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« Je connais quelqu'un qui a un bateau. »

   Il m'avait entraîné plus loin sur le quai, longeant la rive du fleuve sans jamais en toucher l'eau. Nous descendions petit à petit et les bateaux avaient finis par se montrer à nos yeux. Le blond les regardait un par un, sans trop s'attarder non plus. Quand il avait trouvé ce qu'il cherchait, un nouveau sourire illuminait son visage et j'avais pressé le pas pour le suivre.

« C'est celui-là, il est forcément dedans. »

   Il était alors monté sur le bateau. J'étais resté sur le quai. Je le voyais monter et toquer à la cabine, attendre une réponse et observer les alentours.

« Fry, je sais que t'es là, tu ne sors jamais. »

   Un grognement lui avait répondu et la porte avait fini par s'ouvrir. Un homme un peu plus vieux que nous venait d'apparaître, le regard fatigué et un bonnet marin sur la tête.

« Tu es l'archétype même du pêcheur.

-Je t'emmerde.

-Moi aussi je t'adore. »

   Ils s'étaient serrés la main et celui qui était Fry me lança un regard appuyé.

« Et toi, tu es aussi casse-bonbons que ce blondinet ? »

   Je n'avais rien dis parce que je n'avais pas su quoi dire. Trouver une réponse à ce genre de question relevait encore pour moi du miracle, et pour cette soirée, j'avais eu suffisamment de miracles pour que le destin m'en accorde un nouveau.

« Il est muet ? demandait Fry au chanteur.

-Juste un peu timide. Il peut monter ?

-Tu veux faire un tour, j'imagine. »

   Fry soupirait déjà mais fit un signe de main qui m'autorisa à embarquer. Il disparaissait dans la cabine et le bruit du moteur survenait. Une fois près du blond, tous les deux debout au milieu de l'embarcation, il me souriait.

« Tu n'as pas le mal de mer, j'espère. »

   Ça n'avait pas été une question. Je m'étais contenté de rire, parce que là encore je ne savais pas quoi dire. Le bateau s'était éloigné de la rive et une fois les autres embarcations assez loin, j'ai pu observer la ville. Voire les bâtiments de si bas, éclairés de cette façon, c'était tout de même quelque chose. Je ne pourrais pas vous décrire avec exactitude ce que j'ai pu ressentir ce soir-là, mais j'ai retenu le vent qui désordonnait mes cheveux, le reflet des lumières de la ville sur l'eau, la présence de cet inconnu près de moi qui me rassurait. Je ne savais pas où nous allions comme ça, mais peu importait puisqu'au fond : avions-nous vraiment besoin d'une destination ?

« T'es un peu fou de m'avoir suivi jusqu'ici. »

   J'avais haussé les épaules. Nous étions toujours debout sur le bateau, face à face.

« Toi un peu fou d'y avoir amené un inconnu.

-Je prends le risque. »

   Il souriait toujours et j'en venais à me demander combien de personnes arrivaient-ils à faire sourire.

« Tu es prêts à me suivre ?

-Je crois que la question ne se pose pas. », j'avais répondu.

   Il m'avait alors tendu sa main sans lâcher son regard du mien. Son sourire, à ce moment précis, restait sûrement le plus beau qu'il ait pu m'offrir.

« Moi c'est Newt.

-Et moi Thomas. »

   On s'était serrés la main comme on signe un pacte. Une rencontre un peu enchantée, quand j'y repense, comme si cette histoire se trouvait dans un conte pour enfants.

   On avait discuté encore un petit moment, jetant des coups d'œil aux alentours et faisant des commentaires sur ce que nous pouvions voire. Puis le bateau a retrouvé une place et nous avons regagné la terre ferme.

« Merci Fry, avais-je alors salué.

-Tu sais parler. »

   Il nous avait salué et avait retrouvé sa cabine où sûrement un sommeil profond l'attendait. Je m'étais tourné vers Newt, un prénom digne de lui sûrement, et avait laissé échapper un souffle. J'étais persuadé qu'il allait me laisser là, qu'il allait me dire que c'était une chouette soirée et dans les meilleurs des cas qu'il faudrait qu'on remette ça. Mais à la place, il m'a fait un signe de tête vers le trottoir d'en face et je l'ai suivi.

   L'atmosphère paisible de la ville nocturne m'avait alors soudainement quitté pour laisser place à un air plus chaud. Une odeur d'alcool venait chatouiller mes narines mais les gens parlaient calmement.

« Pub islandais. », m'informa-t-il.

   Il se dirigea directement vers le comptoir et se pencha vers le barman.

« Deux tu-sais-quoi, s'il te plaît.

-Je te sors ça tout de suite. »

   L'homme lui avait fait un clin d'œil et Newt s'était tourné vers moi en m'expliquant :

« Il fait ça à tout le monde.

-Tu as demandé quoi ?

-Secret de la maison, tu goûteras par toi-même. »

   J'avais eu soudainement chaud. L'ambiance de ce lieu me montait au visage et l'air frais de l'extérieur me manquait déjà un peu. Mais Newt souriait et il semblait tellement à sa place.

« Dis, j'ai remarqué que tu avais un accent anglais. »

   Il s'était contenté de me faire un clin d'œil pour confirmer mes dires. Je n'avais pas eu l'occasion d'en savoir plus puisque ce que le barman venait de déposer devant nous deux petits verres. Le liquide qu'il y avait à l'intérieur était d'un marron étrange dont une tâche transparente semblait résister à l'obscurité.

« Tu veux vraiment pas me dire ce que c'est ?

-Bois Tommy, ce sera plus intéressant. »

   On avait alors trinqué et j'avais bu d'une seule traite en le regardant faire. On avait posé d'un même mouvement nos verre sur le bois et il riait en me regardant. Je sentais encore la brûlure du liquide dans ma gorge et j'avais l'impression de savoir exactement où se situait chacun de mes organes contribuant à la digestion.

« Ça fait toujours ça au début, mais t'inquiètes, tu t'en remettras. »

   Il se pencha ensuite vers le barman non loin et lui paya les boissons. J'allais pour sortir mon portefeuille, un peu long à la détente, mais il m'entraînait déjà dehors.

« Vois ça comme une sorte de baptême. Tu l'as réussi avec succès, maintenant tu es prêt à affronter toutes les épreuves que la vie pourra t'offrir. »

   Et la dernière épreuve que cette nuit-là pouvait me donner, je l'avais compris depuis le début : celle de devoir me séparer du blond.

« Je te salue, beau brun ténébreux. Et, qui sait, peut-être à une prochaine fois. »

   Il m'avait fait un signe de la main et partait déjà. Moi, comme un peu plus tôt sur le quai, j'étais resté là à le regarder s'éloigner. Il s'était alors retourné, comme s'il venait de se souvenir de quelque chose :

« Et s'il n'y a pas de prochaine, je te souhaite d'autres balades nocturnes. »

   Et Newt était partit plus rapidement qu'un songe.

Newt est un rêve  [Newtmas]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant