Chapitre 2.2

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(...)

Ravi, Duncan lui tint la porte du réfectoire comme un véritable gentleman puis l'aida à porter son plateau.

— Alors, qu'est-ce qui te tracassait tout à l'heure au point d'oublier tes propres leçons et de froncer ainsi tes jolis sourcils ? lui demanda-t-il quand ils furent tous les deux installés.

— Le comportement de Te'Kelin, répondit-elle après s'être assurée que la salade de fruits qu'elle avait choisie ne dissimulait pas du pamplemousse parmi les oranges sanguines. Elle détestait le pamplemousse. Son acidité la faisait obligatoirement grimacer et il était hors de question qu'elle grimace une nouvelle fois aujourd'hui. Elle ne le supporterait pas.

— Te'Kelin ?

— Oui. Je l'ai trouvée... Je ne sais pas. D'habitude quand elle s'adresse à moi, elle a tendance à baisser les yeux et la plupart du temps, elle est à la limite du bégaiement. Mais tout à l'heure, on aurait dit une autre femme, dédaigneuse et suffisante. Je ne sais pas... J'ai trouvé ça bizarre.

— Peut-être était-elle simplement de bonne humeur ? tenta Duncan semblant ne pas comprendre où Brianna voulait en venir. Ou peut-être a-t-elle simplement découvert que, malgré tout le mal que tu te donnes pour prouver le contraire, tu étais une fille plutôt sympa et que tu n'allais sûrement pas la bouffer si elle osait s'adresser à toi en te regardant dans les yeux et en te parlant de façon claire et intelligible ?

Face à tant de naïveté, Brianna secoua la tête.

— Duncan. Exception faite d'avec mes amis – qui se comptent presque sur les doigts de la main – je ne suis pas une fille sympa. Je suis fière et arrogante, parfois même méprisante avec ceux – et ils sont nombreux – qui le méritent. Et crois-moi, je repère facilement les gens comme moi. C'est une sorte de superpouvoir que développent les personnes qui ont toujours raison et qui n'échouent pas : on se reconnaît entre nous.

Duncan se mit à touiller ses céréales en fronçant les sourcils, se moquant éperdument des rides qui apparurent entre ses deux yeux.

— OK Bri la mauvaise, si tu le dis. Mais tu crois réellement que la timide et réservée Donna Te'Kelin se serait transformée du jour au lendemain en femme assez sûre d'elle pour friser l'arrogance et devenir l'une d'entre vous ?

Brianna porta à sa bouche un morceau d'orange sanguine et se mit à le mâcher consciencieusement – c'était très bon pour la digestion – tout en réfléchissant à la question de son ami.

— Eh bien, répondit-elle après avoir avalé son fruit, je me demande si... je me dis que son attitude craintive de d'habitude ne reflète peut-être pas sa véritable personnalité. Peut-être a-t-elle joué un rôle jusqu'ici ? Peut-être que, si elle baisse les yeux quand elle me croise, ce n'est pas par crainte, mais par stratégie. Pour que je ne voie pas sa véritable nature...

Brianna voyait bien que Duncan semblait de plus en plus perplexe, mais elle lui fut reconnaissante de ne pas l'afficher ouvertement en riant à gorge déployée.

— OK. Admettons que tu aies raison. Néanmoins, ne put-il s'empêcher de tempérer, Bri, tu ne lui as parlé que quelques secondes... Ne pourrais-tu pas envisager de t'être trompée sur son attitude et reconsidérer mon analyse personnelle sur sa posture enjouée ? À savoir que – tout comme moi – Donna Te'Kelin était tout simplement de très bonne humeur de t'avoir croisée au bon moment ?

Amusée et flattée par les sous-entendus de son ami, Brianna prit le temps de peser les pour et les contre avant de formuler sa réponse. Elle était têtue, elle le savait. Mais elle n'était pas bornée. Quand elle avait tort, elle le reconnaissait. Bien sûr, inutile de préciser que cela n'arrivait quasiment jamais. Et cette fois-ci ne faisait pas exception.

ORCAM - Tome 2 : HiverWhere stories live. Discover now