Chapitre 5

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Après avoir déjeuné, je remonte me brosser les dents et me passer un peud'eau fraiche sur le visage. J'envoie en suite un texto à mes parents et à Lila pour les tenir au courant des résultats des auditions : je sais que ma frustration se serait fait ressentir dans ma voix si je les avais appelé de vive voix.
  Je suis descendue jusqu'à l'accueil où les fiches d'inscriptions sont toujours affichées, mais où -contrairement à ce matin- les adolescents pleins d'adrénaline ne sont pas entrain de s'entasser. Je me retrouve donc assise par terre devant les fiches, et alors que je mon regard se perd dans le vide, je repense à ce que Conor m'a dit lors de notre première -et dernière- interaction : « ...à moins que tu ne sois une révélation... ». Puis les douces paroles de Lila envahissent mes pensées : « ...tu trouveras ce qui auras coincé ».
  Si quelque chose à coincé, alors je ne suis pas la "révélation" que ce camp attendait. Une autre avait déjà la place que je convoitais et, comme d'habitude, cela ne m'a pas empêchée de m'avancer tête baissée dans un mur quadruple épaisseur... Ma détermination est bien ma principale qualité, et surtout mon pire défaut. La perfection est une chose qui n'existe pas, c'est l'idéal que chacun essaye d'obtenir et la bataille inaccessible pour l'atteindre est une drogue.
J'en suis consciente, la perfection me rendra certainement folle un jour.
  Perdue dans mes pensées, je ne daigne pas remarquer la silhouette qui s'approche derrière moi. Ce sont ses paroles qui me sortent de mes songes :
  -Ah... Tu savais que tu n'aurais pas ta place dans ce groupe, j'ai essayé de te le faire comprendre... Alors ne te rend pas malade pour ça.
  C'est Conor.
  Une décharge électrique me parcours le corps, de la nuque jusqu'aux chevilles, et je sens mon cœur jaillir de ma poitrine lorsque je l'aperçois à contre-jour. Le crissement de ses pas sur l'étendue de graviers orangés couvre mes paroles :
  -Je suis heureuse d'avoir essayé, et je vais pouvoir passer les auditions pour les doublures quand les autres seront arrivés, je ne m'inquiète pas trop !
  Il me fixe, immobile et d'un regard impassible pendant de longues secondes, avant de se retourner et reprendre sa route dans la direction opposée.
  Je me relève du petit trottoir tout poussiéreux dans le même silence. Je secoue mes jambes pour en faire glisser les petites particules de poussière qui se sont imprégnées dans mon short en jean, puis je retourne dans le bâtiment principal où Anicé doit m'attendre.

  À l'heure de manger, Anicé et moi rentrons dans la cafétéria, nos deux plateaux vides dans les mains. Nous passons devant les présentoirs où setrouvent des assiettes de macaronis au fromage. J'attrape une assiette chaude d'où s'échappe un filet de fumée et une délicieuse odeur de fromage fondu, puis deux abricots juteux, avant de rejoindre Anicé et mes nouveaux amis, déjà attablés.
  Une fois installée, Conor décrète que -par soucis d'ancienneté- c'est à moi que revient la tâche d'aller remplir le pot d'eau vide au centre de la table.
  Je rêvasse en regardant couler l'eau depuis le robinet jusqu'au fond du pot, le remplissant jusqu'aux trois quarts. Je referme alors le robinet, avant de me retourner vers la table de mes amis musiciens.
  Je marche prudemment en regardant l'eau qui se secoue dans le pot métallique, sans même remarquer le pied qui surgit de nulle-part pour me faire trébucher si prêt du but : j'ai laissé le pot tomber par terre, et j'observe, impuissante, l'eau s'étaler sur le carrelage rouge de la grande salle. J'ai eu, avant de m'étaler de tout mon long sur le sol, le reflexe de me rattraper à la chaise d'Anicé qui reste bouche-bée devant cette scène.
  Au milieu de la cafétéria où s'élèvent des gloussements puériles, je rentre dans une colère féroce : lorsque je me retourne pour voir à qui appartient ce pied mal placé, j'aperçois le visage candide et moqueur de Conor. Sans réfléchir, voire presque par instinct, je m'appuie de tout mon poids sur mon assiette de macaronis posée sur la table. La douleur provoquée par la température du fromage fondu ne fait qu'attiser ma haine, et j'attrape -sans même me contrôler- une grosse poignée de pâtes que je lance au visage de mon ennemi.
  Conor s'est arrêté de ricaner, et il nous faut à peu près le même temps de réaction pour réaliser ce qu'il vient de se passer. Les rires autour de nous s'estompent, tout le monde nous observe avec de grands yeux attentifs. Derrière mon dos, j'entend la respiration saccadé d'Anicé, prête à s'évanouir.
  Mon regard se porte sur la main ayant porté le geste et sur laquelle le fromage fondu a laissé de petites brûlures. Lorsque je lève des yeux hésitants en direction de Conor, celui ci passe sa main le long de son visage, depuis sa mâchoire jusqu'à sa mèche de cheveux noire.
  Contre toute attente, il m'adresse une sorte de rictus stressant, et se met à rire de plus belles.
  Le silence dans la salle s'efface pour laisser place à des hurlements et de la nourriture qui jaillit dans tous les sens, tâchant la salle des murs jusqu'au plafond.
  Anicé met machinalement son plateau sur le sommet de sa tête pour faire bouclier, et jette des bouts de macaronis de sa main libre l'autre.
  Je poursuit ma participation à la bataille que j'ai provoquée, jusqu'à ce que les torrents de macaronis se fassent remplacer de gros fruits bien mûrs.
  Je me réfugie sous la table la plus proche, évitant de justesse un abricot juteux qui s'écrase contre la vitre derrière moi. Je m'assois prudemment pour ne pas écraser un bout de pâte gluant, et j'aperçois une silhouette à mes côtés. Je ne tarde pas à reconnaître les beaux yeux vers de Conor, et nous nous mettons tous deux à rire du ridicule de la situation :
  -Moi c'est Conor, et toi c'est Amanda, non ?
  -Amy !
  -Je suis vraiment désolé, je ne voulais pas que tu tombes...
  Je baisse la tête sans vraiment savoir quoi répondre.
  -Je suis sérieux ! Et au fait, pour ton inscription, je faisais partie de ceux qui ont été sacrément impressionnés par ta prestation. Le jury était favorables à ton inscription, mais Marine nous a monté la tête et..
  -T'inquiète, c'est pas grave.
  Je préfère encore une fois le stopper net, je me fiche de leur débat. Les résultats sont là.
  -Ouais.. C'est juste bizarre que tu acceptes aussi bien ta défaite, tu as peut-être l'habitude de ne pas être choisie, mais...
  -Alors là, je t'arrêtes tout de suite, j'ai toujours été la meilleure, et ce où que j'aille. C'est juste que je suis perdue ici, et c'est déjà pas facile de faire bonne figure...
  Je m'en veux déjà d'avoir lever la voix sur lui.
  -Tu me laisses finir ?
  Il me regarde avec un regard si doux et intense que je ne peux m'empêcher de ne répondre que par un hochement de tête frénétique, avant de le laisser finir :
  -Si tu avais l'habitude de ne pas être choisie, alors moi je t'ai trouvée excellente. Et c'est d'ailleurs pour ça que j'ai demandé aux autres de te prendre directement comme doublure pour le spectacle de fin d'année, puisque tu m'as dit que tu voulais passer les prochaines auditions tout à l'heure. Alors quand ils ont dit oui, j'ai voulu me lever pour aller te le dire, et puis tu es tombée...
  Je me trouve bête, tout à coup, d'avoir commencé cette guerre de nourriture pour une action finalement bienveillante.
  -Oh, Conor, je suis désolée de m'être emportée et.. Mais attend, quoi ? Tu veux dire qu'ils m'ont choisie ? Sans audition préalable !
  Après un instant de silence pour me laisser reprendre mes esprits, Conor m'adresse un chaleureux sourire et me tend une main amicale :
  -Sans rancune ?
  Je lui rend son sourire et Finir finit par me demander :
  -Mais alors tu n'es jamais venue à Los Angeles ? Ça te dirait de sortir dans Hollywood cet après-midi ? Anicé peut nous accompagner si tu veux...
  -Laisse moi deviner, tu veux nous montrer ton étoile sur Hollywood Boulevard ?

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⏰ Last updated: Apr 22, 2018 ⏰

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