Cassette n°3

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   Quand j'avais découvert cette fameuse photo, je n'avais rien fait. Je n'avais rien dit, je ne n'avais pas pris cela au sérieux.

   Mais je n'avais rien fait pour Thomas non plus.

« Tu aimes les films d'action ? Moi, pas particulièrement. Mais y'a certains trucs dans ces films que j'adore. Notamment ceux avec des bombes. Ce n'est pas les bombes qui me fascinent, sinon je me serais débrouillé pour me faire exploser en plein milieu du couloir de Liberty. Non, ce n'est pas de la fascination, à proprement parler. C'est plus de l'admiration.

   J'admire ce qu'une bombe peut provoquer. Elle explose et tout part en morceaux. Plus tu te trouves près et plus tu es touché. Peut-être qu'on peut comparer ma mort à une explosion. Je suis la bombe. Toi, t'étais à quelle distance quand t'as été touché ? »

   Je marche vers le lycée. Mes écouteurs dans les oreilles, je fais abstraction du monde qui m'entoure. Et pourtant j'ai l'impression de tout voir. C'est peut-être le fait d'écouter les paroles d'une personne que je ne pourrais plus jamais revoir, qui me fait ça. Peut-être.

   Je vois sur un palier, une mère qui dit au revoir à sa fille. Elle doit être en primaire. Petite fille qui ne se rend pas encore compte des épreuves qu'elle devra endurer dans sa vie. Les oiseaux chantent toujours mais je les vois plus que je ne les entends. Les voitures qui passent sont plus nombreuses le matin que le reste de la journée. La magie du travail fait qu'on sait souvent quand on commence mais qu'on ne sait que très peu quand on peut rentrer. Si on rentre un jour.

   Je continue à marcher en me disant que ça va être une longue journée. Et quand j'arrive à Liberty, et que je vois tous ces ados qui portent sans doute tous des masques, je me dis que ma journée sera vraiment très longue.

« Ce qui est encore plus admiratif dans une bombe, c'est le temps avant l'explosion. Quand les protagonistes savent déjà que ça va exploser, que le temps leur est compté. Que faire ? S'enfuir au plus vite en espérant y échapper ? Essayer de la désamorcer ? Nier, faire comme si qu'elle n'existait pas ?

Ou alors attendre ? »

   Je m'arrête à l'entrée. Un stand a été mis en place. Derrière la table, les élèves travaillant à la maison de l'étudiant. Et donc qui dit association des élèves, dit forcément Sonya Campbell.

« Hé, Newton ! Je suis contente de te voir.

-Y'a quoi ici ?

-On prévoit des rendez-vous, pour tous ceux qui ne veulent parler ni à leur famille, ni à leurs amis et encore moins à des adultes. »

   Je regarde les flyers qui jonchent la table. On y voit des ombres, des couleurs sombres, des phrases comme « Y'a plus d'espoir » ou autres trucs de ce genre-là. Je la regarde et lui lance :

« Parce que tu crois que quand on a envie de parler, on prend rendez-vous ?

-Oh, mais... »

   Je ne la laisse pas continuer et pars. Elle me rattrape et je me retrouve obligé de l'écouter :

« Newton, je sais que c'est dur pour toi et... Je ne savais pas que tu étais autant ami avec Thomas.

-Y'a beaucoup de choses qu'on ne peut pas toujours savoir. »

   Elle essaye de me parler à nouveau mais cette fois je m'en vais sans lui laisser une petite chance de s'expliquer. Ce n'est pas avec des papiers qu'on règle les problèmes des gens, ça se saurait depuis longtemps sinon.

*

   J'ouvre la porte de mon casier et prends les livres dont j'ai besoin. Plus loin, je vois Rachel qui m'observe. Elle m'interroge du regard et j'hoche la tête pour la rassurer. Elle s'en va alors.

11 Raisons pour laquelle  [Newtmas]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant