Chapitre 2 : Incertitude

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Après cette belle journée, le temps commença à changer sans arrêt. Il y eut la canicule puis de fines pluies, inhabituelles pourtant sous ces latitudes, et de fortes rafales de vent vinrent fréquemment secouer les arbres fruitiers et balayer les plantations de légumes.

Ces variations de température et ces bourrasques soudaines, souvent nocturnes, dérangeaient les animaux et empêchaient les humains de dormir.

Cette période fut assez difficile et influa certainement sur les événements qui allaient se produire par la suite.

Plusieurs semaines plus tard, en effet, une agitation anormale régnait dans la maison.

— Va chercher le docteur, glapit Ramona à Dolorès, et ne traîne pas en chemin, Madame est au plus mal.

Elvira présentait tous les symptômes d'une femme en plein travail. Elle avait presque deux mois d'avance sur la date prévue pour les couches et souffrait le martyre.

Dans sa chambre, Elvira était allongée et essayait de calmer les battements de son cœur. Elle espérait ainsi ralentir le travail, ce qui lui permettrait d'attendre l'arrivée du médecin. Par moments, elle grelottait de tout son corps et d'autres fois, elle était toute dégoulinante de fièvre.

Le médecin avait été appelé assez loin du domaine mais Dolorès avait envoyé quelqu'un pour le prévenir.

Ramona avait l'habitude d'aider des femmes en couches, mais ce qui l'inquiétait surtout c'était que cet enfant arrive si tôt. Dans ce cas elle pensait ne pas savoir ce qu'il convenait de faire. Le nouveau-né serait petit puisque les derniers mois avant la naissance correspondent surtout à la prise de poids du bébé, mais serait-ce tout ? Sa formation serait-elle terminée ? Pourrait-il respirer, s'alimenter normalement ? L'avenir s'annonçait plutôt sombre pour ce nouveau venu.

Les deux grands auraient bien voulu entrer dans la chambre et tenir la main de leur mère pour la réconforter mais Ramona, avec raison, le leur avait interdit. La vue de telles souffrances risquerait de les choquer pour toujours et elle voulait éviter à Elvira de s'empêcher de bouger ou de geindre à chaque contraction. Non, ce n'était pas un spectacle pour de jeunes garçons !

Rodrigo se trouvait alors dans l'atelier avec son contremaître Ernesto, tous deux occupés à l'inventaire des outils à remplacer. Il accourut dès qu'il eut connaissance du travail prématuré de son épouse. Il espérait que tout se passerait bien mais ne pouvait s'empêcher de penser qu'une naissance avant le terme n'était pas une bonne nouvelle.

Elvira ne voulait personne dans sa chambre à l'exception du médecin. Ramona et Rodrigo restèrent donc devant sa porte sans entrer. Le médecin arriva plus d'une heure après le retour de Dolorès.

— Depuis combien de temps est-elle en travail ? Dis-moi tout ce que tu as vu Ramona, c'est important. Bon sang, jura-t-il. Vous n'auriez pas dû la laisser seule, il ne fallait pas l'écouter mais maintenant laissez-moi m'en occuper.

Il pénétra dans la chambre avec sa mallette et dans l'entrebâillement de la porte, Rodrigo vit que la pièce était dans la pénombre.

Peut-être était-ce mieux quand on souffre, pensa-t-il tout en faisant les cent pas devant la porte, rongé par l'inquiétude.

Ramona était descendue à la cuisine préparer des linges et de l'eau chaude. Les minutes furent interminables et plus aucun bruit ne sortit de la chambre.

Puis, tout à coup, il y eut un petit cri. Rien à voir avec ceux poussés par ses deux garçons, celui-ci faisait plus penser au miaulement d'un petit chaton. Rodrigo accéléra ses allers et retour devant la porte. Il avait du mal à rester là, à attendre. L'incertitude était intolérable.

La promesse de nacre (Sous contrat d'édition)Where stories live. Discover now