Chapitre 2

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POINT DE VUE EREN.

Le silence régnait en maître dans la voiture alors que nous nous dirigions vers une destination qui m'était encore inconnue.

Calme, lourd, malaisant*...

Ce silence qu'on s'imposait mutuellement, et qui ne laissait ouïr plus que le ronronnement constant du moteur de la bagnole, se révélait à la fois réconfortant et dérangeant. L'obscurité de la nuit, parfois compromise par l'éclat de certains lampadaires, raffermissait cette ambiance accablante, cette tension palpable qui ne faisait que raffermir mon mal-être. Ma respiration ayant néanmoins fini par se régulariser au fil du temps, bien que certains tracés de larmes épuisées demeuraient distinguables sur mes pommettes empourprées, longeant mon visage telles des rivières asséchées.

La fraicheur de la glace submergea ma tempe dès l'instant où ma tête rencontra la fenêtre du véhicule, la charge incommensurable de l'humiliation persistant à me ronger l'âme, émiettant impudemment ce qui me restait de dignité. Quand mon attention s'hasarda sur divers passants qui flânaient inconsciemment dans les rues de la ville, une vision vis-à-vis laquelle j'eus de la difficulté à déglutir convenablement. Un poids lourd s'insufflant par l'intermédiaire de mon œsophage, n'omettant aucunement de faire resurgir les souvenirs de cette poigne abusée contre ma gorge, de ces doigts gras comme de ces ongles acérés qui n'eurent possiblement guère failli à graver ma peau au fer rouge. Divers hématomes ayant sans le moindre doute d'ores et déjà commencé à jaillir sur celle-ci, peignant mon épiderme d'une multitude de couleurs violacées qui par leur présence en elles seules suffiraient à m'illustrer l'ampleur des dégâts. Une ébauche qui parvint sans nulle difficulté à rembrunir mon regard déjà bien assombri par la mémoire de toutes ces atrocités alors que des tremblements persistaient à tirailler mon corps sans que je ne puisse y remédier.

Eh bien qu'il n'eut suffi davantage de temps avant que j'eusse senti Levi me prendre la main, tentant possiblement de me réconforter sous l'emprise de l'inquiétude qui devait incontestablement le ronger, ses prunelles grises cherchant à croiser les miennes vertes-bleutées. Pas la moindre parcelle d'hésitation ne m'entrava la route lorsque j'eus entrepris de rompre le contact de nos doigts d'un geste nonchalant. Des larmes menaçant nouvellement de parer la barrière de mes yeux sans pour autant qu'elles ne daignent se déverser sur mes joues, ce terrible sentiment de pitoyabilité m'incitant à ravaler mes sanglots avec une peine insoutenable. Ne sachant simultanément pas ce qui m'insupportait le plus : voir les gens persistés à déambuler dans les rues en toute assurance après l'horreur à laquelle je venais d'être confronté, ou sentir le regard affligé du noiraud posé sur moi, accentuant par ce fait ma culpabilité en dépit de cet inconfort intenable.

∞∞∞∞∞∞∞∞

Un peu plus de dix minutes se fut encore écoulé avant que le retentissement des pneus circulant soudainement sur ce qui me parut comme étant un sentier de gravelle ne s'émisse dans mes oreilles. Une petite maison plus ou moins délabrée, et dont la verdure abondante dévoilait aisément son ancienneté surgit dans mon champ de vision. Le paysage persistant à défiler sous mes yeux ternis par la désillusion, jusqu'à ce que le conducteur n'opte finalement à stopper la voiture, éteignant le moteur d'un geste habile, ce qui provoqua la répercussion de plusieurs éclats métalliques se rattachant à la fonte d'une multitude de clefs qui s'entrechoquaient dorénavant les unes aux autres. La sonorité des vêtements se frictionnant abruptement à l'imitation de cuir qui recouvrait les sièges m'incitant à croire que le châtain venait de se retourner dans notre direction. Un pressentiment qui fut fondé lorsque j'eus senti le regard avisé de ce dernier voyager de ma personne à celle de Levi, nous dévisageant tour à tour sans pour autant que je ne daigne lui prêter la moindre attention. Celle-ci étant momentanément focalisée sur un seul et même point pourtant superficiel, si ce n'est même existant. Un voile compact obscurcissant mes iris teintées de vert, mais également bourrées d'une intense révulsion. Quand la rouquine, qui résidait pour sa part sur le second siège avant, déboucla subitement sa ceinture de sécurité, émettant par ce fait une sonorité qui parvint aussitôt à me pétrifier, les pulsations de mon cœur s'intensifiant davantage sous l'effroyable soubresaut que m'eut procuré cet écho. Un écho ne cessant dorénavant plus de se réitérer dans mon esprit, faisant ainsi ressurgir chacune de mes insécurités et renforçant également ces sensations répugnantes dont était désormais imprégnée ma peau. L'air cessant brusquement de s'infiltrer dans mes poumons aux seuls souvenirs de ce parterre gelé éraflant mes cuisses mises à nues, de cette puissance exercée sur mon corps comme du touché de ces mains effroyablement baladeuses. Des pensées qui ne tardèrent pas le moins du monde avant de m'engendrer une chair de poule des plus insupportables tandis que mes muscles se contractaient sous l'agitation, redoublant leurs spasmes incontrôlés.

Aussi gracieux que mystérieux, mais terriblement orgueilleux [TOME 2] - EN PAUSEWhere stories live. Discover now