Chapitre 1

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  Lundi 1er juillet et une douce odeur de pain grillé flotte dans l'air de ma chambre -préalablement parfumée avec les effluves des nombreuses bougies colorées que je m'entête à faire brûler malgré les maux de tête qu'elles me procurent au réveil. Je me prépare à aller au collège pour cette dernière semaine de cours : l'annonce d'une fin d'année de troisième plus que réussie. Ces quatre ans sont passés tellement vite, et voilà que déjà je quitte ces amitiés si fraîchement conçues. Toutes ces pensées fusent dans mon esprit, comme si une pluie de micro vaisseaux spatiaux pénétrait par mes oreilles. Je n'ai pas l'impression d'avoir passé des moments si exaltants dans ce collège, et une énorme boule barre pourtant ma trachée.
  « Eh merde ! » un battement de paupières, et mon trait d'eye-liner dérape. Je me rends compte –bien que trop tard- que plus le temps passe, plus il passe vite. Je sais que mes amis vont me manquer. Et plus particulièrement Lila. Je continue de rêvasser, tout en remuant machinalement mes Nesquik ramollis par le lait. Lila, c'est ma meilleure amie. Une grande et belle blonde aux yeux gris, que je connais depuis ma naissance ; j'ai toujours vu Lila comme un refuge serein. Au cours du temps, nous avons appris à veiller l'une sur l'autre. Quitter ce collège où nous avons forgé une partie importante de notre amitié me donne mal au cœur. Maintenant que cette année de Troisième est terminée, ma meilleure amie –dont les qualités sportives m'ont toujours impressionnée- part en dans un lycée sportif pour exploiter ce don. Pour ma part, j'ai visité de multiples établissements qui pourraient me permettre de m'épanouir au niveau de mes qualités de pianniste, mais je ne me décide pas...
  Je prend une grande inspiration en débarrassant la table du petit déjeuner, et je traîne des pieds jusqu'à la salle de bain. Le collège signifie beaucoup de choses pour la plupart des adolescents qui en sortent : une période de changements, difficile, qui laisse croire que les apparences sont ce qui prime dans la société. Des rencontres dites "inoubliables", que l'on délaissera finalement quelques mois plus tard. Je ne voyais qu'une solution possible pour être sûre de profiter de cette dernière semaine : la fête que mon meilleur ami, Sam, a organisée vendredi soir. Cette pensée fait pétiller mes grands yeux bruns, et je sens un sourire s'esquisser aux coins de mes lèvres. Cette fête était mon idée,évidemment. Mais on a toujours procédé comme ça : je suis le cerveau, lui les gros bras. Et puis, mes parents auraient refusé d'accueillir plus de trente adolescents dans notre petite maisonnette de cambrousse...
  Je n'ai pas vraiment le choix : je dois m'y rendre, et ce même si cela paraît impossible d'un point de vue parental. Mes parents connaissent Sam et, bien qu'ils l'adorent, ils n'ignorent pas sa fameuse réputation de fêtard, qui dérape à chaque fin de soirée...
  Je reste songeuse tout en escaladant le chemin goudronné qui me séparede mon arrêt de bus. Mon sac violet sur le dos et mes écouteurs dans les oreilles, j'ordonne à mon vieux BlackBerry de jouer une piste aléatoire, tout en laissant ma joie et le ciel bleu se mêler aux paroles entraînantes de la chanson. Je cours, chante, me sent libre et minuscule sous l'étendue azure au-dessus de ma tête. Je sens la brise légère passer à travers mes longues mèches brunes, laissant fuir les quelques gouttes du parfum préalablement vaporisées au creux de mon cou. J'observe intensément les reflets vermeils du soleil sur le ciel bleu céleste, sans nuages.
 Je m'installe sur la banquette arrière du bus, laissant perpétuellement résonner la chanson dans ma tête. Je pense à cette banquette, celle sur laquelle je rêvais de m'installer quelques années auparavant. Aujourd'hui, alors que ma dernière année vient de s'écouler, je me rends compte que cette hiérarchie ne me manquera certainement pas. Une fois arrivée au collège, une blondinette me saute au cou :
  -Bonne nouvelle !!
  Le pétillement dans les yeux gris de Lila appuie ses propos et trahie sa pensée :
  -Tes parents ont dit oui pour la fête de Sam ?
  -Mieux encore, mes parents sont d'accord pour que je reste là-bas jusqu'au lendemain ! T'as parlé aux tiens ?
  L'amertume de la désillusion maintient ma bouche close. Suis-je en colère contre mes parents, beaucoup moins laxistes que ceux de Lila ? Ou bien contre moi-même, qui n'ai même pas pris le temps de leur en parler? Je laisse ces questions en suspend dans mon esprit, et le simple échos de leur rebondissement contre les parois osseuses de mon crâne pour réponse. Le regard de Lila qui sautille sur place commence à s'assombrir, passant d'un beau gris perle à un gris acier-tranchant.
  -Non,mais tu rigoles ? Ça fait déjà deux semaines qu'on en parle ! Mes parents ne me laisseront pas dormir chez Sam si tu n'y es pas...
  Je n'ose pas dire à ma meilleure amie que si je doute déjà de la réponse de mes parents, alors je n'ai pas plus d'espoir en l'idée de rester dormir chez mon meilleur ami en présence de la gente masculine... C'est inimaginable. Mais quand bien même, je dois m'y rendre.
  Un bruit gras comble alors l'espace sonore de la petite récréation dans laquelle plus un élève ne bouge. Je me tourne rougissante vers ma meilleure amie qui tente d'étouffer un rire :
  -... Sauvée par le gong ?

Clair de LuneDonde viven las historias. Descúbrelo ahora