes de l'espace-temps pour en stocker plus. Le but du monde, ce n'est pas de tendre vers le Paradis ? Pourquoi les Enfers devraient-ils faire de la place pour de nouvelles âmes ? Je connais déjà la réponse, en réalité. Le Chaos.

L'afflux de nouvelles âmes contraint les Enfers à traiter des milliers d'âmes d'un coup et forcément, trouver des punitions adaptées à chacun prendrait du Temps que nous n'avons pas. Alors nous faisons de notre mieux afin que les âmes subissent tourments et blessures pour l'éternité.

A côtés de moi dans la grande salle de réunion, Breugan –qui m'a rejoint il y a quelques minutes- s'emploie à noter leurs grandes idées ainsi que quelques détails importants. Quant à moi, je fais simplement figure d'autorité. Je dois me contenter de hocher la tête, sourire quand les présentateurs semblent fiers de leur idée et applaudir à la fin.

Les deux Démons sont très enthousiastes, peut-être un peu trop d'ailleurs. Ils s'écrient par moment, me donnant de véritables envies de meurtres. Parfois, ils se contentent de répéter les idées que l'autre a eu, comme si le fait de la répéter allait en faire une meilleure idée. 

Et moi, comme un bon petit soldat, je souris avec le plus de bienveillance possible. Breugan y semble plus réactif, comme s'il aimait vraiment cette présentation. Je ne vois vraiment pas ce qu'il y trouve.

Il n'y a rien d'innovant, hormis l'idée de ne plus envoyer d'âmes aux Enfers mais de les prendre directement en dessus, avec nous. Des âmes volantes, autour des Démons et des Morts, libres de toute torture ? C'est à l'opposé de tout ce que les Enfers sont censés être ! Je ne peux simplement pas le permettre. 

Finalement, après de trop longues minutes à les écouter parler de ce projet, je suis invitée à les congédier gentiment. Je me lève donc afin de les accompagner jusqu'à la porte sous le regard légèrement moqueur de Breugan.

Il essaye de se montrer impassible en ma présence mais je pense que ma manière d'être lui rend la vie impossible. M'efforçant d'être aussi polie que possible, je ne peux retenir le soupir de soulagement qui franchit mes lèvres quand la porte se referme. J'entends Breugan ferme son carnet et un bruit de chaise m'indique qu'il s'est levé. Un léger rire fait écho à mon soupir et je me tourne vers le jeune Démon.

— J'en conclus que leur projet sera refusé ? Me demande-t-il, espiègle.

Je roule des yeux et m'affale dans l'une des chaises. J'ai l'impression d'être une vraie loque dernièrement. Sentir du vrai vent sous mes ailes me manque. J'en ai assez de rester coincée en Enfer sans possibilité de sortie, j'étouffe. Mais encore une fois, partir serait signer ma démission.

— Il va à l'encontre de ce qu'il m'a été dit au sujet des Enfers, je réponds assez laconiquement.

Le sourire de Breugan s'efface tandis qu'il s'assoit à son tour, plus sérieux. Ses yeux rougeâtres observent les miens, qui ont repris leurs teintes grises habituelles. Je ne sais pas ce qu'il espère y trouver.

— Vous devriez vous reposer, me dit-il alors.

Je ris jaune tandis qu'il fronce les sourcils, sans comprendre.