Le Bal des porcs

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Aladdin – enfin, le glorieux prince Ali Ababwa – suivit le domestique roux à travers une interminable suite de pièces luxueuses où ne circulaient que quelques domestiques pressés.

-Pourquoi décorer tant de pièces pour ne pas les utiliser ? Songea Aladdin à voix haute.

Joël lui lança un drôle de regard, mais s'abstint de répondre.

-Tu es un prince, imbécile ! Grommela la voix de lae génie. Tu es censé être habitué aux pires gaspillages !

-Mais un seul de ces tableaux mettrait ma famille à l'abri du besoin pour dix ans ! Se lamenta intérieurement Aladdin.

-Parce que tu as une famille, maintenant ? Si tu me dis que Jafar est ton père, je crois qu'on va mal s'entendre, petit gars...

-Pas Jafar ! s'exclama Aladdin à haute voix, faisant sursauter Joël, qui leva un sourcil perplexe.

Aladdin évita soigneusement son regard.

-J'ai une famille adoptive, reprit le voleur en se concentrant pour faire naître dans son esprit des images de Yubaba et des enfants perdus qu'il recueillait.

-C'est étrange, murmura lae génie. Tu as un cœur de pierre et une nature bienveillante... Ah, je vois... Ça doit être à cause du cristal.

-Du cristal ? Répéta le voleur, intrigué.

-Le cristal est le centre de ton être. Comme lui, tu réfléchis la lumière et la disperse autour de toi, même si, comme lui, tu es froid et insensible. Tu ne peux t'empêcher de faire le bien, mais rien ne peut te troubler en retour.

-Mais je ressens des choses, tout de même !

-Bien sûr, les sensations sont la condition du bon fonctionnement d'un organisme. Si tu n'avais jamais peur, jamais mal, ou n'avais aucune empathie, tu mourrais bien vite. Moi je te parle d'émotions, petit gars... Mais tu ne dois pas vraiment savoir ce que c'est, toi.

-Merci, Génie. Tu as un véritable don pour remonter le moral des gens.

L'autre ignora la pique, et Aladdin le sentit se perdre dans un abîme de réflexions.

-Nous y sommes bientôt, prince, déclara soudain Joël, le ramenant brusquement au présent.

-Hein ? Ah, oui, reprit-il en tentant d'adopter un ton de prince. J'espère bien.

-La salle à manger se trouve derrière cette porte, déclara le roux serviteur en désignant deux battants de bois, devant lesquels poireautaient deux gardes impassibles. Souhaitez-vous que je vous annonce, ou préférez-vous qu'un héraut officiel s'en charge ? Peut-être un homme de votre suite ?

-Est-ce vraiment nécessaire ? Répondit Aladdin en essayant d'éviter le regard des gardes (il avait beau porter des habits de luxe, avoir deux dragons sur l'épaule et communiquer par la pensée avec un génie surpuissant, tout une vie de rapine à se cacher de la milice ne s'oubliait pas si facilement).

Joël lui jeta un regard perdu.

-Je veux dire, balbutia le faux prince, que je te permets de m'annoncer, bien sûr, nous n'allons pas aller faire quérir ma suite... qui est une très grande et très princière suite, cela va de soi... mais nous avons déjà assez perdu de temps !

-Si je puis me permettre... hésita Joël en rentrant la tête dans les épaules, par peur de se prendre un coup en échange de son outrecuidance.

Le Prince, le voleur, et la lampe merveilleuse (BxB)Where stories live. Discover now