Les lignes du Temps

4.9K 855 206
                                    

Le génie posa une main à plat sur la poitrine d'Aladdin. Le jeune homme se sentit soudain incroyablement léger, comme libéré d'un poids immense. À peine eut-il conscience de son corps qui tombait et heurtait le sol.

Son esprit était autre part.

Il flottait au milieu d'un néant infini. Tout autour de lui était tendus des fils scintillants, comme des trainés d'étoiles, si fin qu'un souffle semblait pouvoir les briser. Jusqu'à perte de vue, cette étrange voie lactée s'étirait, en haut, en bas, sur les côtés... Toute une galaxie en toile d'araignée.

-Où sommes-nous ? Murmura Aladdin, écrasé par la majesté de l'endroit.

-Nous sommes dans la fabrique même du temps, répondit lae génie, qui venait d'apparaitre à ses côtés.

Sa voix avait abandonné toute prétention, toute ironie et tout cynisme. Aussi puissant qu'il était, il ne pouvait faire face sans frémir au mystère de l'infini.

-Les fils qui se croisent et se mêlent, tout autour de nous, symbolisent les destinés, continua lae génie. Normalement, la tienne ne devrait pas être loin... Ah, qu'est-ce que je disais !

Devant eux un fil s'était mis à briller plus fort, envoyant une lumière nacrée, presque aveuglante, aux alentours. Autour de ce fil s'en nouaient beaucoup, beaucoup d'autres.

-C'est normal ? Souffla Aladdin. Qu'il y ait tant de fils accrochés au mien ?

Lae génie semblait impressionné.

-Ça signifie, petit voleur, que ta destinée va être beaucoup, beaucoup plus importante que je ne l'avais soupçonné. De nombreuses vies vont bifurquer grâce à toi.

-Et ce fils, qui s'enroule autour du mien et ne s'en détache plus jusqu'à... jusqu'à l'infini ?

Lae génie s'autorisa un de ses rares sourires sincères.

-Ça, petit voleur, ça signifie que tu es extrêmement chanceux. Tu comprendras le temps venu... Mais nous ne sommes pas venus là pour prédire l'avenir ! Ce serait d'ailleurs bien compliqué, puisqu'il se modifie sans cesse... Remontons plutôt le passé.

Les longs doigts de lae génie effleurèrent les fils qui s'accrochaient à la ligne de vie d'Aladdin. Il remonta de fil en fil, le voleur sur ses talons vaporeux, avant de s'arrêter.

-Bien, déclara l'être surnaturel. Commençons ici, ça devrait être assez loin.

Iel tendit une main au voleur, qui s'en saisit avec appréhension. À peine l'eut-il touché qu'il se sentit irrésistiblement attiré en avant, comme un plongeon formidable, sans fin et sans commencement.

Et puis, soudain, il était au milieu d'un champ de bataille.

Le ciel était rouge, comme si la terre avait fini par déborder, par ne plus pouvoir contenir tant de sang, par ne plus pouvoir même l'absorber. La terre, d'ailleurs, n'existait plus. Elle était recouverte d'un tapis de chair, un amas de silhouettes fondues les unes dans les autres, de visages tordus, hurlants en silences, des mains crispées, des membres retournés, arrachés, ouverts, ou dressés à l'honneur de quelques divinités tribales assoiffées de mort.

-Je connais cet endroit, murmura lae génie, stupéfait·e.

Aladdin, en tournant la tête de son côté, se rendit compte qu'iel tenait délicatement, entre ses doigts, un fils d'argent. Mais son attention retourna bien vite sur l'horrible scène qui se jouait là, à quelques pas de lui.

Une masse informe, rugissante, une bête énorme, un monstre abominable composé d'une cohorte d'êtres humanoïdes qui se battaient avec une rage propre à retourner les cœurs. Dans la mêlée se trouvaient des humains et des créatures qui leur ressemblaient, juste un peu plus grandes, qui portaient sur la tête deux cornes, et dans le creux des reins une longue queue, semblable à celle d'un chat.

Le Prince, le voleur, et la lampe merveilleuse (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant