Niveau 3 (2/2)

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Avec un soupir, Dilan pose un pied à terre. Par où commencer ? Elisa doit tout savoir de leurs intentions. Il ne se montrera pas si facilement. Ou alors, il profitera de l'occasion pour se débarrasser d'eux. Dilan préfère ne pas penser à cette seconde hypothèse.

Il avance sans savoir où aller. Seul, les couloirs de l'hôpital lui paraissent bien plus sinistres qu'auparavant. Il n'avait pas remarqué à quel point les murs étaient humides. Cet endroit n'est pas dans un état si éloigné de celui de l'école primaire. Mais pourquoi ? Pourquoi ce monde est-il ainsi ? Elisa méprise donc la vie à ce point ?

Dilan secoue la tête. Ce n'est pas le moment de s'interroger sur Elisa. Cela viendra après - en dernier recours.

Le sol paraît s'accrocher à ses semelles à chaque mètre parcouru. Dilan ne peut s'empêcher de grimacer. Tout en marchant, il ne cesse de jeter des regards nerveux autour de lui. On l'observe, il le sait.


« Où est-ce que tu es ? »


Il s'arrête. Comme pour lui répondre, un petit bruit métallique retentit dans le couloir vide. Il se retourne, le cœur prêt à exploser. Le son vient de derrière lui. De la pièce qu'il vient de dépasser.

Lentement, Dilan s'en approche et pose la main sur la poignée. Il ne l'avait pas remarqué, mais cette porte ne ressemble pas aux autres. On la dirait venue d'une habitation personnelle et non d'un hôpital. Va-t-elle le mener ailleurs, comme ce passage de la nuit dernière ? S'il veut attirer Elisa, il n'a pas trop le choix. Il déglutit. Les lèvres pincées, les muscles tendus, il ouvre la porte.

Contre toute attente, la pièce est emplie de lumière artificielle. Dilan, ne remarquant pas l'absence d'éclairage, ne se demande pas d'où elle provient. Son regard se dirige instinctivement vers le mur du fond. Un miroir de taille humaine, dans lequel ne se reflète que le néant qui règne ici, y est accroché. Rien d'autre. Il cligne des yeux, mal à l'aise. Qu'est-ce que c'est que cette pièce ?

Il fait un pas à l'intérieur. Le sol lui paraît particulièrement gluant mais, en baissant les yeux, Dilan n'y remarque rien de particulier. Le linoléum qui le recouvre est la chose la plus propre qu'il ait vue ces trois dernières nuits. Il relève la tête avec appréhension. Le reflet n'a pas changé. Dilan fait un pas supplémentaire vers celui-ci mais, au moment-même où son pied touche le sol, sursaute. Il vient d'écraser quelque chose.

Il recule d'un pas et plisse les yeux. Rien. Ce doit être coincé sous sa semelle. Il se penche et, du bout des doigts, finit par trouver un petit objet dur qu'il s'empresse de tirer de là. Une lame de rasoir. Encore un peu, et elle aurait atteint son pied. Manquerait plus que ça.

Il se redresse, la lame bicolore sous les yeux. Il n'est pas blessé ; pourtant, il s'agit bien de sang. À qui appartient-il alors ? Ils ne sont que deux dans ce monde, et Amandine l'attend sur le toit. Elisa, peut-être ? Il s'agirait d'un autre souvenir ?

Dilan déglutit, mal à l'aise. Quel genre de vie a-t-il bien pu mener ? Ce monde dans lequel il les a jetés ne traduit que rancœur et mépris. Est-ce réellement tout ce qu'il est capable de ressentir ? Quelle vie...

Il ferme les yeux un instant sans parvenir à dissiper son malaise. Est-il si différent d'Elisa ? Sans être teintée de haine comme la sienne, son existence est d'une monotonie affligeante. Il n'a jamais aimé. N'a jamais trouvé sa vocation et encore moins l'envie de le faire. Contrairement à Amandine, il n'a aucune raison de sortir d'ici. Rien ni personne ne l'attend à l'extérieur. Si jamais il venait à disparaître, ses parents en seraient les derniers informés.

Il fronce les sourcils. Pourquoi penser à eux maintenant ? Voir leur visage apparaître sous ses paupières closes suffit à le mettre hors de lui, et une telle émotion ne le mènera à rien. Ce sont eux qui l'ont rendu ainsi ! Comment a-t-il pu espérer grandir heureux dans une famille pareille ? Il n'a pas eu besoin d'être un génie pour comprendre qu'ils ne s'aimaient pas. Il n'arrive même pas à les imaginer sourire. Pourquoi auraient-ils voulu un enfant ? Bien sûr qu'il n'était pas désiré. Ça non plus, il n'a pas mis longtemps à le deviner.

Jettatura [TERMINÉE]Where stories live. Discover now