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Heather pdv.
Il était assis au bar, pas très loin d'où j'étais moi-même installé. Il me tournait le dos, mais je savais que c'était lui. Malgré tout ce temps, je n'avais pas oublié ses manières, surtout la façon qu'il a de tenir son verre. Entre son pouce et son annulaire. Sa chevalière armée sur ce dernier. Il commande toujours la même boisson. Un whisky écossais. Plus je me rapprochais de lui, plus je pouvais sentir mon pouls s'affoler. C'est comme si mon corps agissait de lui-même, comme si il ne s'entendait pas avec mon cœur, avec ma tête. Mes pieds s'arrêtaient si près de lui que je pouvais sentir son odeur. Il portait toujours la même eau de Cologne. Et cette odeur raisonnait comme un déclic à l'intérieur de moi. Plus de doute possible, c'était bien lui. A la seconde où mes soupçons se sont confirmés, ma raison prit le dessus, et je m'enfuyais de cet endroit encore bourré de souvenirs. 

Je passais la porte et je ne sais pas combien de temps exactement s'est écoulé avant que je ressente mes poumons me brûlés de l'intérieur. C'est à ce moment-là que j'ai remarqué que j'étais en train de courir. Instantanément j'arrêtais ma course et j'essayais de reprendre ma respiration. Fuir est la seule chose que je suis capable de faire. Surtout quand il est dans les parages. 

"Heath?" cette voix si familière m'interrompt alors que je n'avais pas encore retrouver mon souffle. "Qu'est ce que tu fais là, tu m'as dit de te retrouver au bar" 

"J'ai" j'expire "changé d'avis"

Il pose ses mains sur mes épaules et attend que je retrouve un rythme cardiaque normal. Mon regard pénètre alors instinctivement dans ses yeux qui sont le double des miens. Je pouvais voir toute la frustration du monde qui s'y trouvait actuellement. Avec tout ça, j'en avais presque oublié le sujet même de la discussion à venir. C'est pourquoi je ne lui pas dis directement, à ce moment précis, qui je venais de voir. Au lieu de ça, je fis la seule et unique chose dont mon frère avait besoin : le prendre dans mes bras. 

[...]

"Je n'arrête pas de retourner en boucle tous ce que j'ai vécu avec lui. Du plus loin que je me souvienne, il fait partie intégrante de tous mes souvenirs. Absolument tous. Je me rends compte aujourd'hui qu'il a toujours été comme omniprésent dans ma vie. Là ça fait quatre jours que je ne l'ai pas vu. Et pourtant ça fait tout aussi longtemps que son image n'a pas quitté pas tête, que son nom a occupé mon esprit, qu'un son, un mot, un objet ou une musique n'a pas arrêté de me faire penser à lui et aux souvenirs que je partage avec lui. Je n'arrive juste pas à comprendre. Comment un simple geste peut avoir le mérite de tout chambouler. C'est comme si toute perspective que je me faisais de ma propre vie n'avait été qu'un filtre. Maintenant que ce filtre est tombé, je suis incapable de discerner quoi que ce soit. J'ai l'impression d'être en face à face avec une vérité qui semble pourtant être le plus gros des mensonges jamais inventé sur Terre. Mais ce changement de perspective me laisse entendre que cette vérité n'est peut-être pas un mensonge. Ou peut-être que si. Tu comprends? Non, bien sûre que non, tu ne comprends pas."

Je souris. Ces discussions avec mon frère sont mes préférées. Nous avions l'habitude d'entamer des sujets sensibles ou existentiels et de les pousser loin pour développer notre imagination, nos pensées. Ça faisait longtemps que nous n'en avions pas eu. Mais je crois que c'est la première fois que le sujet s'apparente à l'un de nous directement.  

"Je crois que tu es en train de perdre tout tes repères. C'est normal d'être perdu. La seule chose qu'il ne faut pas qui t'arrives, c'est de laisser ta tête passer au-dessus de ce que tu ressens. Tes émotions doivent toujours guider tes actes et jamais l'inverse."

Un mensonge en entraîne un autre [magcon]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant