Chapitre 3

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Je n'eus pas le temps de réagir, l'homme qui me tenait m'emmena de force vers son cheval et me jeta en travers de ce dernier avant de monter en selle. Il me maintint fermement dessus. Un autre vint me lier les mains avec une corde et ils me bâillonnèrent. À mon avis, je parlais trop pour eux. J'étais loin d'être aussi sûre de moi que je pouvais le laisser paraître, mais il me fallait garder contenance. D'un côté, je trouvais la situation assez comique d'être prise à partie dans leur jeu de rôle stupide. Croyez-moi, je n'avais rien contre les personnes qui jouaient à ces jeux en général, mis à part que là, ça ressemblait de moins en moins à un jeu, ou alors, l'organisateur possédait un sens de l'accueil qu'il lui faudrait revoir rapidement. D'accord, j'étais peut-être arrivée au milieu de leur terrain et de leur partie, mais ça ne leur laissait pas le droit de se conduire de la sorte avec moi, surtout que je leur avais demandé à partir ! Cette histoire commençait sérieusement à mal tourner et à me faire flipper. Il ne faudrait pas qu'ils s'étonnent si je mordais le premier qui me retirerait ce foutu bâillon.

Les autres cavaliers remontèrent en selle et se mirent en route, le mal aimable en tête : leur « chef » donc. Quand mon cheval commença à avancer, mon appréhension se confirma : ma position allait être inconfortable pour le trajet, que j'espérais assez court. Je contractais un maximum mes abdominaux pour m'éviter quelques douleurs, j'étais sportive, mais bon... !

Aucun mot ne fut échangé entre mes ravisseurs ; oui parce que là ça ressemblait très sérieusement à un kidnapping quand même. Le voyage fut des plus pénibles. Au début, j'essayais de bouger, de me libérer, de me jeter du cheval, or j'étais maintenue par les mains fermes du cavalier qui me plaquaient à même le dos de l'animal à chaque tentative. À bout de forces, il me fallut abandonner. Je pendais maintenant mollement de part et d'autre de la bête. Le sang qui me montait au visage me rendait vaseuse. Non. Mais sérieux ! Quelqu'un allait bien remarquer quelque chose et m'aider quand même ? Des mecs comme ça ne devaient pas passer inaperçus dans les rues de la ville !

Après ce qui me parut des heures, mon regard ne suivait toujours que le défilement de l'herbe. N'auraient-ils pas déjà dû rejoindre une route après une telle distance ? La forêt de Nantahala n'était pas si grande après tout !

Je relevai lentement la tête à ce constat pour remarquer un changement de paysage : nous approchions d'une ville, dont je distinguais maintenant les pavés. Cette dernière était loin de ressembler à la mienne, elle était similaire à celles de l'ancien temps, comme à l'époque médiévale ! Des murs d'enceinte encerclaient la cité pour la protéger. Néanmoins, ce qui me surprit le plus fut la vue du château, tels ceux des contes pour enfants. Entièrement fait de pierre, il surplombait, par sa prestance, le reste des bâtisses comme élément central de tout cet endroit. Les maisons, pour ce que je pouvais en discerner, semblaient simples, parfois faites de bois et de paille, parfois de pierre, pour les plus fortunés, supposais-je. Comment un lieu comme celui-ci avait pu se trouver si près de cette forêt sans que je n'en sache jamais rien ? Je ne pus détailler plus l'environnement, incommodée par ma position. Mais mes autres sens avaient, quant à eux, capté quelques différences : aucun bruit de moteur, je ne sentais que la nature et non la pollution, l'odeur qui m'assaillait le plus était celle de la paille fraîche. Au loin, il me semblait entendre le brouhaha d'une population et son effervescence, rien à voir avec « ma ville », ça j'en étais certaine. Des bavardages, du métal, le crissement de cailloux sous des bottes ou encore le bruit des sabots de chevaux martelant le sol. Tout cela était étrange. Je devais rêver, ce n'était pas possible autrement.

« Mes ravisseurs » firent enfin halte et quittèrent leur monture et l'un d'eux vint sans ménagement me faire descendre de la mienne, manquant de me faire tomber sur les fesses. Je regardais rapidement son visage pour le graver dans ma mémoire et lui faire payer ça dès que possible. J'étais assez rancunière comme fille, et de toute façon, à travers le flou de ma vision, qui peinait à revenir à la normale, il ne semblait pas avoir une tête qui donnait envie d'être gentille. Je grognai à son intention pour lui faire comprendre mon humeur. À ce moment précis, c'était le seul son qui pouvait sortir de ma bouche, la nausée m'ayant envahie une nouvelle fois à la minute où mon passage de l'envers à l'endroit avait été effectué. Les seules choses que je pus distinguer clairement, avant de passer les grandes portes du château, étaient d'autres hommes en armure. Génial ! Il y avait plein d'autres dégénérés comme eux !

Sin'Meyah, T.1 : Cet autre monde {Auto-édité}Where stories live. Discover now