Chapitre 1. Celle qui s'en allait

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Je regardai les branches de l'arbre plantureux qui avait élu domicile devant ma fenêtre bien avant que je n'existe. Je le trouvais fascinant, de part sa grandeur et par l'épaisseur de son tronc. Il abritait beaucoup de vie, se posant en gardien, de mur pour eux.

Comme nous entre les Murs, il cachait jalousement la vie que bientôt, quelques gamins des rues affamés viendront tuer à coup de pierre pour manger un oiseau ou récolter ses œufs.

Il arrivait parfois que je réussisse à les chasser à temps, essayant d'éviter leur pierre ou leur poing de protestation et désespoir. Mais ça ne suffisait pas toujours ; les oiseaux ne revenaient pas refaire leur nid l'année suivante.

Cela m'attristait, mais comme me répétait souvent mon frère, il y avait des choses beaucoup plus graves. Comme les Titans. Il y avait aussi la corruption des nobles. L'un nous tuait d'un coup, l'autre à petit feu.

Je n'ai jamais compris pourquoi l'homme était un loup pour l'homme, mais il faut croire qu'aucun compromis ne pouvait être fait, quelque soit le monde. C'était ce que mon père disait, quand il rentrait après avoir bu un coup avec quelques soldats de la garnison.

Je soupirai et reportai mon attention sur le livre que je lisais. Un livre interdit, bien sûr.

Mon père les revendait au marché noir contre de nouveaux ouvrages. C'était un professeur bien trop curieux, selon feu ma mère. Mais je le comprenais dans sa soif de découverte.

- Malagan ?

Je posai mon livre et me retournai. Je vis mon frère entrer dans ma chambre. Il referma la porte en bois qui grinça et resta appuyé contre. Je l'observai.

Son visage au menton carré affichait une mine résolue et déterminée. Les sourcils froncés, la gravité de la situation se lisait dans son regard marron.

Une mèche de sa tignasse brune lui tombait sur son grand front. Il portait ses plus beaux vêtements, ceux qu'on ne mettait qu'aux anniversaires et fêtes de quartier.

- Tu es prête ? demanda-t-il doucement en observant mon sac posé sur mon lit.

Je détournai les yeux vers la fenêtre pour observer l'arbre. Je m'étais toujours imaginée passer ma vie à l'observer de ma fenêtre. Pouvoir le voir chaque matin, se faire traverser par les rayons du soleil naissant.

J'eus un petit sourire. Peut-être était-ce la dernière fois que je le voyais. Peut-être était-ce la dernière fois de plein de choses. Mais la décision avait été prise. Je me tournai vers mon aîné qui attendait patiemment ma réponse.

- Je suis prête.

Ma voix était sûre, sans appel. J'étais prête depuis toujours. Depuis le jour où les titans avaient envahit le Mur Maria. Je fermai les yeux. J'entendais encore les hurlements déchirants qui provenaient de l'autre côté du mur.

Je sentais encore le tremblement de la terre dans ma chair et l'effroi qui s'était insinué comme un courant d'air dans les ruelles. Moi qui voulais tellement voir au-dessus des Murs, j'avais pu voir la brèche qui avait détruit mon monde et emporté beaucoup de nos proches.

L'apocalypse devait avoir cet arrière goût amer de titans.

Je me levai et jetai mon sac sur mon épaule. Je mis ma lettre bien en évidence sur mon bureau et glissai mon livre dans mon sac.

Mon frère ouvrit la porte de ma chambre et me fit de la place pour me laisser passer. Je regardai une dernière fois la petite pièce vétuste, puis l'arbre par la fenêtre. Je fermai la porte sur une partie de ma vie.

Je suivis mon frère dans les escaliers étroits de la maison bancale et sans un mot, nous rejoignîmes la ruelle déserte.

Il était encore trop tôt pour que les gens sortent. Pas assez tard pour que les soûlards de la veille rentre chez eux. Evitant quelques bouts de verre et des chats qui se courraient après, je rejoignis à grandes enjambées mon frère. Il abordait encore la même mine fermée. J'eus un sourire et lui donnais une tape dans le temps.

« Visez le ciel, Caporal. »Where stories live. Discover now