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Mon portable sonne, Pía.

– Oui Pía, comment vas-tu ?

– Salut Alice, je demandais si tu pouvais venir dimanche prochain ? Je sais que tu viens pour passer les vacances de Pâques à la maison, mais j'aimerais vraiment que tu viennes avant.

J'entends de l'enthousiasme mélangé à de l'appréhension.

– Je vais annoncer ma grossesse à ma famille, mes parents seront là, je leur ai demandé de réserver leur dimanche pour moi. Je voudrais que tu sois près de moi à ce moment.

Ses derniers mots me touchent pile où il faut.

– Je viendrai Pía. Il faut juste prévoir un truc pour Rose car je lui ai dit que nous irions se balader.

– Super, ici, les idées ne manquent pas pour mi angelita (petit ange). Tu viens manger samedi soir ?

– Je suis de fermeture, ça me ferait arriver trop tard, vers 21h30.

– Mais non, tu rigoles ? Quand les parents sont là, on est encore à l'apéro.

– Tu es sûre ? Mais oui.

– C'est ok pour samedi alors.

– Génial, ils vont être contents, à samedi, bisous.

– Oui, bisous à tous.

Le moment des présentations et de la grande nouvelle arrive à grands pas, ça y est, bientôt le grand saut pour Pía. 

La semaine se déroule selon l'humeur des clients, c'est à dire mi-figue mi-raisin. Les seuls moments tranquilles sont ceux passés à la maison et ceux où je lâche tout, sont les cours, notamment celui où Aelís louche sur le prof remplaçant, elle va finir par rester coincée.

Rose s'est endormie dans son siège, prévisible, quand elle est sur la digestion. J'ouvre le portail, avance la voiture, au moment de le fermer, une truffe humide se colle à ma main. A peine surprise, je caresse Louve qui commence à glapir cherchant Rose. Après lui avoir ordonné de filer, elle m'attend à l'autre bout de l'allée. A mon approche la lumière du porche s'allume. Je descends de la voiture, les filles m'accueillent par de grandes embrassades comme si cela faisait des mois que je ne les avais pas vu. Adrián plus en retenue leur demande de se calmer en ouvrant la porte de Rose.

– Adrián attends, je vais la mettre au lit. Si elle ouvre les yeux et qu'elle te voit c'est fichu.

– Ok, je prends tes sacs.

Ni une ni deux, les filles nous ouvrent les portes et allument les petites lampes.

Après avoir couché la petite, Adrián arrive dans la chambre et allume un appareil sur l'étagère.

– Qu'est-ce que c'est ?

– Un moniteur relié à mon mobile, j'en ai mis un autre qui film le couloir. Comme nous sommes souvent à côté pour les repas, je me suis dit que ça pouvait être pratique.

– Des babyphones 2.0 ?

– C'est ça.

– En attendant qu'elle sache manipuler un talkie, j'ai trouvé ça rassurant.

– Tu es un vrai tonton poule et tu t'en fais même plus que moi. Tu sais, elle grandit, elle sait très bien où nous sommes, même à son réveil elle sera en confiance. Ne lui dit pas qu'il y a une caméra sinon elle va en jouer. Faut la laisser évoluer, mener une épopée dans la peine ombre armée d'une poupée.

– Oui bien sûr et quand elle ira dehors, elle va attraper froid car elle ne pensera pas à prendre son manteau.

Je souris à sa remarque et l'embrasse sur la joue en le remerciant.

– Fais attention tu deviens gaga. lui dis-je.

– Tu verras demain, quand mes parents la verront, là, tu pourras parler de poule, de gâteux et j'en passe.

Nous quittons la maison en laissant le porche allumé. En entrant dans la maison principale, les effluves de nourriture saisissent mes papilles, poivrons, oignons, bouillon, bref, mon ventre crie famine.

La table est déjà mise, l'apéritif nous attend dans le salon. C'est à ce moment que je vois les parents de mes amis se lever. Ils me saluent comme s'ils me connaissaient déjà, c'est très chaleureux. Pablo et Jehanne sont physiquement l'opposé l'un de l'autre, typique d'un homme du sud et d'une femme du nord. Le mari ne dépasse pas le mètre soixante-dix, carré d'épaule, brun, la peau mate et les yeux marrons où danse la folie de l'exubérance. Tandis que son épouse avoisine le mètre quatre-vingts, fine tout en ayant des formes généreuses, blonde, la peau claire et les yeux bleu-vert où le calme bienveillant inspire la confiance. Bien qu'ils soient en âge d'être déjà grand-parents, tout au long du repas, des petits gestes et des petits mots témoignent d'une abondance d'amour parental.

Pablo et Jehanne, s'intéressent à moi, sur ma famille, mes amis, si j'aime mon travail, mon train de vie, mais à aucun moment ils ne me parlent de Pierre. Quand le moment de parler de Rose arrive, je ne peux pas m'empêcher de parler de ses traits qu'elle a aussi bien de son père et de moi. Quand ils m'entendent parler de Pierre sans effusion quelconque, ils se permettent de me poser des questions, sur sa profession, sur son impact sur la famille, sur le nouveau rythme à venir. Cela pourrait me mettre mal à l'aise de parler ouvertement lors d'une première rencontre mais je le suis davantage par le fait d'être au centre de l'attention. Pendant que les filles et Jehanne servent les crèmes catalanes, Adrián adresse quelques mots à son père en espagnol. Son paternel fronce légèrement les sourcils, riposte, ils échangent à une rapidité folle. J'ai très bien compris le début mais la suite que nenni. Les filles observent, s'étonnent et sourient par la suite, certaines avec discrétion et d'autres avec une pointe d'amusement. Quant à moi, je me sens idiote car la seule chose que j'ai cru comprendre, c'est qu'Adrián a dit à son père qu'il était temps arrêter de me poser des questions. Auquel Pablo a répondu que j'étais une grande fille, son fils a riposté que j'étais trop polie pour ne pas répondre, quant à la suite je n'ai rien compris. Tout ce que je peux voir sur leurs visages, est que mon ami est mécontent et son père amusé. Au moment où Adrián allait rétorquer, je décide de prendre le contrepied sur un ton détaché.

– Bon, quand les hommes auront fini de parler de la nouvelle arrivée, peut-être que les crèmes seront encore chaudes.

Moment de stupeur générale avant que tout le monde rigole. Seul mon ami paraît pâle tout d'un coup, il s'enquiert tout de suite de savoir si j'ai tout compris.

– Le début oui, le reste était trop rapide, mis à part quelques mots c'est trop confus pour que comprenne quoi que ce soit.

– Ah ok.

Il a l'air rassuré. Aelís enchaîne sur le fait que Rose apprend vite. Depuis qu'elle la connaît elle lui dit quelques mots d'espagnol et les essaie maintenant de les placer où il le faut. Je confirme en ajoutant qu'entre l'espagnol des LLORCA, le lingala avec Luvuma, le créole d'Indranée et le dari apprit par Noâ, Rose pourra devenir soit citoyenne du monde, soit agent spécial.

MAliceWhere stories live. Discover now