Chapitre 19

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— Et pourquoi tu as fait ça, t'être enfuie ? me demande Emy.

A l'autre bout du fil, je souffle un grand coup. J'aimerai savoir ce qu'il m'a pris, mais je suis incapable de mettre le doigt sur ce qui m'a poussé à avoir une telle réaction. Je n'arrive pas à décider comment j'aurai pu réagir autrement. Aurai-je du le laisser faire, même si je ne trouvais pas ça normal ?

Je dois admettre ce que j'ai fait, mais c'est compliqué. En fait, je suis partagée. J'avoue avoir eu envie que Kendel m'embrasse ; après tout, si je ne le voulais pas, je l'aurais repoussé, non ? Mes yeux s'emplissent de larmes au souvenir du visage dévasté de Kendel.

Je l'ai fait souffrir.

— Hé, toujours ici ? me tire alors Emy de ma réflexion.

— Hum... Oui, oui ! Désolée, je réfléchissais...

Je baisse le regard vers mes chaussures, honteuse.

— A quoi ? Tu n'as pas répondu à ma question, appuie-t-elle.

Je revois alors le visage de Kendel. Je me souvins de lui la première fois où je l'ai vu. Il était en colère. Je n'ai jamais su pourquoi d'ailleurs. Il était vêtu d'un long tee-shirt noir, de baskets noires et d'un jean, je crois. Il porte toujours des jeans, c'est comme ça qu'il est. Je me rappelle de la façon dont il s'est passé la main dans ses cheveux châtains. Et ses yeux noisette. C'est ce qui m'a tout de suite attiré chez lui.

A vrai dire, je crois avoir eu un coup de foudre pour lui dès ce jour. Après tout ce temps que l'on avait passé ensemble, je croyais vraiment que c'était ce que je voulais. Mais quelque chose me reste en travers de la gorge : aujourd'hui, j'ai à nouveau envie qu'il pose ses lèvres sur les miennes. Ai-je eu peur car nous étions chez lui, dans sa maison, à l'endroit même où son frère – qui se trouve au passage être mon ex – habite ici avec lui ? Ai-je eu peur pour la réaction d'Holder alors que je n'en ai plus rien à faire de lui ? Il m'a brisé, fait énormément souffrir, pourtant, je ne peux m'empêcher de m'imaginer quelle réaction il aurait bien pu avoir ?

Je suis ridicule. Comme si lui c'était préoccupé de ça lorsqu'il a embrassé Heather. Plus d'une fois, d'ailleurs.

Je devrais certainement dire tout ça à Kendel, que je regrette, que je ne comprends pas ce qu'il m'a pris. Certainement que je me sentais coupable. C'était le seul type avec lequel je me sentais bien après Holder, et il a fallu que je ne tombe sur autre que son demi-frère. Mais je n'ai pas d'excuses. J'ai fait souffrir Kendel, de la même manière qu'Holder à bien pu le faire avec moi.

— Emy... Je suis un monstre, je chuchote pour conclure.

Je me mords la lèvre. C'est bien cela : je suis un monstre. Je suis devenue la personne que je ne voulais pas être. Je suis devenue comme Holder, je fais souffrir les gens. Je déteste dire que Holder fait souffrir les gens, mais c'est ce qu'il a fait avec moi, et avec Kendel en l'ignorant...

— Mais non, Aud ! Voyons ! Ne pense pas une telle absurdité ! C'est dingue ça, tu penses vraiment cela de toi ? C'est vraiment ton opinion sur toi-même ?

Je secoue la tête.

— Non Emy, je ne le pense pas. Je ne le pense pas car je sais que c'est ce que je suis. Je suis un monstre, voilà tout. Je suis comme Holder.

— Aud, tu n'es pas comme Holder ! elle s'exclame.

— Evidement que si ! Je fais souffrir les gens.

Je l'entends soupirer à l'autre bout du téléphone. A mon avis, elle doit me trouver vraiment stupide d'avoir une opinion si négative sur moi-même. Je ne peux pas l'en blâmer. Après tout, si elle pense ça, elle n'a pas vraiment tort. Avec du recul, je me rends compte que je me fais vraiment passer pour la pire des personnes du monde. Mais en même temps, c'est ce que je ressens.

Au second regard |Terminé|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant