Préambule

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- Chers élèves, avant d'entamer cette histoire, permettez-moi de vous faire un point rapide sur la situation de l'époque, le contexte, donc, et les finalités de mes écrits sur les marchombres ». Dans le palais d'Orus, un imposant bâtiment de pierre aux reflets turquoise et bâti avant même la naissance d'Ellundril Chariakin (du moins selon la légende) se trouvaient une poignée d'enfants, tous pendus aux lèvres de la femme qui venait de prendre la parole et tous arborant le même regard dont la lueur trahissait l'excitation, l'admiration mais aussi la peur. Ils étaient éparpillés dans la salle Condo, parmi les bureaux vides et chaises solitaires, trahissant cette fois-ci un intérêt cruellement décroissant pour l'Histoire. Un fait que Moren Gil' Tam, historienne de renom, ne put s'empêcher de commenter.

- Et vos camarades sont...?

Sa phrase, laissée en suspens, mit dans une position délicate la quinzaine de jeunes filles et garçons les plus visibles. Ils s'échangèrent quelques regards compatissants, sûrement pour s'encourager les uns les autres de prendre la parole et attendirent. Comme prévu, aucun volontaire ne se manifesta, ce qui suffit à la jeune femme, qui, bien qu'amusée par la situation maintint son air sévère et son apparente rudesse. Elle marqua une pause, eut l'air de se remémorer quelque chose. C'est qu'elle se dit soudain qu'elle était heureuse et qu'elle avait de la chance d'être là, le fond de sa pensée étant inévitablement tourné vers les sacrifiés de la guerre contre les ts'liches, une pensée accompagnée d'une profonde reconnaissance. Puis elle se ressaisit et haussa le ton.

- Personne ? Je vois...je vois. Eh bien, permettez-moi de répondre à votre place. Si vos camarades sont absents c'est qu'ils ne considèrent plus ce qui a précédé la guerre. Pour eux, l'Histoire réside seulement dans l'héroïsme et ses porteurs. Ils oublient que ces héros ne se sont pas accomplis seuls, et surtout négligent l'apprentissage au profit de la fin. Quoiqu'il en soit, je ne leur en veux pas, les seuls à blâmer sont leurs parents, leur entourage, qui pour la plupart renient un héritage qu'ils jugent trop lointain.

Les enfants buvaient ses paroles, bien que leur sens leur échappait pour la plupart : ils n'avaient que 10 ans. Aussi beaucoup pensèrent à ce moment-là que malgré sa froideur, leur professeure était digne des plus grands respects. Une des enfants, qui partageait cette pensée, leva un doigt timide qui fut instantanément remarqué par l'historienne. Cette dernière l'invita à parler à l'aide d'un sourire discret.

- Ça veut dire qu'on va parler du marchombre Jilano ? demanda-t-elle pleine d'espoir. Elle continua sur sa lancée et lâcha : En tout cas j'espère, car c'est pour moi la personne la plus géniale qui ait jamais arpenté la voie.

Un murmure se fit entendre tout autour d'elle, faisant ressentir la surprise voire l'indignation qu'avaient initié ses propos. Et avant que leur professeure ne puisse proposer ne serait-ce qu'un semblant de réponse, un garçon un peu plus âgé et à l'expression un brin prétentieuse imposa à tous le fond de sa pensée.

- Tes paroles, en plus d'être inexactes par les faits, sont honteuses. Je crois que tu ne réalises pas à quel point les actions d'Ell...

- Merci Enro mais ce sera tout, interrompit la femme sur l'estrade, tu viens juste de démontrer mes explications de tout à l'heure... Sois prévenu... » Elle marqua une courte pause avant de se reprendre. « Soyez prévenus que tout l'intérêt de ce cours est de mettre vos héros de côté, donc pour ainsi dire, Ellana sera à peine citée. Aujourd'hui, nous allons nous concentrer sur ceux qui l'ont précédée, c'est tout. Donc si vous voulez rejoindre le clan des incultes c'est maintenant, mais décidez d'abord si vous jugez Jilano, Isaya et Sayanel moins intéressants que leurs concours d'allumage de brindilles pathétiques.

Tous s'étaient tu, terrifiés ne serait-ce qu'à l'idée de franchir la porte et de décevoir Professeure Gil'Tam. Et ils avaient raison, lorsqu'elle parlait c'était avec sincérité et les voir privilégier le dessin à l'Histoire l'aurait profondément blessée. Non pas qu'elle avait quoi que ce soit contre la pratique d'Ewilan, mais justement parce que le dessin semblait n'être plus connu et exercé qu'en raison des exploits dont cette dernière avait été capable. Un effet de mode qui l'insupportait. Cependant, Enro, était l'exception qui confirmait la règle. Il sortit, très fier de lancer :

- J'aime particulièrement les brindilles. 

Une heure était passée depuis le départ en fanfare d'Enro et l'atmosphère était enfin devenue respirable pour les jeunes élèves. Gil'Tam, pour les calmer, avait décidé de faire un tour de classe afin de savoir qui étaient leurs modèles et pourquoi, tout en prenant bien soin de leur répondre de manière à étayer son propos. Venait maintenant le moment qu'ils attendaient tous, quoique à des degrès différents : Les bases qui leur offriraient les clés aux Chroniques des Marchombres. Et cette fois-ci, ils se promirent de ne pas l'interrompre.


Chroniques de MarchombresWhere stories live. Discover now