Rêver de lui

4.1K 326 117
                                    

Petit OS sans prétention ni originalité écrit à trois heures du mat' parce que le Johnlock me brûlait les doigts ;)
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Watson ouvrit lentement les yeux.

Il était dans son lit. Étendu sur le dos.

Son lit immense et froid, dans cette chambre minuscule et glacé, au-dessus de son cabinet.

Il prit garde à ne pas bouger. Ne pas tenter le moindre mouvement, le moindre geste brusque. Il avait l'impression d'être immensément fragile, soudain. S'il se mouvait, ne serait-ce qu'un peu, il se briserait. Tout son contrôle disparaitrait. Et il mettrait des heures à calmer le flot de larmes amères qui corrodaient un peu plus ses joues à chaque crise de chagrin.

Non, il valait mieux suivre la procédure des matins difficiles : respirer, lentement. Attendre que ça passe. Les images. Les sensations. Les sentiments.

Il avait rêvé de lui. Damn, il avait rêvé de lui si fort ! Ce visage, cette silhouette... Oh, mon Dieu... Il avait rêvé qu'il lui revenait, sur un tour de magie. Il avait rêvé qu'ils retrouvaient leurs vies d'avant, une enquête, une filature, Baker Street...

Et Holmes !

Le nom prononcé, même en pensée, suffis à briser sa résistance. Les larmes s'infiltrèrent aussitôt dans chacune des fissures de son armure et suivirent leur voie habituelle, du coin de ses yeux à ses cheveux en désordre, où dansaient déjà quelques traits blancs.

Il avait rêvé de lui. Trois ans après, et il rêvait encore de lui ! Si fort ! Si fort ! Trois ans après, trois ans, et il avait encore si mal de l'avoir perdu ! Savoir que Holmes n'était plus là était un vide dans la trame de l'univers, un gouffre béant, un manque inconcevable.

Et chaque matin, il testait du bout de son cœur les bords de cet abîme, comme un géologue atteste la progression d'une catastrophe naturelle. On lui avait dit que le trou se refermerait. Qu'il ferait son deuil. Qu'il s'en remettrait.

N'importe quoi. Il pouvait s'activer autant qu'il le voulait, et porter tous les masques dont il était capable, chaque matin il constatait que l'abîme avait gagné du terrain. Il grignotait son âme, petit bout par petit bout. Et les choses qui l'entouraient perdait de leur sens.

Watson se redressa.

Il avait rêvé de lui, si fort qu'il pouvait encore se repaître de ses images, évoquer son parfum, chaque expression de son visage, chaque mouvement des mains. Il avait rêvé de lui si fort qu'il en ressentait un mélange abominable de douleur et de bonheur, parce que c'était doux de le revoir, de savoir qu'il ne l'avait pas oublié, que Holmes soit encore là, quelque part, contre son cœur. Mais la douleur, lorsqu'il se rendait compte que c'était tout ce qu'il restait... Dieu, la douleur...

Le docteur se leva, essuya machinalement ses larmes, et entreprit de faire sa toilette matinale, confiant son corps à une routine cent fois répétée. Il ne devait pas traîner. Il avait du travail. Depuis la... la mort de Holmes, il avait fait attention à toujours avoir du travail. À son cabinet, dans la journée. Puis en tant que bénévole, dans les quartiers défavorisés. Il ne voulait pas un instant de libre, pas un instant pour penser, pour s'arrêter, pour oser prendre l'ampleur de la perte, et attester le terrain qu'avalait sa peine en gonflant toutes les nuits.

Toutes les nuits où il rêvait de lui.

Il aurait peut-être dû essayer d'effacer ce songe de sa mémoire. Il était cruel, après tout, car Holmes ne reviendra pas réellement. Mais il était incapable d'en détacher la moindre de ses pensées.

Plus ou moins présentable, il descendit au rez-de-chaussé, où Mme Pattimore, sa logeuse – rien à voir avec cette chère Madame Hudson ! – lui avait, comme tous les matins depuis trois ans, préparé un œuf dur et des toasts brûlés. La constance avec laquelle cette femme faisait brûler la moitié de la nourriture qu'elle essayait de cuire était d'ailleurs pour le docteur une source de fascination inépuisable.

Il allait s'asseoir lorsqu'on frappa à la porte.

Avec un soupir certainement audible depuis la rue, Mme Pattimore alla ouvrir.

Une voix d'homme l'interpela.

Une voix d'homme.

Une voix.

La voix.

La même voix que dans son rêve.

-Ah, Watson ! s'exclama Holmes en surgissant dans la pièce. Heureux de voir que vous êtes réveillé ! La nuit dernière ne vous a pas trop fatigué ? Ce diable de Moran s'est débattu comme... Watson ? Watson, que se passe-t-il ? Pourquoi faites-vous cette tête ? Bon sang, Watson ?!

Pris d'angoisse, le détective se précipita vers son docteur et posa ses mains sur ses épaules.

-Watson ? Dites quelque chose, je vous prie...

-Un rêve... souffla le docteur.

-Un rêve ? Vous avez mal dormi ? Vous vous êtes assoupi dans le cab, sur le chemin du retour, et j'ai pensé qu'il était préférable de vous ramener ici qu'à Baker Str... WATSON !

Une larme avait fleurie sur la joue du docteur, suivis d'une autre, et d'une autre encore. Puis il explosa en sanglots.

-Vous êtes vraiment là... Vous êtes là... balbutia Watson. J'ai cru que c'était un rêve... Ça ne pouvait être qu'un rêve... Vous êtes vraiment revenu... Holmes... Holmes... Holmes...

-Oui, je suis là, répondit le détective avec une tendresse infinie.

Sa main se posa sur la joue du médecin tandis que son pouce caressait sa pommette.

-Je suis de retour, mon cher Watson, je suis là, je suis avec vous, je ne m'éloigne plus...

Au lieu de répondre, Watson le serra contre lui, assez fort pour l'étouffer, et enfouis sa tête dans son cou, faisant disparaître ses larmes dans sa veste froissée. Holmes sentait toujours la même odeur, ce mélange de tabac, de produit chimique, et d'un je-ne-sais-quoi qui n'appartenait qu'à lui.

-Si c'est un rêve, murmura Holmes à son oreille, nous le faisons tous les deux. Et je vous jure sur ce que j'ai de plus précieux que je mourrais plutôt que de me réveiller. Vous m'avez tant manqué...

-Je vais enfin pouvoir combler l'abîme... souffla le docteur.

-L'abîme ?

Au lieu de répondre, Watson s'écarta. Lui sourit.

Et l'embrassa.

Mon très cher Watson... (Victorian Johnlock)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant