Eclat

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/.../ Je regarde les gouttes de sang qui s'écrasent au fond de l'évier. Quelle gourde , je me suis coupée.

Rapide, je porte le doigt à mes lèvres, suçote la plaie avant d'aller chercher un pansement. Je grimace un peu, j'ai serré trop fort.

Inutile de poursuivre, le petit bout de sparadrap n'y résisterait pas. Pas grave, je vais essuyer, ça je sais le faire correctement.

Désabusée, je regarde la poêle qui est apparue sur la plan de travail. À priori, même une vaisselle , je ne sais pas la faire correctement.

J'en viens à me demander si je sais faire correctement quelque chose en fait.

Je suis usée, fatiguée des reproches, des brimades et surtout des cris. Je ne supporte plus les cris pour un rien. J'ai beau tout faire, rien n'est jamais suffisant.

Quand suis-je passée d'objet d'adoration à objet que l'on méprise ? Il me prend pour une idiote, cela fait longtemps que ses « je t'aime » sonne creux. Et les sourires maintenant sont pour les messages qu'il reçoit après 22 h. Ses yeux brillent, ce n'est pas sa mère, c'est évident.

Je l'envie d'avoir trouver comment le rendre heureux. J'ai tout donné, tout sacrifié. Et c'est une autre qui a gagné, tout pris.

Et les amis me direz-vous ? Quels amis ? Un ami, c'est un traître déguisé en Bisounours. Je croyais avoir des amis. Pareil, toujours là pour eux. Et eux, jamais là pour moi. Comme pour lui, je ne suis rien. Rien de plus que la fille gentille, la bonne copine, celle qu'on adore, celle qu'on oublie. Pourquoi ? Bah, parce qu'elle comprendra ! Elle est tellement adorable.

Un triste sourire se dessine sur mes lèvres. Je me revois du haut de mes sept ans face à la psy, cette dernière expliquant à mes parents que j'avais un problème émotionnel, que je ne parviendrais jamais à trouver mes marques avec les autres. Tout ça pour avoir mis dans une rédaction que les amis sont ceux qui frappent en premier. « Les médicaments seront une solution. Une école spécialisée aussi sans doute ». Pas huit ans, déjà désignée coupable.

J'ai pris les autres en grippe, trop effrayée de devoir faire confiance. Et je suis seule depuis, seule tout le temps. Seule, toujours seule.

Je suis fatiguée de courir après une popularité qui ne viendra jamais, alors qu'à tant d'autres qui ne méritent rien obtiennent tout. Et sans demander.

Je suis lassée d'être à peine un reflet dans un miroir. Lassée d'être un second couteau, un dernier choix.

Je n'en peux plus de lutter pour que l'on me perçoive telle que je suis. Mes yeux dérivent des morceaux de verre à mon poignet. Ce serait si facile.

Il ne rentre que dans dix minutes, si je me débrouille bien, tout sera fini. Fini les questions existentielles, fini les larmes et les doutes, fini de passer ma vie, comme un chien, à quémander une attention, un mot, une caresse.

Personne ne mérite d'être ramené à ce point à l'état de déchet humain.

L'incroyable Hulk est en colère tout le temps; moi j'ai peur tout le temps.
Peur du meuble mal rangé, de la vaisselle mal essuyée. Du plaisir que je ne prends plus quand il daigne me toucher.

Allez grande, prends ta décision, dans quelques minutes il sera trop tard. Essaye de ne pas raté ça aussi.

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⏰ Last updated: Jun 08, 2018 ⏰

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