Cinquième chapitre

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Août 2184 - Age d'Octave - 43


La faim tenaillait Octave depuis longtemps quand son bracelet s'illumina pour lui rappeler le diner qui figurait à son agenda. Une alerte qu'il reçut avec enthousiasme, tant son estomac vide l'empêchait de se concentrer.

Un message de Brian suivit aussitôt.

« Tu devrais annuler. Il te reste beaucoup de travail pour ce soir. Commande plutôt à manger. »

Agacé par la suggestion, Octave tapa une réponse à toute vitesse.

« J'en peux plus ! »

« Fais une pause et reviens. »

« Tu me fais toujours annuler au dernier moment avec David... Qu'est-ce que tu lui reproches à la fin ? »

Comme à chaque fois qu'il abordait le sujet des motivations de Brian, il n'obtint pas de réponse. Alors Octave se remit à taper.

« Il est le chef de notre parti, tout de même. Ce repas est primordial. J'ai besoin de son soutien pour que tout fonctionne... »

A peine eut il envoyé son message qu'une réponse arriva.

« Je ne suis là que pour te conseiller. Tu es celui qui décides. »

La faim ayant dégradé son humeur, Octave quitta son bureau d'un pas pressé, et se mit en direction de la station d'atubes la plus proche. Il s'engouffra dans la gare sans chercher son chemin. Arrivé au niveau des départs, il tomba sur une vingtaine de longues files d'attente. Chacune menait à des portes coulissantes, dans lesquelles les passagers pénétraient tour à tour.

Octave les doubla tous sans en paraitre le moins du monde désolé. Il se positionna juste en face de la porte la plus proche, et aucun des trente passagers derrière lui n'y trouva à redire. Son grade l'autorisait à passer devant, même si l'usage aurait voulu qu'il attende.

La porte s'ouvrit sur l'intérieur d'une petite boule de verre contenant un seul fauteuil, dans lequel il s'installa. A peine eut il effleuré son accoudoir de son bracelet, qu'un grand hologramme apparut tout autour de lui.

La cellule se referma et se laissa entrainer dans le courant de la tuyauterie, vers la destination que le système connaissait déjà. A demi couché sur son confortable siège, il se trouvait à son endroit favori. Dans une bulle élancée à toute vitesse sous le sol, où personne ne pouvait l'interrompre.

Ayant dix minutes devant lui, il ouvrit le texte que Brian lui avait prévu. Le titre du document était quelque peu encyclopédique : Caloros et forsitins, les deux monnaies du gradisme.

La cellule s'arrêta dès qu'il eut terminé de lire. Elle venait d'avaler les trois cent kilomètres qui le séparaient du quartier touristique de Cherbourg. En plus d'être rapide, l'atube était précis, car il retrouva l'air libre à la station « Cherbourg – Place Napoléon », soit à l'endroit exact où il était censé rencontrer David Lescott.

*

La ville portuaire avait été transformée en complexe touristique géant, comme tout le littoral du Cotentin. A cette latitude, le bord de mer constituait le territoire des professionnels du loisir balnéaire. La Normandie avait beaucoup gagné avec le réchauffement climatique, renommée dans tout l'Oxydria pour son climat tropical.

David, dont l'épaulette arborait un prestigieux 35, attendait debout en appui sur sa légendaire canne, occupé à observer les passants. Lorsque ceux-ci apercevaient son grade, certains inclinaient discrètement la tête en signe de respect, ce à quoi il répondait avec deux coups de canne sur le sol. Par ce biais et selon la programmation de son bracelet, il distribuait quelques points d'admiration d'un simple regard à ces personnes. David appréciait que l'on respecte l'ordre établi.

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