Ethrian III - Eriel et Ana-su

Acte V, scène 5.

Raen, Ar, Eriel, Ana-su et le Roi.

Le Prince hériter et le second Prince se tiennent face à leur père, tandis que la criminelle et l'infidèle sont encadrées par des gardes plus loin.

ROI — Celle que l'on appelle Ana-su a fauté contre la Couronne d'Ethrian. Son châtiment sera à la hauteur de son crime et sera immédiat. Son Altesse Eriel, vous avez été infidèle envers votre époux, le second Prince, et êtes tombée ouvertement, sous les yeux de tous, en amour pour son troisième frère. Vous devez être punie et le choix de la sanction revient à votre époux... Néanmoins, je vous accorde à vous deux une chance de vous expliquer. Donnez-nous vos versions des faits.

Les femmes se jettent des œillades. Laquelle devrait commencer ?

ANA-SU — Puisque j'ai été la première nommée, je parlerais d'abord... Je suis née sans parents. Ma mère a été assassinée par des voleurs alors qu'elle accouchait déjà difficilement. Mon père s'était enfui bien des semaines avant. En fait, il a abandonné ma mère quand il a su pour moi. Je suis ainsi née sans personne. J'ignore si, ce jour là, j'ai eu une bonne fortune ou non, mais j'ai été recueillie par un Lord. Cependant, il vous haïssait et ne s'en est jamais caché. (inspirant calmement) Très vite, il m'a initiée au combat, à la médecine, à la stratégie et ensuite, aux arts. Il me racontait, le soir, que j'allais devenir une personne puissante qui aurait un important statut lorsqu'Ethrian serait prêt à changer. (prend une pause et se met à fixer le Prince héritier) Il y a peu, il m'a annoncée que l'heure était venue. Il chantait à tue-tête que les festivités seraient propices au changement. Il m'a commandée d'anéantir la famille royale et j'ai bêtement suivi. J'étais persuadée de pouvoir le faire. Je m'étais entraînée des années durant. Puis, j'ai rencontré le Prince héritier et sa candeur déboussolante. J'ai cru à un enfant et je n'ai pu m'en prendre à lui. J'ai même hésité à partir, à m'enfuir, à ne jamais rentrer chez moi, mais c'était trop dur. Je devais agir. C'est ce que j'ai fait. (une larme, une unique larme, s'échappe d'un orbe assombri par les regrets) Je ne demande pas le pardon. J'ai péché, les Anges l'ont voulu et je dois désormais en payer le prix.

Le Prince héritier a serré les poings et sa mâchoire est contractée. Il se retient de prendre la parole.

ERIEL, froidement — Pour ma part, je n'ai rien à dire. Rien ne pourrait me défendre.

AR, désemparé — Dites-moi ce que vous éprouvez avec des mots purs et véritables. Dites-moi, sans censure, quelque chose pour que je vous comprenne.

ERIEL — Nous ne nous sommes jamais compris, ni entendus, nous étions faits pour en arriver à ce jour. Je n'ai souhaité que les événements se déroulent ainsi, je ne projetais pas de tomber amoureuse de votre frère et encore moins de vous détester... Oui, je vous déteste. Parce que c'est vous qui m'avez rendue glacée ! Si vous vous étiez occupée de moi, si vous m'aviez avouée vos sentiments plus tôt, je n'aurais pensé que je n'étais rien à vos yeux et je n'aurais cherché de réconfort.

AR, tristement — Avez-vous découvert votre attention tant désirée dans les bras de mon frère ?

ERIEL — Il est encore plus frigide que vous, ou que moi. Mais, lui, il était à mes côtés et me réconfortait quand vous m'ignoriez. Tout comme la criminelle, je ne demande pas votre pardon, je le refuse ! Je ne vivrai pas non plus avec vous, je ne vous aimerai pas et je ne retournerai vers le troisième Prince. Je serai aussi vide que les Anges me prédestinaient à l'être ! Ma vie entière n'est qu'un tissu d'illusions. J'en ai assez de me laisser bercer par l'espoir.

La pièce devient subitement muette. Le Prince héritier n'ose regarder Ana-su, devinant ce qu'il va se produire. Le second Prince se retient de verser des larmes pour une femme qui le méprise. Le Roi remarque effroyablement la souffrance de ses deux enfants.

ROI — Mes fils, il est temps de vous libérer du poids que vous portez inutilement. Raen, décidez du châtiment. Ar, qu'allez-vous choisir ?

AR — Son Altesse Eriel a brisé la promesse qu'elle m'avait faite lors de notre mariage. Elle doit être punie...de sa vie. De toute façon, elle ne semble pas y tenir !

RAEN — Dame Ana-su a commis le pire affront envers la Couronne d'Ethrian, elle doit être punie de sa vie... Toutefois, je ne peux me résoudre à décider d'une mort.

ROI — Dame Ana-su, Eriel, les Princes ont déclaré la sanction. Soumettez-vous et désignez votre ultime souhait.

Les deux femmes prononcent leur dernière préférence.

ANA-SU — Je veux une mort rapide. Par poison.

ERIEL — Je veux une mort douloureuse pour mon époux. Qu'il me tranche la gorge.

ROI — Qu'il en soit ainsi ! Princes, accédez à leur requête.

La nuit, un homme sanglotera dans sa chambre, seul, et dégoûté des lois ; un second pensera à ce qu'aurait pu être sa vie aux bras d'une épouse décente ; un troisième regrettera d'avoir autorisé une Altesse mariée à venir dans son lit ; tous pris de remord dû aux récentes exécutions.