PDV Extérieur :
Le soir de la sortie au marché, ce fameux soir où tous s'étaient senti libre et heureux, Jungkook et Yoongi s'étaient sentis plus encore. Ils s'étaient retrouvés hors de la zone où ils étaient enchaînés, où on leur interdisait de vivre ce qu'ils désiraient le plus... et ça les avaient libéré, l'espace de quelques heures, ça leur avait donné un avant-goût de ce qu'ils pourraient vivre si une réalité plus dure ne leur barrait pas le chemin. On fond d'eux-même, sans qu'ils ne le sachent, ça les avait excité, ça leur avait fait goûter les joies de sortir des grandes règles, de se mettre en danger, de ne plus respecter les lois imposées... l'espace de quelques heures. Et c'est cette exaltation cachée, cette euphorie invisible, qui leur avaient permis, dans un ordre silencieux, de s'abandonner, de ne plus être aux aguets, de ne plus être sur la défensive ni méfiant. Ils étaient entourés de personnes inconnues, dans un quartier lointain et inconnu. Alors pourquoi y aurait-il des gens connus ? Et c'est donc pour ça que ni Jungkook, ni Yoongi, ni aucun autre, n'avaient vu le jeune lycéen. Celui de leur propre lycée. Lui, il les avait reconnu, il les avait suivis, il les avait pris en photo, et d'une certaine manière, d'un certain point de vue, il n'était pas complètement coupable.
C'était quelque chose que personne ne savait, à part lui. Quelque chose d'inconnu, à part pour lui.
Mais il se passa quelque chose d'autre que personne ne savait, au cours de cette soirée. Lorsque les quatre amis se séparèrent, alors que trois d'entre eux avaient le cœur léger, celui du quatrième était alourdit par l'angoisse... Mais personne ne s'en rendit compte. Même lorsque Jimin raccompagna Jungkook car ils avaient le même chemin, ce dernier fit tout pour que sa peur ne paraisse pas aux yeux de son ami.
Et c'est ainsi que, alors que Jimin avançait pas à pas vers sa maison, que Taehyung fermait sa porte d'entrée derrière lui, et que Yoongi buvait un verre d'eau dans sa cuisine, Jungkook, glacé par l'effroi, ouvrait lentement la porte qu'il venait de déverrouiller. Elle s'ouvrit dans un grincement, l'invitant à entrer d'une parole peu rassurante. Il resta un instant sur le palier, la vue du salon éclairé l'effrayait bien plus que les ombres habituelles de sa maison. Un homme assis dans le canapé lui tournait le dos. Alors que la pièce, bien que seulement éclairée par une lampe à pied, demeurait assez lumineuse, la silhouette masculine elle, était comme entouré d'un halo obscur, donnant l'impression que c'était le corps lui-même qui diffusait les ombres dans cette maison...
Sa voix grave et profonde crevant le silence fit sursauter le brun.
- Entre, Jungkook... Il faut que nous ayons une petite discussion.
Mais dans cette voix, la promesse de violence était telle que le brun ne put retenir un tremblement. Une voix menaçante, comme les crocs découverts d'un prédateur lorsque celui ci s'apprête à bondir sur sa proie. Il sut alors que cette fois-là, il ne pourrait pas être ou feindre l'indifférence, comme il le faisait habituellement, restant fort et de glace face à son bourreau. Cette fois là il allait le regretter bien plus que les fois précédentes. Mais ce qui lui faisait le plus peur, la pensée qui lui serrai le plus le cœur, qui lui écrasait le plus l'estomac, c'était que pour la première fois de sa vie, il doutait du fait qu'il verrait le prochain lever de soleil...
Flashback :
Jungkook sortit de son lit une heure après que son tortionnaire se soit enfermé dans sa chambre pour se coucher. Il était tout habillé. Sa veste, son pull, son pantalon... Il prit ses chaussures d'une main, son bonnet de l'autre, et s'avança à pas feutré vers la porte de sa chambre. Le clair de lune projetait une faible ombre sur le plancher au milieu des obscurités de la pièce.
D'une main, il saisit la poignée. Il commença à lentement la baisser, le plus doucement possible, il savait qu'il y mettrait une heure s'il le fallait, mais il ne fallait surtout pas qu'il fasse le moindre bruit.
Il ouvrit la porte avec hésitation. Mais pas parce que les gonds risqueraient de grincer, non pour ça il ne s'inquiétait pas, mais plutôt pour vérifier l'absence de quiconque dans le couloirs. Refermant à demi la porte derrière lui, il s'avança, toujours avec la même précaution, et s'arrêta devant l'escalier. Il attendit quelques minutes que ses yeux se soient accoutumés à l'obscurité totale de la maison. Là dehors, les lampadaires étaient bien allumés depuis longtemps, mais ici, les rideaux et les volets n'étaient jamais ouverts. Les pièces, les meubles et les murs semblaient absorber les ombres accumulées çà et là, si bien que la maison elle-même semblait faite d'obscurité.
Il commença à descendre l'escalier pas à pas. Il se collait au mur, les pieds appuyant sur l'extrémité la plus solide et la plus silencieuse des marches. Il arriva au salon sans encombre, mais le cœur cognant dans sa poitrine. Il avait mal à la tête et à la gorge à force de se retenir pour faire de sa respiration un mince filet d'air le plus insonore possible. Il s'autorisa un léger soupir lorsqu'il atteint l'entrée.
Il s'assit, et alors qu'il allait enfiler sa première basket, un bruit le figea. Il venait de l'étage, plus précisément de la chambre voisine à la sienne. Ses yeux s'agrandirent, sa respiration se coupa, ses mains se mirent à trembler. Il était si proche du but, que devait-il faire ? Si jamais il sortait de sa chambre, devrait-il regagner la sienne l'air de rien en recevant probablement un coup, ou devrait-il partir en courant, au risque de bien pire au retour ? Le visage de celui qui partageait son cœur traversa sa tête, il pensa au fait qu'ils devaient se retrouver, enfin. Il pensa à son meilleur ami, à la promesse qu'il lui avait faite...
Il sortit précipitamment de ses pensées, ce n'était pas le moment. Si il sortait, il verrait sur le coup.
Il attendit quelques instants de plus, aux aguets, mais aucun autre sons ne lui parvint. Il enfila correctement sa première chaussure, mais ses mains tremblaient à présent. Ses gestes étaient imprécis et précipités, maladroits. La peur l'avait à nouveau envahi. Alors qu'il s'emparait de sa seconde basket, un bruit creva à nouveau le silence. Mais celui-ci, il le reconnut. D'abord immobile, il se retourna d'un geste saccadé d'angoisse. Ses yeux lui apportèrent la confirmation de ses hypothèses... Dans l'escalier qu'il avait descendu un peu plus tôt, une très faible lumière éclairait légèrement les première marches, diffuse. C'était tout juste si on la remarquait, mais Jungkook lui ne voyait que ça. Il resta là, paralysé par la terreur de voir que celui qu'il redoutait le plus n'était en fait pas endormit, les yeux écarquillés fixant le couloir d'où venait la lueur. Lorsque le bruit d'une poignée s'abaissant résonna, il ne réfléchit plus. Son instinct le guidant, il enfila à la va vite sa chaussure et attrapa son bonnet. Il se précipitait vers la porte, se cognant presque contre elle, lorsqu'il entendit une porte s'ouvrir. Derrière lui le couloir inondé de lumière laissait voir l'ombre menaçante s'étalant sur les premières marches de l'escalier.
Sans se retourner il déverrouilla le battant de bois et s'enfuit dans la nuit.