Dystance [Nouvelle version]

Chapitre 3

-Dylan ! Dylan, réveille-toi !

On le secouait. Dylan ouvrit brusquement les yeux, se redressa et saisit son portable. Sept heures quarante-cinq. Il ne savait pas à quoi correspondait le « quarante-cinq », mais il avait compris que l'heure était proche de huit heures et qu'il était en retard. Il poussa un juron et se leva. Il enfila un tee-shirt, un pull, un pantalon avec élastique et se précipita à la cuisine. Il déjeuna rapidement - mais trop lentement au goût de sa mère, qui ne cessa de lui dire « Vite ! Dépêche-toi ! ». Une matinée habituelle, en somme.

Il enfila son manteau sans prendre la peine de le boutonner, mit ses chaussures et se pencha sur ses lacets. Faire une boucle, tourner autour, passer en-dessous et...non. Faire une boucle, une autre boucle, les croiser et...non plus. Les croiser, puis faire une boucle...toujours pas. De rage, à moins que ce ne fût de désespoir, il retira sa chaussure et l'envoya à l'autre bout de la pièce.

-Dylan, mais que fais-tu encore ? Dépêche-toi, tu vas être en retard !

-Je n'arrive pas à faire mes lacets !

Sa mère soupira, ramassa la chaussure et la lui enfila.

-Regarde, je te montre, lui dit-elle en prenant les lacets. Tu croises, tu passes en-dessous, tu serres. Tu fais une boucle, une autre boucle. Tu les croises, tu passes en-dessous et tu serres.

Il prit les lacets de l'autre chaussure, fit une boucle, une autre boucle. Il les croisa, passa en-dessous et serra. Le nœud était mou et ne tenait pas.

-Tu as oublié une étape. Je vais te les faire ce matin, je te remontrerai ce soir.

Découragé, Dylan hocha la tête. Exceptionnellement, sa mère l'emmena au lycée en voiture - il était trop en retard pour prendre le bus.

Il l'embrassa, claqua la portière et courut jusqu'au bâtiment A. Il monta les escaliers quatre à quatre - heureusement que la salle était au premier étage ! - et arriva devant la salle A14. Ils étaient toujours dans le même bâtiment et dans la même salle, c'étaient les enseignants qui se déplaçaient. Dylan avait été soulagé en apprenant la nouvelle - il n'aurait pas à se perdre dans les couloirs. Mais ce matin-là, un petit mot avait été accroché sur la porte. Craignant le pire, Dylan s'approcha.

En raison d'un partiel dans la salle A14, le cours de Mme Enali a lieu dans la salle E12.

Merci de votre compréhension.

La Direction.

Le jeune homme faillit s'effondrer en lisant le message. E12 ? Mais où était le bâtiment E ? Lorsque l'on changeait les habitudes d'un dyspraxique, le résultat était toujours mauvais...

Poussant un profond soupir, Dylan fit demi-tour et quitta le bâtiment A. Il écrivit E12 sur sa main pour ne pas oublier l'information et chercha le bâtiment des yeux. Il détestait ce lycée. Trop grand, trop laid...Trop d'édifices, trop de salles...Trop. Les bâtiments allaient de la lettre A à la lettre P : de quoi réviser l'alphabet pendant un certain temps...

Il chercha, observa. Il passa devant le B, longea le D...et arriva face au H. Il se figea : où était le E ? Il ne l'avait pas vu lorsqu'il avait longé les autres. Il fit demi-tour, repassa devant les édifices. Le G, le F...Où pouvait bien être ce maudit bâtiment E ? Il refit tout le tour, en vain. C'était à croire que le bâtiment E n'existait pas ou qu'il avait disparu. Dylan soupira. Si les bâtiments se mettaient à lui jouer des tours, il ne s'en sortirait pas. Calme. Il devait rester calme. Il repassa devant les bâtiments, une fois, deux fois, trois fois. Le A, le D, le F, le H...Il avait la désagréable impression qu'ils tournaient autour de lui. Ici, le A et le B. Il se retourna et se trouva face au C et au D. A sa gauche, le F et le G. A sa droite, le H et le I. Pas de bâtiment E. Les édifices le toisaient, l'encerclaient et lui barraient le passage. Ils se rapprochaient, se resserraient autour de lui pour le dominer et l'écraser. Dylan suffoquait. Le bâtiment...Il devait trouver le bâtiment...Mais quel bâtiment, déjà ? Il ne se souvenait plus. L'angoisse lui faisait perdre le peu de mémoire qui lui restait.