Chapitre 21 - Partie 1. A l'aube de leurs vies

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Je mis en joue l'homme en face de moi. Le roi me fixa avec ses grands yeux bleus, me suppliant silencieusement de ne pas tirer. Je regardai le corps qui gisait un peu plus loin. Sans l'ombre d'une hésitation, je tirai.

Quarante-huit heures avant

Ils étaient partis depuis plus deux heures. Si tout se passait bien, ils devaient être sur le chemin du retour avec Richard Tumb. En attendant, j'arpentai les longs couloirs du château, essayant de ne pas cogner mon équipement tridimensionnel partout.

J'avais remis de la crème sur mes jambes après une longue douche et j'avais la sensation de retrouver une démarche normale. J'avais hésité à aller effacer son odeur sur ma peau, mais il valait mieux être présentable. Cela m'avait permis de me remémorer nos échanges en souriant. Cet homme maladroit.

J'aurais aimé passer cinq heures de plus à faire ma fille amoureuse, mais nous avions un coup d'Etat à mener et j'étais pour l'instant, sur la touche. Alors comme tout bon élément mis de côté, j'avais ordonné aux domestiques de m'aider à préparer la pièce la plus insonorisée pour accueillir notre prisonnier. Je leur fis apporter tout un lot d'objets tranchants et je me demandais si j'étais vraiment capable de torturer quelqu'un.

Je m'arrêtai devant une glace. J'avais maigri et mes traits étaient tirés. J'avais encore des hématomes sur la pommette, l'arcade sourcilière et diverses coupures encore bien visibles. Mes yeux brillaient de fatigue et j'eus envie de pleurer. Entrer dans le Bataillon m'avait atteinte aussi moralement que physiquement. Mais j'avais l'impression de voir le bout de ces combats à travers ce coup d'Etat. Je portais ma main à la croix qui pendait sur mon uniforme que j'avais enfin pu revêtir. Même si on devait se cacher, c'était aussi notre symbole, notre emblème.

J'entendis des bruits dans l'entrée. Par réflexe, je me plaquai contre le mur en glissant pour rejoindre l'entrée. Avant que je ne puisse l'atteindre pour voir ce qui s'y déroulait, j'entendis un immense fraquas et des cris qui agitaient la villa.

- Trouvez-les et tuez-les ! Ils doivent tous mourir ! hurla une voix autoritaire.

J'avalai ma salive. Bordel ! Ils avaient réussi à nous trouver. Pas une seule seconde de répit dans ce bas monde ! Je serrai les dents : ils ne pouvaient pas savoir que nous étions là, sauf si on les avait renseignés. Je notais ça dans un coin de ma tête, laissant mon instinct de survie prendre la relève. En priorité, je devais partir au plus vite. Sans attendre, je me ruai vers la fenêtre pour l'ouvrir. J'étais au premier étage et en dessous de moi, il se trouvait des buissons assez gros. Je gonflai les joues, sachant que je ne réussirais pas à me relever si je sautais avec mon état actuel. Je grimpai sur le rebord de la fenêtre en entendant les cris se rapprocher.

Le rebord était épais et en pierre, ce qui me permit de bien me coller contre le mur en avançant. J'ajustai mon équipement tridimensionnel et actionnais le mécanisme en direction du toit. Rapidement, mon entraînement et mes vieux réflexes me permirent d'atteindre le toit sans difficulté. Je sentis une douleur lancinante dans mes jambes quand je me posai souplement sur les tuiles. Serrant les dents, je pris une inspiration pour faire passer les fourmis. Sans attendre, j'attrapai mon fumigène rouge. J'osai espérer sincèrement qu'ils n'étaient pas loin et qu'ils allaient pouvoir faire demi-tour.

Le projectile laissa une fumée rouge qui illumina le ciel. Je regardai la traînée et le ciel étoilé. Mon cœur se serra durant une seconde en pensant à tous ceux qui brillaient là-haut.

- Sur le toit ! hurla quelqu'un en bas.

Prise sur le fait, je courus à l'autre bout du toit en espérant pouvoir arriver avant qu'ils n'utilisent leur matériel tridimensionnel. J'entendais déjà le bruit des câbles déployés et je me précipitai sur le rebord. Sur la pointe des pieds, j'étudiai le vide qui se dessinait en dessous. Levant les yeux à la recherche d'un arbre, je commençai à légèrement paniquer. Je n'avais pas survécu à un putain de Titan pour me retrouver fusillé par une bande d'imbéciles de la Garnison.

« Visez le ciel, Caporal. »Where stories live. Discover now