Bertie B. Brown me regarde, avant de replonger son œil pénible sur mon pass piscine. C'est pas comme si elle me connaissait depuis que j'ai 8 ans, la vieille peau ! Non, attention, c'est vraiment d'une importance capitale qu'elle vérifie scrupuleusement à chacun de mes passages, une fois par semaine!, que je n'ai pas fais faire un faux. Comme si des gens s'amusaient à faire des pass falsifiés pour la piscine municipale..
En même temps, avec un prénom pareil, y'a de quoi être ravagée.
Elle fait glisser le pass sur la borne, et me le tend avec l'énergie d'un teckel obèse. Ce à quoi, elle se réincarnera sûrement. L'image de la tête de Bertie B. Brown installée confortablement sur les bourrelets poilus de son futur corps de chien me remonte quelque peu le moral. Je récupère mon pass, lui offrant un horrible sourire crispé, qui se veut désagréable, et me dirige vers les vestiaires.
Après la journée que je viens de passer, elle devrait s'estimer heureuse que je ne lui ai pas fait avaler mon bonnet de bain.
Je me déshabille, enfile mon maillot deux pièces aux marguerites délavées imprimées, et tente bien difficilement de plonger ma tête dans le-dit objet de torture.
Quelle merde ce truc ! Je m'y reprends à cinq reprises avant de réussir approximativement à bourrer ma chevelure noire fourchue dans le plastic irritant. Le résultat est plutôt catastrophique : alors, de 1, comme tout le monde, avec ce truc, j'ai une tête de bite. De 2, comme je me suis très mal débrouillée, de l'air est resté coincé sur le dessus, je suis plutôt sûre que quand je vais vouloir mettre la tête sous l'eau, je vais rester à la surface avec cette bouée DIY. Et de 3, c'est tellement tiré que j'ai l'impression de sortir d'un lifting.
S'il y a bien un endroit où je ne risque pas de trouver le "grand amour", c'est bien à la piscine municipale de Crosby, Dakota du Nord. C'est déjà difficile de trouver un mec potable à Crosby, alors avec un bonnet de bain.. Qui est sexy avec ça de toutes manières ? Je suis sûre que même Bradley Cooper est ignoble quand il en porte un.
Enfin, ceci dit, il ne doit pas en porter souvent. Voir carrément jamais. Lui, il a sa propre piscine, et il a pas besoin de se coltiner madame Bertie B. Brown pour pouvoir y aller.
Je sors de ma cabine, et me dirige vers les bassins. Bien sûr, juste avant, il faut passer par les douches obligatoires et le pédiluve. Ça aussi, c'est ignoble. Bon, peut-être pas autant que le régime de Kim Jong Un, m'enfin, c'est dans le top 10.
Je passe rapidement, sur la pointe des pieds, la flaque aux mycoses, et j'esquive difficilement les jets des douches. Comme d'habitude, avec l'habileté que j'ai, ma serviette est aussi mouillé que moi.
Je soupire intérieurement, et vais la poser dans un coin.
L'odeur du chlore me pique les narines. Hum ! Comme j'ai hâte d'aller me baigner dans cette eau si peu chimique!
Bon, d'accord, là je suis chiante. Si j'avais pas envie de venir.. ben j'avais qu'à pas y'aller, comme on dit.
Mais c'est pas la faute de la piscine, si je suis dans cet état.. (ce qui serait un peu bizarre, je vous l'accorde).
Non, c'est à cause de pas mal de monde :
1. Ma mère.
Il faut savoir que ma mère est toujours le numéro 1 de cette liste, quoi qu'il arrive, tous les jours de ma vie. Blabla par ci "tu es trop grosse", blabla par là "tu as mauvaise mine", blabla "tu t'habilles mal", bloubloublou "tes cheveux sont crépus"... bliblibli "tu cuisines mal"... Enfin, je pourrais continuer des heures comme ça.
2. Bigmac, mon chat.
Ce sale ingrat a gracieusement fait sa crotte sur mon couvre-lit cette nuit. Se réveiller avec une odeur infecte comme celle-ci, je peux vous dire que ça pourrait mettre en rogne n'importe qui. Même Donald Trump ! Ah, non, j'oubliais, ça c'est facile (un peu comme cette vanne d'ailleurs).
3. Ferdinand, mon associé.
Enfin, ex-associé. Parce que ce boulet viens de faire couler notre boîte tout juste débarquée sur le marché de la croquette pour chat.
4. Ma sœur.
Bon, elle, elle le fait pas exprès. Mais c'est pas juste qu'elle soit si brillante et moi si ratée. Oui, c'est pas juste! Moi aussi je veux avoir des beaux cheveux blonds, des cours de commerce et un fiancé top-model.
M'enfin voilà, au lieu de ça, je suis à la piscine municipale, vivant une vie aussi trépidante que Bertie B. Brown, voir pire, puisqu'elle au moins elle a un travail.
Je marche le long de la piscine, peu attentive, prête à descendre dans l'eau, qui, je le sais d'avance, sera beaucoup trop froide. Je vais rester bloquée sur l'échelle, le ventre rentré, le visage crispé et les poils hérissé, devant le regard amusé de ces fucking maîtres nageurs.
Mais la réalité me devance, et devient bien pire encore. Comme si à chaque fois que je pense que ma journée ne peut pas être pire, elle me prend au défi.
Parce qu'au lieu de m'agripper bien ridiculement à l'échelle pour descendre faire mon sport de la semaine, je me vautre.
Oui, spectaculairement.
Je glisse sur le bord de la piscine, et fait presque un backflip (enfin dans mes rêves, pour essayer de me dire que ce n'était pas si risible). J'atterris crâne contre dalle les yeux grands ouverts, les joues décidément en feu. J'ai l'impression que mon coccyx vient de se fissurer en deux. Pitié, pitié, tout mais pas ça. Un oreiller collé au cul pendant des mois, avec ma mère dans les parages, laissez moi mourir.
J'attends quelques instants, histoire de tester la charité de ce bas monde (je sais de quoi je parle, mon visage est face contre terre).
Mais, une fois de plus, le destin se fout allègrement de moi. Personne. Personne ne vient m'aider.
Aussi, avec la grâce d'une baleine échouée, je me relève, essayant de garder le peu fierté que j'ai encore. A mon soulagement, je sens que mon arrière-train n'est pas si mal en point. Je regarde vite fait, pour voir si on m'a vu effectuer cette manœuvre délicate, mais oui, à priori, tout le monde l'a vu.
J'ai envie de me terrer au fond d'un trou.
Je relève la tête, orgueilleuse, et prends mon courage à deux mains sous les regards amusés. Si vous saviez comme je vous emmerde bande de vieux chnoques..
Je m'apprête enfin à prendre cette maudite échelle lorsque je le vois.
Ça me fait comme un espèce de flash.
Il se tient à l'autre bout du bassin.
Tout ce que je comprends, à ce moment là, c'est que c'est celui qu'il me faut. C'est un grand brun.
Et si moi je ne peux pas avoir la vie parfaite, je ferai en sorte que lui, l'ai.
Je ne t'ai pas encore donné de nom, de date de naissance, de famille, mais je te préviens direct : tu n'es pas là pour rigoler. Ton rôle : me faire passer dans ta vie, parce que la mienne, elle est bien pourrie.
Et chose peu commune : c'est moi qui décide.
De TOUT.
Et si j'ai envie de créer le sosie de Bertie B. Brown pour la trancher en morceaux, je peux. Compris ?
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Vague ment à mer
Short StoryNouvelles écrites sans lien très éclaircit.. Peut-être y-a-t-il une morale ?