Deuxième chapitre

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Mai 2184 - Age d'Octave - 43


Il était sept heures du matin quand le bracelet d'Octave ondula, ce à quoi il répondit par un mouvement aléatoire destiné à l'extirper du sommeil.

Sa puce ne constatant aucun retour cognitif propre à l'éveil, son bracelet ondula à nouveau. A demi-conscient, Octave bougea encore au hasard, et son bras effleura celui de sa compagne qui dormait dans le même lit. En une seconde, il retrouva la conscience de qui il était.

Sa femme, d'abord, pratiquait la culpabilisation avec une telle habileté, qu'il se demandait si elle n'en avait pas étudié la théorie. Ses réactions étaient imprévisibles et il fallait déployer des trésors de créativité et d'attentions pour rester en bon termes avec elle. Il ne la comprenait pas, tant ses désirs différaient des siens.

Cet instant entre sommeil et retour à la réalité ne fut pas qu'une mauvaise surprise, car Octave possédait un grade plus grand encore que celui dont ses parents rêvaient pour lui avant sa naissance. Seulement, se souvint-il avec regret, ils n'étaient plus là pour s'enorgueillir de sa réussite.

Il portait un vingt-quatre, ce qui lui assurait l'ascendance sociale sur la quasi-totalité des citoyens qu'il pouvait croiser. A quarante-trois ans et dépourvu de tout talent inné, il devait la performance de son grade à un parcours hors du commun. Un miracle.

Pour autant, cela ne lui suffisait pas. Il avait tant travaillé à accomplir son rêve de grades, qu'il ne pouvait songer à s'arrêter en si bon chemin. Il était drogué à l'ascension sociale, observant à chaque heure les variations de ses points d'admiration.

Insatiable dans son appétit de reconnaissance, il rêvait de connaitre un jour le grand secret d'Oxydria, au grade 35. Un secret auquel pas plus d'une centaine d'individus vivants n'avaient eu accès. Un secret mondial à l'initiative des pères fondateurs, jamais trahi en un siècle d'existence. Ce secret était l'origine de fantasmes variés, excitant l'imagination d'un peuple entier.

Les muscles encore engourdis, Octave resta assis un moment sur le bord de son lit. Une pression sur le bouton de son bracelet métallique en fit jaillir un hologramme tactile semblable à un écran matériel.

Un message de Brian était ouvert.

« Salut Octave, excuse-moi de te réveiller si tôt, mais nous avons à faire. Regarde ce film pendant ton petit-déjeuner. On en discutera ensuite sur le chemin. »

Le ton du message, entre ordre et conseil, était typique de Brian. Octave l'aurait bien envoyé paitre, mais il devait admettre que ses conseils étaient toujours bons à suivre. C'eut été mentir que de déclarer qu'ils n'avaient pas contribué à son succès. Ainsi donc, Brian le réveillait chaque matin à la fin d'un cycle de sommeil, et lui indiquait quoi faire.

Toujours assis sur le rebord de son lit, il ouvrit le menu Ma journée.

« Journée de travail routinière », indiqua-t-il à la machine ; « quelques déplacements à pied ». Il réfléchit avant d'ajouter « Flemme de bouger... Besoin d'un vivifiant. ». Son bracelet afficha le parcours anticipé de sa journée, puis suggéra une séance de running en début d'après-midi, qu'il déclina. Comme toujours.

Le système lui proposa ensuite deux menus de petits déjeuners adaptés à ses besoins, et il sélectionna le moins cher en caloros, l'unité de compte des ressources.

Lorsqu'il se leva, Octave entendit Spionna gémir bruyamment, paniquée par quelque chose dans son sommeil. Il l'observa un instant, hésitant.

« Laisse-la. Elle va te faire perdre ton temps. »

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