Sin'Meyah, T.1 : Cet autre monde {Auto-édité}

Chapitre 5

Je patientais sagement, les mains toujours liées, au milieu de tout ce petit monde qui m'observait. De quoi vous mettre mal à l'aise, croyez-moi. Aucun d'eux ne daigna prendre la parole pendant de très longues minutes, si bien que je faillis le faire à leur place. Je m'abstins cependant. J'étais bien trop calme et docile pour l'instant. J'attendais juste le bon moment. Je supposais que s'ils m'avaient amenée ici ce n'était pas pour rien, et je voulais savoir de quoi il retournait.

Le balafré se tenait très près de moi, prêt à me rattraper si nécessaire. C'était idiot, je ne connaissais pas suffisamment l'endroit pour tenter de m'enfuir à cet instant, je savais être patiente parfois. Mais ça, il ne s'en doutait pas encore. Ces hommes...

Mon attention cessa de vagabonder lorsque le seigneur se leva pour s'approcher de moi. Il avait une démarche plutôt gracieuse, dans laquelle transpirait une certaine autorité. Lorsqu'il fut juste devant moi, je pus constater qu'il était assez grand, il me dépassait, en tout cas, et semblait avoir environ le même âge que mon charmant compagnon, soit une trentaine d'années. Il fit le tour de ma personne et je me retins de suivre son mouvement, cela l'aurait irrité et l'aurait probablement forcé à prolonger cet examen. Je serrai néanmoins les poings avec une colère contenue. Je n'aimais pas que l'on me traite comme un objet ou comme du bétail à jauger. Il se plaça ensuite face à moi et je remarquais du coin de l'œil que le balafré avait changé de position et était encore plus aux aguets, prêt à défendre son seigneur. Qu'ils pouvaient être ridicules à me croire dangereuse ! Je fixai mon regard dans celui de l'homme en face de moi, lui renvoyant toute la détermination et la force dont j'étais capable à ce moment précis.

— Quel est votre nom ?

« La reine d'Angleterre, abruti » eus-je envie de répondre. Je me retins à nouveau. Ils pouvaient être fiers de mon absence de répartie. C'était rare que je me taise. Concernant mon vrai nom... J'hésitais encore à leur dire, même si je n'avais pas envie de refaire un séjour dans les cachots. Remarquant mon silence, il continua :

— Veuillez excuser nos manières quelque peu brusques à votre égard il y a de cela quelques jours, mais je pense que vous pouvez comprendre ma position à votre sujet.

En réalité, je ne la comprenais pas du tout, je ne savais pas ce en quoi ils croyaient, ni pourquoi ils me pensaient dangereuse, seulement ils m'avaient tout de même fait subir tout ça, et ne m'avaient pas écoutée quand je leur avais demandé de me laisser partir. Néanmoins, il s'était excusé, m'avait parlé avec calme, et cela m'adoucit un peu. Cela n'aurait pas dû, mais cette seule marque d'attention, après une semaine de calvaire, me fit tant de bien que j'en oubliais une seconde ma colère. De plus j'espérais que lui donner mon identité pourrait m'offrir une ouverture pour une éventuelle fuite. Alors je répondis, lentement, tout en le défiant du regard :

⎯ Breena. Je m'appelle Breena Martillo.

⎯ Et d'où venez-vous ? demanda-t-il en acquiesçant.

⎯ Quelle question... Nous vivons dans la même ville !

⎯ Je pense que je saurais si vous faisiez partie de mon peuple.

⎯ Je sais bien que notre ville n'est pas grande, mais je doute que vous connaissiez plus de trente mille habitants.

⎯ Trente mille habitants ? Vous faites erreur, étrangère.

Il continuait à m'appeler « étrangère » alors que je lui avais donné mon nom... le bougre !

Trop occupée à fulminer contre ce manque de considération, je ne remarquais qu'à la dernière seconde que la nouvelle dame s'était approchée à son tour et se tenait maintenant près de moi. Je ne pus retenir un geste de recul à l'instant où je m'en aperçus, non pas parce qu'elle m'inquiétait, mais parce qu'elle m'avait fait sursauter, et je n'aimais pas les surprises. Mon petit mouvement fut rapidement arrêté par mon garde qui mit sa main dans mon dos pour me repousser vers l'avant. Je ne lui fis même pas l'honneur de mon regard, aussi noir fut-il.