Vingt-septième chapitre

16 4 1
                                    

Juillet 2193 - Aged'Octave - 52


Le commandant Meglio menait une division de cent-cinquante mille hommes. Sa mission consistait à tenir cinquante kilomètres de frontière, au-devant du quartier de Berlin en Europôle.

Par une heure matinale de juillet, il fit convoquer une unité de la légion irlandaise dans une salle de briefing de la grande muraille.

Mettant en scène sa tension habituelle, il faisait les cent pas sur l'estrade, tandis que les militaires s'installaient en silence dans les tribunes. La cadence de ses bottes sur le bois suggérait aux conscrits de ne pas trainer.

Octave choisi un banc au fond, et attendit sur ses gardes que le commandant n'entame sa déclaration. Tout cela lui aurait semblé routinier, si ce n'avait pas été le commandant en personne qui s'était présenté à la piétaille.

Meglio cessa de marcher à la seconde précise du début prévu de réunion, et dévisagea l'ensemble de son auditoire avec sévérité.

― Unité Murat de la légion irlandaise ! On m'a rapporté que le colmatage continuait de poser problème sur votre périmètre. Notre muraille a beau faire quarante mètres de haut, son blindage n'est pas indestructible. Le colmatage immédiat après un raid aérien est primordial, sans quoi elle ressemblera bientôt à un gruyère !

Des murmures contestataires parcoururent les rangs du millier de soldats.

— On dit oui commandant ! rugit-il.

— Oui commandant ! répondirent-ils tous comme un seul homme.

— Ce n'est pas pour vous parler de cela que je suis venu... On est entrés dans une guerre d'usure. Notre muraille mobile a beaucoup reculé, mais elle retient les forces russes depuis six ans. C'est grâce à nous si les bombardiers russes sont encore interceptés avant d'arriver sur l'Angleterre, mais on ne peut plus reculer ! Il faut avancer, et c'est dans cette optique que ce matin, notre état-major nous a donné l'ordre que nous attendions ! Pour la plupart d'entre vous, ce sera un baptême du feu : tous n'en reviendront pas ! Le russe est mon ennemi !

― Le russe est mon ennemi ! répéta machinalement la salle.

Comme les autres, Octave avait prononcé cette phrase sans même y réfléchir, mais dans son esprit, raisonnait plutôt le terrible présage que le commandant avait évoqué : une sortie.

― Je vais maintenant vous passer une holographie. Regardez bien attentivement.

Les lumières s'éteignirent dans la grande pièce et aussitôt, le cri strident d'une femme épouvantée résonna, faisant sursauter la moitié des soldats. Son hologramme apparut au milieu d'une scène de guerre, malmenée par un homme en uniforme russe. Celui-ci l'attrapa par les cheveux pour la trainer sur une route bétonnée, vers l'entrée d'un immeuble délabré. La femme tentait désespérément de se relever à reculons pour échapper à la douleur de la tractation, mais en vain.

Le russe en gros plan se fendait d'un sourire pervers destiné à le rendre détestable. Les images comme les personnages n'étaient probablement pas réels, car pour ce qu'en savait Octave, aucune ville habitée n'était encore tombée aux mains des russes.

Ce genre de scène, faisait partie intégrante de sa routine. La plupart des soldats avaient conscience de leur conditionnement mental à haïr l'ennemi, mais le savoir n'atténuait en rien l'effet du procédé.

― Répétez après moi, fit le commandant lorsque les lumières se rallumèrent. Le mur est mon abri. Le russe est mon ennemi !

Tous répétèrent en cœur, avec plus d'entrain que la première fois.

AlgocratieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant