Chapitre 7 - Laïa

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               Les jours passent à une lenteur... Je n'en peux plus ! Je suis épuisée... Je vais bientôt entamer mon deuxième mois de rééducation et pour le moment tout se passe bien malgré le fait que la progression soit très lente. Lorsque le docteur m'a annoncé que mon rétablissement avançait plus lentement que prévu, j'ai commencé à m'inquiéter mais il m'a immédiatement rassurée en me disant que ce n'était pas si grave et que rien n'était joué. Je lui fais confiance alors si il me dit que « ce n'est pas impossible que ça change et qu'il y ait une grande évolution en peu de temps », je le crois et ne m'inquiète plus — du moins un peu moins. En tout cas une chose est sûre, je n'ai qu'une seule hâte et c'est que tout se termine rapidement parce que ce n'est pas très joyeux de « vivre » dans un hôpital.

— Bonjour mon amour !
— Bonjour, maman. Qu'est-ce que tu fais là ? Ce n'est pas l'heure... si ?

Elle vient m'embrasser, toute joyeuse, avant de s'asseoir à côté de moi et de m'annoncer :

— Tu es en repos aujourd'hui.
— C'est vrai ?
— Hum hum, fait-elle en hochant la tête tout en continuant de sourire.
— Qui dois-je remercier ?
— Ton frère. Il est allé voir les médecins pour leur demander de te laisser tranquille le temps d'une journée.
— Je le remercierai quand je le verrai. Tu lui diras de passer me voir.
— Bien sûr.

Elle sort deux gros classeurs de son sac, sous mon regard curieux. Je me demande bien ce qu'il y a à l'intérieur. 

— J'ai ramené deux albums photos. Tu veux les regarder ?
— Oui... oui, repends-je avec plus de sûreté, bien sûr que j'en ai envie !

Elle me sourit et en ouvre un. On y retrouve toute mon évolution, partant de ma naissance jusqu'à mes dix-huit ans, la dernière photographie datant des jours précédant mon accident. Je l'écoute me raconter le récit de chaque photo. C'est comme si elle n'avait jamais oublié aucun détail. Comme si elle avait imaginé, sans même y avoir pensé, que cet accident puisse, un jour, se produire et pouvoir me le raconter. C'est en l'écoutant attentivement que j'apprends ma vie. Ma vie passée. Ma vie oubliée...
Je lève les yeux pour la regarder en même temps qu'elle me parle. J'observe chaque trait de son magnifique visage. Quelques rides, presque inexistantes, apparaissent aux coins de ses yeux. J'observe son regard humidifié par les larmes qu'elle refuse de laisser couler. J'écoute sa douce voix et remarque son petit sourire dû à l'émotion, devant chaque photo... J'ai une sacrée chance d'avoir une mère comme elle. Une mère aimante et présente.

C'est étrange... J'ai comme l'impression d'avoir déjà vu cette scène et de l'avoir déjà vécu mais je ne sais ni quand ni comment. Je ferme les yeux un instant. Des flaches et des morceaux de conversations me reviennent, et j'ai comme l'impression qu'elle ne me dit pas tout, qu'il manque des pièces de puzzle. C'est pourquoi je me décide de lui poser la question qui me perturbe depuis le début :

— Pourquoi n'y a -t- il pas de photos d'Ayden ?
— Si. Au début de l'album. Lorsque vous étiez à l'hôpital. Il y en a une trentaine.
— Oui mais après l'hôpital il n'y a plus rien... Pourquoi ?
— Je... commence -t-elle avant de détourner son regard dans le vide.
— Quoi, maman ?
— La réponse est dans le deuxième album.
— Alors ouvrons le.
— Non, Laïa. On ne va pas l'ouvrir. Pas temps que ton frère ne sera pas là.
— C'est un problème si il n'est pas là ?
— Tu verras ça avec ton frère, Laïa. Vous en discuterez tous les deux.
— Mais...
— Il n'y a pas de mais qui tienne. Ton frère est le principal concerné. C'est son histoire. C'est à lui de te la raconter.
— D'accord. Je comprends.
— Prépare-toi. Je vais t'emmener faire un tour dans le jardin.

Mon aide-soignante vient m'aider à prendre ma douche et à m'habiller. Une fois que je suis prête, je rejoins ma mère qui me prend par le bras et m'aide à marcher. On sort dans le jardin hospitalier.

— J'aimerais bien pouvoir marcher toute seule.
— Bientôt ma chérie. Qu'est-ce que les médecins t'ont dit ?
— Que je n'aurais bientôt plus besoin d'aide et qu'il faut encore un peu de temps pour que je retrouve des forces et qu'elles puissent être, à nouveau, contrôlées par mon cerveau.
— Sois patiente, c'est tout ce que tu peux faire.
— Salut petite sœur !
— Ayden ! dis-je en le prenant dans mes bras.
— Je vais vous laisser. Je dois aller faire quelques courses.
— À plus, maman. Tu veux t'asseoir ?
— Oui. Je suis fatiguée.

Je prends appuie sur lui et on va s'asseoir sur un banc.

— Ayden ?
— Oui ?
— Je peux te poser une question ?
— Bien sûr.
— On a regardé mon album photo toute à l'heure avec maman mais j'ai remarqué quelque chose qui me laisse perplexe.
— Laquelle ?
— Au début on a plusieurs photos ensemble mais dès qu'on est sorti de la maternité il n'y a plus rien. Pourquoi ?
— Parce qu'il s'est passé quelque chose.
— Tu es bien mon frère ?
— Je suis bien ton frère et nous avons le même sang ne t'en fais pas. Tu peux reprendre ton souffle.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Je me suis fait enlever par une femme qui travaillait là-bas. Nous n'avons pas vécu ensemble, Laïa. On ne se connaissait même pas avant que tu ne déménages dans cette ville.
— Oh mon dieu... Comment nous sommes-nous rencontrés ?
— Au lycée. Tu étais dans la classe de mon meilleur ami et de ma copine. On s'est très vite entendu et on nous trouvait des ressemblances.
— Et comment avons-nous découvert que nous étions jumeaux ?
— Par l'intermédiaire d'un détective privé. Je t'ai aidée chaque fois que tu en avais besoin.
— Au début je pensais que maman avait une relation avec cet homme alors j'ai fait mes recherches...
— Tu es venue chez moi avec une prothèse pour faire croire que tu étais enceinte.
— Tout le monde est tombé dans le panneau, dis-je en souriant.
— Même la femme qui m'a élevé, réplique-t-il en souriant en retour. J'ai appris peu de temps après que ce n'étaient pas mes vrais parents.
— Et je t'ai proposé mon aide alors nous avons joué la comédie.
— Tu t'en rappelle ?
— Bien sûr ! Je ne sais pas comment ça se fait mais ça m'est revenue quand on a commencé à discuter.
— Si maman n'avait pas eu ce sentiment à ta fête d'anniversaire, j'aurais quitté la ville et je n'aurais jamais su la vérité.
— Heureusement cela ne s'est pas produit.
— Heureusement.
— Salut...

Je me retourne en même temps qu'Ayden en direction d'une jeune fille. Je ne la connais pas mais son visage m'est familier et sa voix... je l'ai déjà entendue quelque part.

— Layana ! Tu vas bien ? dit-il en l'embrassant.
— Bien... Je suis venue voir Laïa.

Elle me connaît ?

— Comment tu vas Laïa ? Je suis désolée de ne pas être passée plus tôt mais je n'ai pas pu.
— Ce n'est rien j'imagine. C'est à mon tour de m'excuser mais êtes-vous de ma famille ?
— Euh... dit-elle en fixant le vide. Nous n'avons aucun lien de sang mais...
— Alors je suis navrée mais je n'ai pas envie de vous voir.
— Bien... je m'en vais dans ce cas.
— Je suis désolé Layana... s'excuse mon frère.
— Ne t'inquiète pas va, on se voit plus tard, fait-elle avec un faible sourire.

Je l'observe s'en aller. Une boule se forme dans mon estomac. Je me sens coupable mais pour l'instant je ne veux voir personne excepté ma famille et le personnel de l'hôpital.

— Pardon Ayden mais je n'ai pas la force...
— Ce n'est rien. La prochaine fois peut-être.

Il s'approche de moi et m'aide à me relever.

— Je te ramène dans ta chambre.
— Ne m'en veux pas s'il te plaît.
— Absolument pas. Je respecte ta volonté, Laïa. Tu as sûrement une raison de refuser les personnes autres que la famille.
— Merci.
— Pourquoi ?
— Grâce à toi je n'avais pas toutes ces activités pour me remettre sur pied.
— Ce n'est rien.
— Ça m'épuise plus qu'autre chose.
— Je le sais. Je le vois.

[2] Souviens-toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant