24. T'es vraiment comme les autres

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Jin et moi ? On ne traîne pas ensemble. On se rencontre parfois. Par intervalles. Des moments, qui passent rapidement. Un regard du coin de l'oeil. Un frôlement de plus. Rien de plus ; aucun signe de la tête indiquant à l'autre qu'on le reconnaît. On ne se connaît pas, mais on comprend qu'on existe tous les deux.

C'est rassurant, de savoir que j'existe dans la vision de Jin, même si ce n'est que d'un regard du coin de l'œil.

Et parfois, c'est comme si le destin semble déterminé à nous réunir ; on se croise dans les couloirs plusieurs fois dans la même journée. On sourit parfois, sans toutefois montrer qu'on sourit à l'autre. Je pourrais vous dire que c'est parce qu'on se cherche sans se trouver, ou qu'on cherche à flirter ; mais au fond, je crois qu'on est des adolescents un peu désespérés qui cherchent à s'amuser.

Je ne viens plus à la salle de musique. Je rester traîner près de la terrasse, ou j'erre un peu partout dans le lycée. Je ne cherche la compagnie de personne ; je préfère être seule. Je n'ai plus le courage de prétendre.

Quand la solitude m'agrippe si fort qu'il me semble qu'elle laissera des traces pourtant, je décide d'aller rendre visite au piano de la salle de musique abandonnée ; il faudra que je lui trouve un nom, à cette salle. Plus tard, peut-être. Quand elle ne me rappellera pas autant de mauvais souvenirs.

J'y vais tout de même de temps en temps ; parfois parce que je suis seule, mais surtout parce que même si certains souvenirs me font mal, je ne veux pas oublier les bons. Ceux qui me faisaient rire et sourire. Ceux où toi et moi n'étions pas des étrangers. Ceux qui m'aident à tenir bon, ceux qui m'aident à ne pas m'écrouler ; je ne suis pas assez forte pour abandonner ce genre de souvenirs en cours de route.

Aujourd'hui, j'y suis allée. Aujourd'hui, tu étais là.

''Oh, tu me fais l'honneur de ta présence, aujourd'hui ?'' Je m'arrête à l'entrebâillement de la porte et m'adosse à celle-ci, en te toisant.

''T'es chiante, commence pas.'' Tu réponds, le ton ennuyé.

''Dis-le, dis-le, que tu m'apprécies pas, alors.'' Un sourire dérisoire se peint sur mes lèvres. ''Tu prétends m'apprécier, mais j'en ai pas l'impression.''

''Bordel, commence pas.''

''Non, toi, commence pas, Min Yoongi ! J'veux juste pas te parler. Pas pour l'instant. Un autre jour peut-être. Là, c'est trop difficile.''

''Elle a disparu, cette brune qui vient chaque jour à la salle de musique ? Celle qui m'accompagne avant chaque audition ? Celle qui m'accompagne au piano ?''

''Rien n'est éternel, Yoongi. Si tu l'appréciais tellement, t'aurais dû lui montrer. Pas la traiter comme une gamine qu'on ignore constamment alors qu'on comprend qu'elle est en manque d'attention. Elle t'a attendu, et puis elle a fini par s'en aller.''

Tu me jettes un regard glacial. J'ai l'impression d'avoir commis une erreur, mais je m'efforce de supprimer cette sensation d'échec. Ce n'est pas de ma faute, si je te déçois. Tu m'as déçue aussi, tu sais.

''T'es vraiment comme les autres, pas vrai ? Je ne t'ai jamais rien promis, mais tu me fais comprendre que je t'ai déçu. Je n'ai rien à t'offrir, d'accord ? Rien de plus que ça, tout ça.'' Tu étends les bras et me montre la salle de musique. ''Et si cela ne te suffit pas, et bien, va te faire foutre.'' L'écho brutal de tes paroles est encore nouveau pour moi, mais il ne fait qu'attiser ma colère aujourd'hui.

''Toi, va te faire foutre, Min Yoongi ! Tu vas prétendre que tu m'as offert, ça, tout ça, lors de ces deux dernières semaines ?'' Je désigne à mon tour la salle de musique, en lâchant un rire sarcastique qui laisse transparaître ma colère. ''Dis-le tout de suite, si je te suffis pas ! Mais toi aussi, t'agis comme tout le monde envers moi. T'agis comme si j'étais qu'un personnage de second plan. Comme si je passais après tout. T'aurais pu laisser un mot. Je ne suis pas que cette fille gentille et compréhensive qui attend en arrière-plan que la scène se déroule.''

''T'aurais peut-être dû me faire comprendre ça autrement qu'en me suivant partout comme un toutou.'' Tu lâches d'un ton dédaigneux. Un petit rire s'échappe de mes lèvres, un rire qui montre que je ne comprends pas comment tu as pu te comporter aussi lâchement. Je sens les larmes monter, lentement, lentement, je sens l'océan m'emmener loin, tandis que mon cœur se serre.

''T'as pas osé, non, non, t'as pas osé, Min Yoongi.'' Je ne pleure pas. Je te regarde, les larmes aux bords des yeux, la gorge serrée, avec ce même rire incrédule qui accompagne toujours mes mots.

''Tu sais quoi, va te faire foutre.'' Je te regarde, et ma voix tremblante gagne de l'assurance. Je suis consumée par la haine.

''Tu te crois supérieur, pas vrai ? Avec tes sons et ton foutu piano ? Tu te vois pas trembler à chaque fois que l'audition s'apprête à commencer ? T'es presque en train de te pisser dessus à chaque fois qu'un juge te regarde. T'étais bien heureux de me voir à ces moments-là, pourtant.'' Respire ; c'est la dernière fois, je me le promets. Après, tout sera plus facile. Après, je n'aurais plus à être forte. ''Tu mérites rien, Min Yoongi. T'es qu'un connard égoïste : je sais pas ce que j'ai pu te trouver.''

On se regarde dans les blancs des yeux, mais cette fois-ci, les étoiles se sont éteintes. Tu n'es plus qu'un pitoyable connard qui n'a que su me détruire, parce qu'il ne savait pas s'y prendre.

''C'est bon ? Je peux m'en aller, maintenant ?''

Cette fois, c'est toi qui me tourne le dos, Min Yoongi, avant de t'en aller. Je te regarde partir. Je n'esquisse pas un seul mouvement pour te rattraper : l'idée ne me traverse même pas l'esprit.

J'aurais tout fait pour toi, Min Yoongi ; mais il me semble, qu'aujourd'hui, tu as dépassé les limites. Tu as brisé quelque chose que je ne saurai réparer.

Triomphe - Min YoongiDove le storie prendono vita. Scoprilo ora